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rées. C'est une grande fresque exécutée vers 1640 par Bertholet Flamaël (ou Flemalle), peintre liégeois (1). Elle représente, paraît-il (car il est fort difficile de la voir), le prophète Elie, enlevé au ciel sur un char de feu, et jetant son manteau à son disciple Élisée qui lui tend les bras.

Redescendus de ces hauteurs, nous pénétrons enfin dans l'église, un peu trop tard malheureusement, car il est près de 4 heures et demie et le jour a baissé. Aussi distinguonsnous à peine la grande peinture placée au-dessus du maîtreautel. Avant la Révolution, c'était, paraît-il, une œuvre de Quentin Varin. C'est maintenant un tableau de Lagrenée représentant la mort de saint Joseph.

Le tabernacle, entièrement doré, paraît dater seulement du XVIIIe siècle; il est éclairé des deux côtés par deux charmants petits anges en bronze doré supportant des flambeaux à deux branches, d'un très gracieux dessin et d'une fine ciselure. On pourrait se demander si ces jolis enfants n'ont pas commencé par être des amours avant de devenir des anges. Une riche Américaine en a récemment fait offrir une somme considérable, mais sa proposition d'achat a été, Dieu merci, déclinée. A gauche du maître-autel est la chapelle de la Vierge où l'on voit une grande statue qui n'est malheureusement que la reproduction de celle restée à Notre-Dame. Elle représente la Vierge assise tenant l'enfant Jésus sur ses genoux. Cette statue, exécutée en marbre blanc par Antonio Raggi, d'après un dessin du Bernin, fut donnée, vers 1640, par le cardinal Barberini aux Carmes déchaussés. En 1794, elle fut portée au Musée des Monuments français, d'où Napoléon l'envoya à l'église Notre-Dame qui n'a plus voulu s'en dessaisir. C'était, au XVIIIe siècle, une des sculptures les plus admirées de Paris.

A droite du maître-autel, est la porte d'entrée d'une chapelle séparée de l'église. Elle appartenait autrefois à la famille d'Hinnisdal qui y accédait directement par un pas

(1) Flamael, Flemael ou Flemalle (Bartholomé) dit Bertholet, né à Liège en 1612, mort dans la même ville en 1675, fut reçu académicien en 1670 et nommé professeur. Il a travaillé aussi aux Grands-Augustins et aux Tuileries,

sage aboutissant à son hôtel de la rue Cassette et existant encore. Elle est entièrement ornée de peintures appliquées aux murs. Les grandes figures du plafond représentant les quatre Évangélistes, paraissent bonnes. En sortant de cet. oratoire particulier pour rentrer dans l'église, on passe devant un autel dédié à sainte Thérèse au-dessus duquel est un grand tableau de Corneille. Puis se trouvent des deux côtés de la nef, plusieurs chapelles fermées seulement par des grilles ou des balustrades. Elles appartenaient, en propre, comme celle d'Hinnisdal, à de riches familles du quartier, et leur servaient de lieux de sépulture. Aussi remarque-t-on, de beaux plafonds voûtés séparés en compartiments et décorés de peintures dans le goût des xvIIe et XVIIe siècles. La dernière à notre gauche, en venant du grand autel, mérite une mention spéciale. On se rappelle que Nicolas Vivian avait acheté de Louis Barat le terrain et la maison qu'il donna aux premiers Carmes réformés venant s'établir à Paris. Louis Barat était protestant au moment de la vente de sa propriété, mais il fut sans doute édifié singulièrement par les exemples des Carmes déchaussés et ne tarda pas à abjurer et à fréquenter assidûment leur maison. On voit, en effet, dans un curieux contrat notarié du 10 avril 1621, tombé entre nos mains, que « Noble homme Louys Barat conseiller et secrétaire du roy et de ses finances », « pour les zelle et dévotion qu'il a portés audict couvent et affin d'être participant aux prières et sacrifices qui se font journellement en Icelluy, aurait pryé et requis lesdicts pères religieux de luy faire avoir une chappelle et une cave audessoubz, en l'église desdicts Carmes deschaussez nouvellement bastie ». Déférant à cette prière, les Religieux réunis en leur salle capitulaire, sous la présidence de leurs prieur et sous-prieur Bernard de Sainct Joseph et Adrian de l'Ascension, concèdent à Louis Barat la première chapelle à l'entrée de leur église à main droite, avec la cave << audessoubz, pour en jouir à titre de propriété par lui ses hoirs et ayans-cause, et s'y faire inhumer. « Laquelle chapelle sera appellée du nom de La Chapelle Sainct Louys, ce qui aurait esté accepté par ledict sieur Barat, qui aurait libéral

lement accordé et faict don auxdicts Religieux de la somme de mil livres tournois pour la construction, bastiment et couverture d'icelle Chapelle, laquelle somme il leur a présentement baillée et payée au comptant. »

Cette chapelle, construite et payée par Louis Barat, a conservé le nom de son patron, mais, sauf peut-être la grosse balustrade en bois qui lui sert de clôture, et quelques lambris peints, elle a été complètement transformée; les longues inscriptions sur plaques de marbre fixées aux murs sont modernes et ne se rapportent en rien à la famille Barat. Au milieu on a placé un grand buste en marbre de l'abbé Thenon. Nous sommes arrivés au bas de la nef, à l'entrée de l'église; nous y admirons, en finissant notre visite, les belles boiseries admirablement sculptées qui supportent le grand orgue. Elles doivent dater de la fin du XVIIe siècle. Elles étaient encore, il y a peu d'années, paraît-il, empâtées sous plusieurs épaisses couches de peinture noire. M. l'abbé Guibert les a heureusement fait nettoyer, et ce sont de superbes morceaux d'art décoratif.

L'heure des vêpres approche; de nombreux fidèles entrent dans l'église; pour ne les pas troubler il est temps de nous retirer. Nous nous trouvons dans la cour du no 70 de la rue de Vaugirard, en face du portail de l'église. A droite et à gauche sont de larges portiques qui ont été ajoutés récemment. Ici le XVIIe siècle ne fait pas grande figure, il n'y a rien à en dire.

Telle a été notre visite aux Carmes dont nous avons tous gardé le plus intéressant souvenir.

P. FROMAGEOT.

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VISITE A L'ATELIER DU SCULPTEUR

CRAUK

Le dimanche, 29 mars 1908, par un radieux soleil de printemps qui éclairait l'une des premières belles journées de l'année, les membres de la Société historique se sont rendus à l'atelier du sculpteur Gustave Crauk dont Mme G. Crauk leur avait si aimablement ouvert les portes.

Étaient présents à cette visite MM. F. Herbet, Le Cholleux, Sudre, Dr Delbet, Habert, Raflin, Laschett, Mme SimonBaudette.

Les membres de la Société historique ont été très aimablement reçus par M. Machard, fils du feu peintre d'histoire, Jules Machard, neveu de G. Crauk. M. Machard a fait les honneurs de cet admirable atelier, avec la plus gracieuse courtoisie.

L'atelier du sculpteur Crauk se trouve paisiblement situé, 114, rue de Vaugirard, au fond d'une sorte de villa, comportant de petits jardinets modestement ombragés, formant un coin tranquille et retiré loin des bruits de la grande ville.

Il eût semblé tout d'abord à un observateur que l'on dût trouver dans l'atelier du Maître, des marbres entamés, des selles encore chargées de cette glaise, avec laquelle les artistes pétrissent leurs œuvres. Aussi est-on tout surpris de se trouver en présence de marbres achevés et de reproductions parfaites qui convertissent cet atelier en un véritable musée.

Et, en voyant tant d'œuvres rassemblées, on éprouve le sentiment du prodigieux effort et du labeur immense et cons

tant de G. Crauk, surtout si l'on songe qu'il n'y a pas moins de 300 sujets exposés dans le Musée de Valenciennes, sans parler des œuvres placées dans les jardins, places et squares de Paris, et des nombreuses sculptures qui décorent nos plus beaux monuments.

L'Euvre du Maître a donc été colossale, étant donné qu'il ne s'est jamais fait aider par personne.

Ce qui frappe tout d'abord la vue, quand on pénètre dans l'atelier de Crauk, c'est Le Combat du Centaure, groupe plus grand que nature, représentant la lutte d'un homme contre un centaure qui enlève une femme. Que de beauté dans l'exécution du travail! que d'autorité dans le mouvement, que de vigueur et d'énergie dans les figures, enfin que de science réelle d'anatomie et d'art sont réalisés dans ce chef-d'œuvre! C'est ensuite, un sujet ravissant qu'il nous est donné d'examiner: Les Trois Grâces portant l'Amour.

La Grâce, fille de l'Harmonie, aime la sculpture d'abord parce que le marbre se prête admirablement à représenter les charmes de la nature, on peut en juger en voyant ce groupe de trois jeunes femmes soutenant un enfant de leurs bras élevés; l'attitude, le port et le choix des formes caractérisent la noblesse juvénile de ces trois Grâces qui sont un vivant poème. Ce groupe, de grandeur naturelle, a sa reproduction en

bronze.

Voici un autre sujet, Le Baiser, symbole du baiser même. C'est une jeune femme, aux traits fins et délicats, qui embrasse un enfant ailé; la transparence exquise du marbre ajoute un charme infini à cette œuvre si vivante dont le modèle est d'une si large et d'une si belle exécution.

Puis, on voit une reproduction en plâtre du Matin, svelte et gracieuse statue drapée, de la Source, et une petite statuette Amour et Folie.

Près de la porte d'entrée de l'atelier, on remarque une réduction du mausolée en marbre et bronze érigé à la mémoire du cardinal Lavigerie dans la cathédrale de Carthage. Le cardinal est représenté assis, de chaque côté sont placés deux nègres, un homme et une femme qui tient son enfant; l'homme a dans les mains une chaîne brisée, symbole de l'esclavage combattu

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