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ouvrages achevés et qui n'ont jamais vu le jour s'y rencontrent également un, entre autres, d'une grande importance, le Parallèle de Paris et de Londres, que Mercier s'était proposé de donner pour suite au Tableau de Paris. Il sera tiré parti de ces écrits au cours du présent travail, car la communication m'en a été libéralement accordée par le propre petit-fils du philosophe, M. Paul Duca, en son vivant, ministre plénipotentiaire et directeur au Ministère des Affaires Étrangères. La confiance entière et la gracieuse obligeance qùi m'ont été marquées en cette occasion m'inspirent une gratitude profonde dont j'aurais l'amère tristesse de ne déposer l'hommage que sur un tombeau s'il ne m'était doux d'en rendre désormais une partie à M. Roger Duca, qui est, à son tour, le détenteur de ce patrimoine respecté.

Je ne saurais enfin terminer ces lignes sans y exprimer mes remerciements à MM. les bibliothécaires de nos grands dépôts de la rue de Richelieu et de l'Arsenal qui m'ont secondé dans mes recherches avec leur bonne grâce accoutumée. J'en dirai autant de celle que m'ont témoignée, tandis que j'explorais les archives de la Comédie-Française et celles de l'Opéra, M. Monval et le regretté M. Nuitter. Les études préliminaires dont ce livre est le résultat m'ont mis aussi, à différentes époques, dans le cas de recourir aux bons offices de M. Philippe Godet, de Neuchâtel, de M. Bonhôte, bibliothécaire de la même ville et de M. Gaullieur, archiviste de la ville de Bordeaux. Je ne veux pas omettre non plus d'en marquer ici ma reconnaissance.

CHAPITRE I

Origines et premières années de Mercier. Influences subies. Premiers signes de vocation et premières œuvres. Mercier et Rousseau.

1. Naissance de Sébastien Mercier. Ses parents. La maison du quai de l'École. Tendresse de Sébastien pour son frère CharlesAndré. Les années d'enfance. M. Cupis, maître à danser. La pension Toquet. Le collège. Mercier, grand dévoreur de livres. Au parterre de la Comédie-Française.

Le Café Procope.

Discussions passionnées. — Hérétique en littérature.

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II. Visite à Crébillon le tragique. Mercier et l'abbé Prévost. Le parc de Chantilly. Amour de la nature. Début dans les lettres. La fureur des héroïdes. Professeur à Bordeaux. Nouveaux Le Bonheur des gens de lettres. L'esprit de sa vocation Haute idée qu'il conçoit de l'état d'écrivain.

vers.

s'y révèle.

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III. Influence profonde de J.-J. Rousseau. Transports d'émotion où la lecture de la Nouvelle-Héloïse jette Mercier. Il écrit une lettre finale qui en complète le dénouement à son gré. Mercier se met à la littérature anglaise. La Boucle de cheveux enlevée. Mercier quitte l'enseignement. Vain projet de voyage en Russie.

Tout aux lettres tendances contraires entre lesquelles son esprit se partage. Le discours sur la Lecture.

IV. L'Histoire d'Izerben, poète arabe. Talent satirique de Mercier. Parallèle significatif de Voltaire et de Rousseau. L'ivresse de la sensibilité. La théorie de l'attendrissement. Passion de travailler au bonheur de l'espèce humaine.

V. Les éloges académiques. Mercier se met sur les rangs. Le

discours sur les Malheurs de la Guerre.

créature humaine.

Vl. L'Homme sauvage.

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La bonté originelle de la

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métaphysique optimiste. Traits heureux d'imagination poétique.

Le Ruisseau philosophique.

VII. Les Contes moraux.

Vice de cet ouvrage. Opuscules divers.

- Le

La Lettre de Dulis à son ami. Tout le dessein de son œuvre future s'esquisse déjà dans les premiers écrits de Mercier. caractère de l'homme. Ame simple, robuste et croyante.

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aime la vie et en jouit franchement.

Amour du travail, génie ca

pricieux.

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L'abbé

VIII. Silhouettes de contemporains. Les deux Rameau.
Maury. — Amitié étroite entre Mercier et Crébillon fils. - Diderot;
le chimiste Rouelle. Profond souvenir que Mercier a gardé de
La chimie le remplit d'enthousiasme. Mercier et
Mercier et Letourneur. Mercier et J.-J. Rousseau.

leur parole. Thomas.

I

Louis-Sébastien Mercier naquit le 6 juin 17401, à Paris, sur le quai de l'École, où son père, Jean-Louis Mercier, tenait boutique de marchand fourbisseur, à la Garde d'or et d'argent; et il ne s'en souvenait pas sans quelque orgueil, témoin un brouillon de vers où, après avoir reproché justement au poète J.-B. Rousseau son impiété de fils, il s'écrie: Démosthène, je crois, était fils d'armurier,

puis il ajoute en marge: « Et moi aussi », et termine par cette fière exclamation :

Mon nom est très commun mais je rime en acier.

On ne s'attendait guère au rapprochement des deux noms de Démosthène et de Mercier, mais il faut avouer que la même industrie paternelle paraît les avoir singulièrement prédestinés, l'un et l'autre, à l'humeur la plus militante.

Le fourbisseur", Jean-Louis Mercier, était en crédit parmi ses pairs : en 1729, on l'avait revêtu de la charge de

1. Il fut baptisé le 8 juin à Saint-Germain-l'Auxerrois par le curé de la paroisse, cet abbé Chapeau à qui il a fait plus tard une place dans le Tableau de Paris. Le parrain était Sébastien Maréchal ou Marchal, cousin par alliance de Jean-Louis, et la marraine, la veuve Lemaire, née Tampon, bisaïeule du nouveau-né.

2. Tous les renseignements qui suivent sur la famille de Mercier sont empruntés a des actes notariés dont j'ai dû la communication à l'obligeance du regretté M. Duca.

3. Il était Messin d'origine : une vague tradition de famille le faisait descendre par filiation naturelle du duc de Vendôme, et par conséquent d'Henri IV.

juré et garde de la communauté. La mère du nouveau-né, Elisabeth-Andrée Le Pas, fille de feu Martin Le Pas; en son vivant, maître maçon, appartenait à la même classe d'artisans solides et prospères. Jean-Louis, veuf d'une première femme, Claude Galloy, l'avait épousée en secondes noces. Dans leur contrat de mariage dressé le 24 août 1739, il figure comme un homme notable dans sa corporation, possédant argent comptant, meubles et marchandises. De son côté, la future est héritière d'une aisance assez ronde. Il lui vient du défunt Le Pas, son père, de bons biens consistant en maisons à Paris et en valables créances. En cette occasion, les deux conjoints sont assistés de parents et amis de fort honnête condition, gens de loi ou maîtres marchands: autour du mari, Sébastien Maréchal, receveur des domaines et bois de la généralité de Metz, son cousin par alliance, M. Jacquin, curé de St Sauveur, à Paris, le s Mahuet, orfèvre; - auprès d'Elisabeth-Andrée, se présentent RochAugustin Le Maire, avocat au Parlement, Pierre Charpentier, entrepreneur de bâtiments, ses oncles maternels, J.-B. Goupy, également entrepreneur, son beau-frère, M. Billet, curé de Chantilly.

L'union ne fut pas de longue durée. Sébastien était le premier-né, après lui vint Charles-André, puis Jean-Baptiste qui mourut au berceau et ne nous est connu que par le relevé des frais de son enterrement. Le 30 juillet 1743, moins de quatre ans après la célébration de son mariage, Jean-Louis Mercier restait veuf pour la seconde fois, avec deux enfants en bas âge. Dans l'intérêt des mineurs, il fallut procéder à un inventaire des biens, meubles, marchandises qu'on trouva au logis. Ce document nous fournit de curieux détails sur l'état de maison d'un commerçant aisé du temps. Il s'y trouve bien des objets de parure et de luxe : robes de femme en taffetas, en damas, en moire, dentelles, quelques bijoux, et surtout de l'argenterie, flambeaux, écuelle, pot à eau d'argent, en plus grande quantité qu'on ne s'y attendrait dans le ménage d'un armurier. En revanche, l'inventaire nous révèle, sous d'autres rapports et qui sembleraient plus essentiels, une simplicité excessive. Deux chambres, pas plus, une par étage c'était, sans doute, une de ces maisons tout en hauteur, à façade étroite et pignon aigu, comme il s'en rencontre précisément encore une sur la

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