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thèque, rapport signé : DESVIEUX, commissaire de la section des Postes, rapporteur, l'Assemblée prit officiellement la décision suivante (1) :

Oui ledit rapport et vérification faite des pièces justificatives, les commissaires de la majorité des sections de la Ville de Paris, en vertu des mandats de leurs commettants, auxquels ils ont rendu compte respectivement en leur assemblée, ont arrêté qu'il serait fait une pétition ou adresse à l'Assemblée nationale, tendant à dénoncer le sieur JOBAL, commandant à Tabago, comme coupable de délits de lèse-nation commis dans la personne des citoyens de ladite ile. Fait à l'assemblée tenue à l'hôtel de Richelieu, au comité de la section de la Bibliothèque, le 29 décembre 1790.

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Aussitôt l'adresse arrêtée et définitivement adoptée, le président de la délégation des sections demanda audience au président de l'Assemblée nationale (2). Il n'est point resté trace de cette démarche, qui n'est connue que par une seconde lettre, datée du 8 janvier 1791, qui demande une réponse au sujet d'une lettre précédente. La lettre du 8 janvier (3) est ainsi

conçue:

Assemblée des commissaires de la majorité des sections.

Monsieur le président,

A Paris, ce 8 janvier 1791.

Chargé par le vœu de la majorité des sections de la capitale de solliciter près de vous l'admission à la barre d'une députation à l'effet de dénoncer à l'Assemblée nationale des délits graves qui avaient compromis l'honneur de la nation française, commis par des agents subalternes du pouvoir exécutif dans le nouveau monde, et réclamer aussi la justice de nos augustes représentants en faveur de plusieurs victimes du pouvoir arbitraire, et notamment du sieur BOSQUE, l'apôtre et le martyr de la liberté à Tabago, j'eus l'honneur de vous écrire, en qualité de président de la section de la Bibliothèque et des commissaires députés par les sections, pour savoir quel serait le jour où la députation pourrait se présenter à la barre.

N'ayant reeu aucune réponse et devant rendre compte de mes démarches aux sections de la capitale qui prennent le plus grand intérêt à cette affaire, je vous prie, Monsieur le président, de vouloir bien m'honorer de votre réponse à cet effet.

J'ai l'honneur d'être, avec respect, Monsieur le président, votre très humble et très obéissant serviteur.

Signé : D'AUXON, président.

Mais, à cette date du 8 janvier, il y avait une raison majeure qui s'opposait a l'admission de la députation à la barre de l'Assemblée un décret rendu la veille, 7 janvier, sur la proposition de D'ANDRÉ, à la suite d'une communication du président (EMMERY), annonçant qu'il avait reçu diverses adresses dont les auteurs demandaient à être admis à la barre, décidait,

(1) Le rapport et l'arrêté forment ensemble un imp. de 16 p. in-8° (Bib. nat., Lb 40/401 et Lk 12/708).

(2) Le président de l'Assemblée nationale, à la fin de décembre 1790 et au commencement de janvier 1791, était L'ANDRÉ, jusqu'au 4 janvier, et EMMERY, à partir du 4.

(3) Pièce manusc. (Bib. nat., manusc. reg. 2635, fol. 177).

conformément d'ailleurs à de précédents décrets (1), que, seules, seraient reçues dorénavant à la barre les députations des corps administratifs ou Directoires des départements et celles de la Municipalité de Paris; toutes autres pétitions ou adresses devaient être envoyées au président, lequel les renverrait dans les Comités. «< Autrement, avait dit D'ANDRÉ, si vous admettiez à la barre tous ceux qui s'imaginent que leurs pétitions sont intéressantes, tout le royaume serait à la barre dans huit jours et vous auriez ici 12 à 15.000 pétitionnaires (2). »

L'Assemblée des commissaires de la majorité des sections devait donc renoncer à se faire admettre devant l'Assemblée nationale: c'est alors qu'elle eut recours au Corps municipal pour solliciter son intervention et l'inviter à présenter lui-même une adresse à l'Assemblée nationale: tel est l'objet de la requête présentée au Corps municipal le 22 janvier, et dont il est rendu compte dans le procès-verbal de ce jour.

Cette démarche avait été précédée d'entretiens des commissaires avec le Maire et de communications faites aux sections, ainsi que le prouve le registre du procès-verbal de la section des Postes (3), le seul, comme on sait, des registres des sections de cette période qui ait été conservé. A la date du jeudi 20 janvier 1791, ce procès-verbal constate donc que la section a été convoquée ce jour-là, pour entendre le rapport concernant les troubles arrivés à l'ile de Tabago; que M. DESVIEUX, membre de la section et commissaire nommé par acclamation dans une précédente assemblée (4) pour, conjointement avec des commissaires de chacune des sections, rédiger une adresse à l'Assemblée nationale, a fait lecture du projet d'adresse; et que l'assemblée, justement indignée de la conduite que le sieur JOBAL, commandant par intérim à Tabago, paraît avoir tenue contre le sieur BOSQUE, a pris l'arrêté suivant :

L'assemblée générale de la section, convoquée sur la demande de 50 citoyens, conformément à la loi, à l'effet d'entendre le rapport du commissaire qu'elle a ci-devant nommé pour l'affaire de Tabago et de délibérer spécialement sur cet objet ;

Après avoir entendu le rapport dudit commissaire et les réponses faites par M. le Maire aux députés de la majorité des sections sur leur demande tendante à présenter à l'Assemblée nationale la pétition arrêtée par lesdits commissaires de la majorité des sections (5);

Lecture faite du rapport qui a été fait à l'assemblée desdits commissaires réunis et de la pétition par eux arrêtée (6);

(1) Décrets du 1er août 1789 et du 15 octobre 1789. (Voir le série, Tome II, p. 360, note 1.)

(2) Décret du 7 janvier 1791. (Voir 1re série, Tome VII, p. 448, note 4.) (3) Reg. manuse. (Arch. de la Seine, D 1001).

(4) Cette nomination n'est pas mentionnée au cours des précédentes séances. (5) DESVIEUX ne pouvait pas communiquer, le 20 janvier, les réponses faites á la séance du Corps municipal du 22 janvier. Il faut donc admettre que les députés de la majorité des sections s'étaient d'abord adressés à BAILLY seul, pour le prier de présider simplement leur députation à l'Assemblée nationale, comme il l'avait fait le 10 novembre 1790 (Voir Tome I, p. 207-208 et 216-217), et que, sur le refus du Maire, évidemment motivé sur le décret nouveau du 7 janvier, ils eurent recours au Corps municipal. •

(6) Le texte de cette pétition est reproduit plus loin. (Voir ci-dessous.)

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Prenant en considération particulière cette affaire et désirant lui donner le caractère d'authenticité qui convient à la dénonciation contre un commandant qui parait prévenu d'être coupable de délits de lèse-nation;

Persistant dans ses précédentes délibérations prises sur cet objet (1), et confirmant en tant que de besoin les pouvoirs par elle donnés à M. DESVIEUX, commissaire qu'elle a nommé à cet effet, même lui conférant de nouveau le pouvoir nécessaire, a approuvé tant ledit rapport que l'adresse;

A chargé spécialement sondit commissaire de se retirer, avec les autres commissaires des autres sections, auprès du Corps municipal, à l'effet de lui porter le vœu de l'assemblée pour que la Municipalité députe vers l'Assemblée nationale pour lui présenter ladite adresse et ledit rapport et dénoncer le sieur JOBAL, commandant à Tabago.

Et, dans le cas où le Corps municipal croirait ne pouvoir se dispenser, sur le vœu exprimé de huit sections, de convoquer la Commune entière, l'assemblée charge sondit commissaire de former spécialement cette demande à la Municipalité et de suivre les opérations nécessaires pour parvenir à présenter à l'Assemblée nationale ladite adresse et ledit rapport.

Signé: CERFVOL, président;

J. MARESCHAL, secrétaire.

A la suite de leur réception par le Corps municipal et de l'accueil qui leur fut fait, les commissaires des sections crurent sans doute avoir cause gagnée, car, le surlendemain, leur président adressa au président de l'Assemblée nationale (2) une lettre ainsi conçue (3) :

Monsieur le président,

Paris, le 21 janvier 1791.

Depuis le temps où le Corps municipal vient de nommer des commissaires pour vérifier les procès-verbaux des différentes sections de Paris qui demandent une députation de ce même Corps municipal à la barre de l'Assemblée nationale, pour l'affaire de Tabago (4), les commissaires députés respectivement et spécialement de leurs sections pour cette affaire apprennent que le Comité des colonies doit en faire le rapport: ils vous supplient, Monsieur le président, au nom de la majorité des sections de Paris, de vouloir bien faire ajourner cet objet jusqu'à ce que la députation ait été admise à la barre (5).

Les sections espèrent de la justice de l'Assemblée nationale le retard de cette affaire, qui la mettra à même de connaitre les horreurs qui l'ont accompagnée. J'ai l'honneur d'être, avec respect, Monsieur le président, votre très humble et très obéissant serviteur.

Signé: D'AUXON, président des commissaires
de la majorité des sections.

Le rapport annoncé du Comité des colonies ne fut, en réalité, présenté

(1) Ces précédentes délibérations ne sont pas mentionnées au registre.

(2) Après EMMERY, président du 4 au 18 janvier, ce fut GREGOIRE qui occupa le fauteuil.

(3) Pièce manusc. (Arch. nat., C 54, no 535). L'original porte cette indication manuscrite Passé à l'ordre du jour. Le procès-verbal de l'Assemblée nationale ne fait pas mention de cette communication.

(4) Décision du Corps municipal du 22 janvier. (Voir ci-dessus, p. 197.)

(5) L'Assemblée des commissaires comptait donc encore, malgré le décret du 7 janvier, pouvoir être reçue à la barre, où elle aurait accompagné la députation du Corps municipal, dans le cas où celui-ci se fùt décidé à faire la démarche pour son compte.

TOME II

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à l'Assemblée nationale qu'un mois plus tard, sans que, d'ailleurs, aucune députation des commissaires des sections de Paris eût été admise à lire une pétition à la barre. Mais ceci sera exposé ailleurs (1).

(III, p. 198.) Les registres dont le greffier civil MOREAU (Alexandre) avait la garde étaient les registres d'état civil. A la suite de son mémoire et de l'arrêté du Corps municipal, le Maire BAILLY adressa, à la date du 23 janvier 1791, la lettre suivante à TARGET, membre du Comité de constitution de l'Assemblée nationale (2):

Paris, 23 janvier 1791.

Demain, aux termes des décrets, Monsieur, des commissaires de la Municipalité doivent se rendre au Châtelet pour y apposer les scellés. M. MOREAU, greffier de la Chambre civile, est dépositaire de tous les registres de baptêmes et de sépultures, et ces registres sont d'un usage journalier. Une multitude de personnes et surtout des habitants de la campagne se présentent tous les jours pour en obtenir des extraits. Le Comité de constitution pensera sans doute que ce dépôt doit être excepté de l'apposition des scellés. Si tel est, Monsieur, son avis, je vous serai obligé de me faire passer dans le jour sa décision, car, la Municipalité ne devant faire d'exception lorsque la loi n'en a point admis, je dois vous prévenir que les registres seraient, comme toutes les autres pièces des greffes, mises sous les scellés.

Je vous prie, Monsieur, de consulter également le Comité de constitution sur la garde des nouveaux tribunaux. La compagnie de robe-courte (3) était de service auprès du Parlement et du Châtelet; elle a continué de servir auprès du Tribunal provisoire, institué par un décret de l'Assemblée nationale (4). Ses fonctions consistent principalement à veiller sur les prisonniers et à les transférer. Je vous serai obligé, Monsieur, de me faire savoir si le Comité de constitution pense que la compagnie de robe-courte doive faire son service auprès des six tribunaux de Paris qui vont être installés.

J'ai l'honneur d'être, avec un très sincère attachement, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

Signé BAILLY.

P. S. Je dois vous prévenir que la garde nationale ferait difficulté de se charger du transfèrement des prisonniers.

La réponse du Comité de constitution n'est pas connue. Mais les demandes de BAILLY étaient trop raisonnables pour qu'elles n'aient pas obtenu satisfaction.

En particulier, le décret du 24 décembre 1790, sur l'organisation de la gendarmerie nationale, qui transformait la compagnie de robe-courte en deux compagnies de gendarmerie, partageait entre ces deux compagnies le service des six tribunaux de Paris, à raison de trois tribunaux par compagnie (tit. VI, art. 3). Il n'est pas douteux que, en attendant la mise en vigueur de la nouvelle organisation, l'ancienne compagnie ait rempli auprès des nouveaux tribunaux le même office qu'elle remplissait près des anciens.

(1) Éclaircissement de la séance du 4 février. (Voir ci-dessous.)

(2) Pièce manusc. (Arch. nat., Div 50, no 1446).

(3) Compagnie de maréchaussée spécialement affectée au service des tribunaux. (Voir Are série, Tome II, p. 222.)

(4) Tribunal criminel provisoire, créé par décret du 1er décembre 1790, installé le 9 décembre. (Voir Tome I, p. 350-351 et 473-477.)

IV, p. 198.) Le décret visé dans le texte du procès-verbal, rendu le 14 janvier, sur le rapport fait par LEBRUN, au nom du Comité des finances, est ainsi conçu (1):

L'Assemblée nationale décrète que la Municipalité actuelle de Paris commettra trois de ses membres pour signer les contrats de rentes constituées ou reconstituées sur l'État;

Charge son Comité de constitution de lui proposer la nouvelle forme qui doit être employée dans les grosses des contrats.

On a vu que l'arrêté du Corps municipal prévoyait tout d'abord la signature du Maire, chef de la Municipalité.

(V, p. 199.) La pétition attribuée par le procès-verbal du 22 janvier à la section de Bondy et par celui du 30 janvier à la section du Roule, relative à la formation d'un corps d'armée composé de gardes nationales, n'est pas

connue.

En revanche, quelques journaux ont inséré un arrêté de la section du Théâtre-français, du 3 janvier 1791, sur le mème objet, arrêté qu'il convient de reproduire comme l'expression des inquiétudes qui agitaient l'opinion et comme la première manifestation parisienne de cet esprit belliqueux qui amena la déclaration de guerre d'avril 1792. En voici le texte, d'après l'Ami du peuple (no du 13 janvier) :

L'assemblée générale convoquée pour ce jour, un membre a demandé la parole et a dit :

• Messieurs, un grand rassemblement de troupes sur nos frontières doit exciter en ce moment notre attention. Léopold (2) n'avait pas besoin d'une armée aussi nombreuse pour subjuguer des peuples qui lui étaient vendus par leurs chefs (3). Nos fugitifs, d'ailleurs, sont dans son camp (4): il n'en faut pas davantage pour nous faire suspecter tous les mouvements de cette armée. Nous avons également à craindre du côté de l'Espagne et de l'Italie.

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Et qu'on ne nous dise pas que tous ces princes sont nos alliés! La politique des cours ne respecta jamais aucun traité; ce n'est pas avec les nations que les rois en contractent; ce n'est jamais que de couronne à couronne. Notre constitution fait le désespoir des princes ambitieux et despotes; ils ne négligeront rien pour accabler une nation qui, en brisant ses fers, a invité tous les peuples du monde à imiter ce grand exemple.

Il n'est plus temps de nous le dissimuler : la patrie est en danger; notre constitution est menacée; la garde nationale n'est point armée; la défense du royaume est entièrement confiée aux agents de la cour, et l'expérience ne nous a que trop instruits de la nécessité de les surveiller. C'est aux sections de Paris à redoubler d'activité; c'est à la capitale, qui, par son exemple, a procuré la liberté à toute la France après l'avoir préparée d'avance par ses lumières, à l'assurer aujourd'hui par la plus active surveillance. Je désirerais donc que la section fút la première à donner l'exemple de la sollicitude pour la chose publique. Je demande, en conséquence:

(1) Séance du 14 janvier 1791. (Voir Archives parlementaires, t. XXII, p. 218.) (2) LEOPOLD II, empereur d'Allemagne, qui avait succédé à JOSEPH II en février 1790, tous deux frères de la reine Marie-Antoinette. (Voir tre série, Tome IV, p. 485, note 1.)

(3) Allusion au soulèvement des Pays-Bas.

(4) Les émigrés français.

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