DU VILLAGE. Le théâtre représente d'un côté la maison du Devin; de l'autre, des arbres et des fontaines; et dans le fond, un hameau. SCÈNE I. COLETTE, soupirant, et s'essuyant les yeux de son tablier. J'ai perdu tout mon bonheur; Colin me délaisse. Hélas! il a pu changer! Je voudrois n'y plus songer : J'y songe sans cesse. J'ai perdu mon serviteur; J'ai perdu tout mon bonheur; Colin me délaisse. Il m'aimoit autrefois, et ce fut mon malheur. Que me sert d'y rêver sans cesse? J'ai perdu mon serviteur; Je veux le haïr... je le dois... Peut-être il m'aime encor... Pourquoi me fuir sans cesse? Il me cherchoit tant autrefois! Le Devin du canton fait ici sa demeure; SCÈNE II. LE DEVIN, COLETTE. Tandis que le Devin s'avance gravement, Colette compte dans sa main de la monnoie, puis elle la plie dans un papier, et la présente au Devin, après avoir un peu hésité à l'aborder. COLETTE, d'un air timide. Perdrai-je Colin sans retour? LE DEVIN, gravement. Je lis dans votre cœur, et j'ai lu dans le sien. COLETTE. O dieux! LE DEVIN. Modérez-vous. Je vous l'ai déja dit, il vous aime toujours. COLETTE, tristement. Et toujours il me fuit! LE DEVIN. Comptez sur mon secours. Je prétends à vos pieds ramener le volage. Sa vanité vous a fait un outrage COLETTE. Si des galants de la ville Mise en riche demoiselle, Je chargerois mes atours. Pour l'amour de l'infidéle J'ai refusé mon bonheur; J'aimois mieux être moins belle Et lui conserver mon cœur. LE DEVIN. Je vous rendrai le sien, ce sera mon ouvrage. L'amour croît, s'il s'inquiète; COLETTE. A vos sages leçons Colette s'abandonne. LE DEVIN. Avec Colin prenez un autre ton. COLETTE. Je feindrai d'imiter l'exemple qu'il me donne. LE DEVIN. Ne l'imitez pas tout de bon; Mais qu'il ne puisse le connoître. Mon art m'apprend qu'il va paroître; Je vous appellerai quand il en sera temps. |