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princesse, fit offrir à cette femme tout l'argent qu'elle voudrait l'intérêt réuni à la haine détermina la nourrice de la reine. Albéroni, qui nous gênait trop en Espagne, reçut, par un billet de Philippe V, ordre de sortir en vingtquatre heures de Madrid, et dans quinze jours des terres de sa domination. Il fut livré par le roi d'Espagne aux troupes françaises qui le conduisirent sur les frontières.

Albéroni partit avec des richesses immenses. Il y avait déjà deux jours qu'il était en marche, lorsque l'on s'aperçut qu'il emportait le testament de Charles II, qui instituait Philippe V héritier de la couronne.

Il fallut user de violence pour l'obliger à rendre ce testament. Il avait sans doute envie de gagner la protection de l'empereur, en lui remettant ce titre précieux.

Albéroni devant traverser la France,

le chevalier de Marcion eut ordre d'aller le prendre à la frontière, de ne le quitter qu'à l'embarquement, et de ne pas souffrir qu'il lui fût rendu aucun honneur sur son passage.

Le cardinal se rendit à Parme, n'osant s'exposer au ressentiment du pape: ce ne fut qu'en 1721, à la mort de Clément XI, qu'il fut à Rome, pour le conclave.

En passant par la France, il eut l'audace d'écrire au régent et de lui offrir de faire à l'Espagne la guerre la plus dangereuse. Le duc d'Orléans montra sa lettre et ne l'honora pas même d'une réponse.

Appelé plusieurs années après à la légation de la Romagne, et ne pouvant plus entreprendre de bouleverser les royaumes, il trouva encore moyen de faire parler de lui dans le monde, en entreprenant, pour le Saint-Siége, la conquête de la petite république de

Saint-Morin, village situé à la vue de Remini. Cette entreprise eut tout l'air de la parodie des comédies héroïques qu'il avait jouées en Espagne vingt ans auparavant. Tant il est vrai que le desir de dominer ne fait que s'assoupir dans un repos forcé, et qu'à la moindre occasion itse réveille (1)..

(1) Madame de Pompadour est sévère à l'égard d'Albéroni. Soyons justes, et voyons avec quel éclat il parut en Espagne, et quels obstacles son mérite eut à vaincre.

L'Espagne était dans un état voisin de l'apathie; un étranger, Albéroni, se présente, entreprend de la revivifier, de rétablir ses forces abattues, de rendre à la nation son ancienne énergie, et au royaume son antique splendeur; mais, pour arriver à ce but, il eut à combattre et la paresse du roi, et quelquefois la reine elle-même, pour laquelle il travaillait.

Il n'y a pas d'exemple d'une vie semblable à celle de Philippe V; plus isolé dans sa cour qu'un anachorète dans son désert, marié à Louise de Savoie, il ne voyait qu'elle et la

C'était alors en Espagne le règne des aventuriers, car alors on parlait beau

princesse des Ursins; remarié à Élisabeth Farnèse il ne vit non plus que son épouse et le cardinal Albéroni: toutes celles de ses actions qu'on peut appeler royales, portaient l'empreinte de l'indifférence et de la contrainte. Il était froid et presqu'immobile dans les audiences publiques. On l'approchait, il écoutait; on lui présentait un placet, il le prenait ; on se retirait, à peine vous honorait-il d'un geste, et presque jamais d'une parole. Avec ses ministres il était rare que Philippe déterminât quelque chose dans le premier travail. Il fallait attendre la décision dont il convenait avec la reine dans le particulier. Quelquefois il la laissait s'expliquer avec le ministre, pendant que, retiré à l'autre extrémité de la chambre, et couché sur un sopha,il rêvait mélancoliquement.

Eh bien, malgré cette indolence si contraire à l'exécution de ses grands projets, Albéroni trouva des ressources dans le caractère même de Philippe V, qui avait du bon sens, comprenait bien les choses quand il voulait se donner la peine de les entendre, et il était opi

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coup d'un autre cardinal espagnol, 'comme un exemple de ce que peut l'en

niâtre dans ses résolutions; il aimait les entreprises glorieuses, et sa passion était de figurer grandement en Europe. Avec cette façon de penser de son souverain, Albéroni, devenu premier ministre, rétablit l'autorité du monarque dans le gouvernement. Il s'en servit pour corriger beaucoup d'abus et commencer des établissemens utiles à la population. Il réforma le militaire, s'occupa heureusement de l'administration des finances, et prit des mesures qui ne tendaient à rien moins, qu'à rendre l'Espagne l'arbitre de l'Europe entière.

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Quoique la reine eût beaucoup d'esprit, comme elle n'avait qu'une teinture très-superficielle des affaires le ministre se trouvait quelquefois arrêté par la crainte qu'elle ressentait que la vaste entreprise formée pour procurer des états à ses enfans ne lui fût préjudiciable à elle-même; quelquefois aussi il se voyait traversé par les desirs peu réfléchis de la princesse. Un jour, dans le temps des dépenses les plus urgentes de la guerre, elle lui demanda avec instance de l'argent pour

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