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de toutes les affaires de l'Église, avait coutume de prendre son sommeil, qui ne durait pas plus de deux heures chaque jour.

Le lit de saint Charles se trouvait, avant la Révolution, entre les mains des religieux de Sainte-Geneviève. Au commencement des troubles, M. Emery le recueillit et le garda pour la congrégation de Saint-Sulpice. En quel lieu de France serait-il mieux placé? Les générations cléricales élevées à Saint-Sulpice n'ont qu'à regarder ce fragile monument pour apprendre ce que c'est que la grandeur d'un pontife et les délices d'un saint.

Plusieurs générations de séminaristes ont pu contempler le lit du célèbre archevêque de Milan. En 1892 l'Intermédiaire des chercheurs et des curieux (t. II, p. 390), publiait la note suivante :

Le lit de saint Charles Borromée est religieusement conservé au séminaire de Saint-Sulpice; il est même exposé chaque année au jour de la fête du saint (1), dans la chapelle de la maison.

Mais, d'après Lhomond (2) le saint aurait, lors de la peste de Milan, en 1576, vendu son lit et en aurait été ainsi réduit à coucher sur la planche.

Toutefois ce souvenir de l'archevêque de Milan n'aurait pu, «< ne peut », comme le disait l'article de l'Univers, être mieux placé qu'au séminaire de Saint-Sulpice. Il voisine avec le palais du Luxembourg et montre ainsi que si, dans l'illustre famille des Médicis (3), le faste

(1) Le 4 novembre; il est mort en 1584. (2) Histoire abrégée de l'Église.

(3) A laquelle Charles Borromée appartenait encore par ses oncles maternels Jacques de Médicis, duc de Marignan et Jean-Ange Médicis, cardinal, devenu pape sous le nom de Pie IV.

et la duplicité étaient traditionnels, l'humilité et la vertu y avaient aussi un représentant.

En outre, saint Charles Borromée fut le premier qui réalisa le dessein du Concile de Trente, en fondant plusieurs séminaires dans les diocèses soumis à sa juridiction (1).

Le 23 janvier 1838, une ordonnance royale avait bien déterminé l'élargissement de la rue du Pot-de-Fer (2); mais six ans plus tard ces travaux n'étaient même pas commencés. Dans la séance de la Chambre des Pairs du 19 février 1844, le comte Beugnot, rapporteur du budget des cultes, disait, en rappelant cette ordonnance :

L'élargissement de la rue du Pot-de-Fer étant décidé, l'alignement fut tracé, et l'on reconnut que les murs de clôture du séminaire diocésain de Saint-Sulpice devaient être reculés de 4,85. Cet édifice appartenant à l'État, la ville de Paris offrit de payer à ce dernier le prix des terrains retranchés. Une estimation régulière, faite contradictoirement par trois experts désignés par le ministre des cultes, par le ministre des finances, par la ville porta à 84.000 francs la valeur du terrain cédé à la voie publique, et de l'indemnité due à raison de la démolition des murs et des bâtiments. Aucune observation n'a été faite sur la fixation de ce prix. Le Conseil municipal de Paris y avait, le premier adhéré, et l'acte de cession à la ville a été passé par les soins de M. le Ministre des finances. En conséquence, ladite somme de 84.000 francs a été versée dans la caisse du trésor public où elle figure au nombre des recettes diverses. Maintenant, le gouvernement

(1) Grande Encyclopédie, article « Séminaire », par E.-H. Vollet. (2) Recueils de lettres patentes... etc., op. cit.

vient vous demander de l'autoriser à en disposer pour subvenir, jusqu'à due concurrence, aux dépenses nécessitées par les travaux de clôture et de reconstruction à faire dans toute la partie du séminaire diocésain qui longe la rue du Pot-deFer, dont l'évaluation excède le chiffre de 129.000 francs (1).

Le 29 mai suivant, la question revient devant la même assemblée par l'organe de M. de Saint-Aulaire, rapporteur du « projet de loi tendant à ouvrir un crédit de 84.000 francs au chapitre X du budget des cultes pour l'exercice 1844 ».

M. de Saint-Aulaire indique l'emploi de ce crédit :

Prix du terrain et portion de bâtiments à retrancher.

<< Reconstruction des murs de clôture et raccordements des bâtiments mutilés.

<< Total.

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69.322 fr. 70

14.677 fr. 30

84.000 fr. 00

Toutefois, ajoute-t-il, l'exposé des motifs, ainsi que les pièces produites à l'appui et les explications spontanément données à votre Commission, lui ont fait connaître que ce projet de simple démolition et reconstruction des murs de clôture se liait dans la pensée du gouvernement à un autre projet plus étendu ayant pour but de compléter d'une manière convenable un établissement pour lequel l'État, avec le concours de la ville, a déjà fait des sacrifices considérables..., de le doter d'une infirmerie dont il est dépourvu... et d'exécuter enfin divers travaux réputés nécessaires... Or ces travaux sont évalués... à la somme de 129.467 fr. 19.

Une somme de 45.467 fr. 19 doit être prise sur les fonds

(1) Chambre des Pairs. Addition à la séance du lundi 19 février 1844. Rapport fait par M. le comte Beugnot sur le projet de loi relatif à l'ouverture d'un crédit supplémentaire au chap. x du budget des cultes. Dans ce rapport, il est question d'un projet « de construire la nouvelle bibliothèque royale sur la place Saint-Sulpice ». Cf. Collect. Lazare, t. XVII, p. 748 (Arch. dép.).

de 1845 et complétera avec les 84.000 francs payés par la ville celle de 129.467 fr. 19 résultant de travaux réputés nécessaires (1).

Ainsi, vingt-cinq ans après la cérémonie de la pose de sa pseudo-première pierre, le séminaire de Saint-Sulpice n'était pas encore terminé. Mais les travaux tiraient néanmoins à leur fin. Le 12 janvier 1847, le Moniteur annonce que le séminaire de Saint-Sulpice vient d'être << pourvu d'un promenoir qui s'avance, en longeant la rue du Pot-de-Fer, jusqu'à la rue de Vaugirard en face du Luxembourg ».

A cette date, le séminaire devait donc extérieurement apparaître tel que nous l'avons toujours connu (2).

(1) Cf. Collect. Lazare, t. XVII, p. 250 (Arch. dép.).

On lit dans une ordonnance royale du 29 octobre 1845 :« Article premier. La ville de Paris est autorisée, à acquérir du sieur Peytouraud, moyennant le prix principal de 100.000 francs, ainsi qu'aux clauses et conditions énoncées dans la délibération du Conseil municipal du 4 juillet 1845, une maison sise rue du Vieux-Colombier, no 1, à l'angle de la rue du Pot-de-Fer, et qui est destinée à être démolie pour agrandir et régulariser la place Saint-Sulpice. » (Recueil de lettres patentes, etc.; loc. cit).

Quelques jours avant la publication de cette ordonnance, la maison «< du sieur Peytouraud » avait eu un illustre locataire.

« Je descendis donc, pour ne plus les remonter en soutane, écrit Renan dans ses Souvenirs d'enfance et de jeunesse, les marches du séminaire Saint-Sulpice, le 6 octobre 1845; je traversai la place au plus court et gagnai rapidement l'hôtel qui occupait alors l'angle nord-ouest de l'esplanade actuelle, laquelle n'était pas encore dégagée... Je ne sais quel était le nom de cet hôtel; on l'appelait toujours « l'hôtel de Mademoiselle Céleste », du nom de la personne recommandable qui en avait l'administration ou la propriété.

« C'était sûrement un hôtel unique dans Paris que celui de Mademoiselle Céleste, une espèce d'annexe de séminaire. On n'y était reçu que sur une recommandation de ces Messieurs ou de quelque autorité pieuse... >>

(2) L'article 3 de l'ordonnance royale du 20 octobre 1847, porte que : << Toutefois la suppression de la maison isolée sur la dite place SaintSulpice et qui porte le n° 1 dans la rue du Pot-de-Fer, ne pourra avoir

* *

Comme le couvent des Carmes, le séminaire de SaintSulpice fut, à soixante-dix-neuf ans de distance, témoin des horreurs des troubles civils.

Le 6 avril 1871, la Commune de Paris y fit opérer des perquisitions (1). Les scellés furent apposés sur les chambres où l'on avait placé les objets saisis appartenant à l'église Saint-Sulpice. Et, jusqu'à la rentrée des troupes régulières, seul, un capitaine fédéré nommé Planchet, faisant fonctions de gardien des scellés, habita une chambre sur laquelle étaient écrits ces mots : « Capitaine, commandant le casernement »>.

Le mardi 23 mai, l'ambulance qui était installée, dès le premier siège, dans les baraquements établis sur l'emplacement de l'ancienne pépinière du Luxembourg fut transférée au séminaire. Elle comptait environ 200 malades et blessés de toutes sortes. Le Dr Faneau, remplaçant le Dr Choppart, en avait la direction depuis deux ou trois jours.

Le mercredi matin 24, les troupes régulières furent maîtresses de la place Saint-Sulpice et pénétrèrent dans le séminaire. C'est alors que s'accomplirent ces scènes odieuses, indignes d'un peuple civilisé, et qui ont été maintes fois retracées sous le nom de massacre du séminaire de Saint-Sulpice. Nombre de malheureux blessés

lieu qu'après que la ville de Paris aura été spécialement autorisée à acquérir, soit à l'amiable, soit, s'il y a lieu, par voie d'expropriation pour cause d'utilité publique, ladite maison, pour en réunir le sol à la place... » (Recueil de lettres patentes... etc; (op. cit.)

(1) Cf. Emile Andréoly, Le Gouvernement du 4 septembre et la Commune de Paris; Paris, 1871, 1 vol. in-12,

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