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nissent aux colons un bois précieux et embellissent les pentes des collines1.

Lorsqu'on s'avance dans le Canada, la végétation forestière s'étiole graduellement et finit par devenir tout à fait rabougrie. On ne rencontre plus que de petits sapins, des bouleaux nains et des peupliers grêles. C'est ce qu'on observe au nord de Québec et du parallèle de l'île Manitoulin2.

L'Amérique est le pays des forêts, par excellence, et tous les voyageurs se sont épuisés en descriptions et en paroles d'admiration au sujet de ces merveilles de la nature végétale. Celles de l'Amérique du Sud, du Mexique et des Florides formées d'essences plus variées, sont d'un aspect plus touffu, offrent des fourrés plus épais, et un réseau plus serré d'arbres et de buissons, de lianes et d'arbustes; celles de l'Amérique du Nord sont plus uniformes, plus froides, plus tristes. De même qu'au Brésil, à l'époque de l'extrême sécheresse, les catingas prennent une physionomie toute particulière, les forêts de l'Union et du Haut-Canada présentent un caractère tout différent de celui qu'elles avaient durant l'été. La gelée exerce une action particulière sur la couleur du feuillage. On voit les feuilles des arbres passer, avant de tomber,

1 Timothy Dwight, Travels in New-England and New-York,

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par une suite de nuances, qui contrastent étrangement avec la couleur toujours uniforme des pins qui demeurent constamment verts. Souvent un seul arbre présente des feuilles de cinq à six nuances différentes, suivant que les unes ou les autres ont plus ou moins ressenti l'action du froid. Le rouge écarlate, le cramoisi, le violet, l'azur, le bleu de roi, le jaune, le vert tendre marient leurs teintes, puis finissent par se fondre en un brun assez foncé qui annonce la défoliation définitive. Les érables se distinguent surtout par la multiplicité des couleurs qu'étale leur feuillage1.

La nature des essences qui composent les forêts de l'Amérique, offre cela de particulier qu'elle est soumise à des changements en quelque sorte périodiques, à une espèce de rotation qui fait succéder certains arbres à tels autres que le défrichement ou l'incendie ont fait disparaître. Le déboisement n'est pas tant en Amérique un agent de destruction des arbres comme il l'est dans nos climats, qu'un moyen de transformation des espèces qui croissent dans un district. Lorsque le feu a consumé un canton forestier, on voit, peu de temps après, de grandes herbes, des buissons de ronces et de framboisiers venir prendre la place des futaies que la flamme a anéanties. L'année d'ensuite apparaissent les cerisiers, les bouleaux blancs, les sapins argentés et

1 Dwight, o. c., t. II, p. 137. Macgregor, o. c., t. II, p. 27.

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les peupliers blancs, que ne produisait pas le sol précédemment, et qui succèdent aux sapins, aux érables, aux hêtres lesquels, une fois détruits, ne laissent plus de rejetons1.

De même au Brésil, aux environs de Villa Rica, près de S. Miguel de Mato Dentro, on observe qu'au bout de trois à quatre destructions successives des capoeiras, les fougères (pteris caudata) et le caprim gordura prennent la place de ces végétaux qui désertent le sol2.

M. J. W. Dawson a étudié d'une manière toute spéciale ce phénomène dans la Nouvelle-Écosse'. Nous emprunterons à son curieux travail les détails

suivants:

« La Nouvelle-Écosse et les provinces qui l'avoisinent étaient, dans leur état naturel, couvertes d'épaisses forêts qui s'étendaient du rivage de la mer au sommet des collines. Ces forêts ne constituaient pas des massifs détachés, mais formaient une ligne presque continue de feuillage. Les arbres

1 Macgregor, o. c., t. II, p. 35. A. Mackenzie, Voyage dans l'Amérique septentrionale, t. I, p. 360, trad. Castéra.

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Aug. Saint-Hilaire, Voyage au Brésil, t. II, p. 106.

Voy. On the destruction and partial reproduction of Forests in British North America, ap. Edinburgh new philosophical Journal, April 1847, vol. XLII, p. 259, et American Journal of science and arts, 2a série, vol. IV, p. 160 et suiv. (New-Haven, 1847).

qui la composaient étaient trop pressés les uns contre les autres, pour pouvoir acquérir tout leur développement et toute leur rondeur, car le besoin d'air et de lumière forçait leurs tiges à rester grêles et effilées. On ne rencontrait de forêts ouvertes que sur certains sols trop riches et trop meubles, ou sur des collines trop rocailleuses pour fournir à une végétation si touffue. Vue du sommet d'une colline, cette forêt apparaissait comme une surface ondoyante, dont les ondulations continues variaient de teinte et de forme, suivant que prédominaient les contours vert foncé et découpés des conifères, ou les feuillages plus clairs et les formes plus arrondies des arbres à feuilles caduques. Ces deux classes d'arbres sont généralement réunies par bouquets ou lignes irrégulières auxquelles se joignent d'autres arbres qui varient de nature, suivant la fertilité ou la sécheresse du sol. D'ordinaire les essences à feuilles caduques et à bois dur dominent sur les plateaux fertiles qui séparent les vallées, sur les flancs et le sommet des collines schisteuses et trappéennes, tandis que les terres inondées, les sols plus pauvres, les montagnes granitiques sont surtout ombragés par des

conifères.

<<< Les arbres des forêts croissent sur un humus dont la surface est rendue fort inégale à raison des petits mamelons qui la coupent en différents sens, et des pierres qu'y amène le hasard. Ces mame

lons qu'on appelle communément cradle-hills, ne sont en réalité que les tumuli des membres de la forêt qui n'existent plus, et dont les troncs en se décomposant forment un détritus sur lequel croît la mousse. Ces cradle-hills abondent principalement dans les sols légers et sont dus, en grande partie, au détritus des conifères et surtout à celui du hemlock-spruce. A l'ombre des grands arbres, s'étend une végétation inférieure composée de mousses, de lycopodes, de fougères et d'un petit nombre de plantes herbacées phanérogames.

<< La hache et l'incendie allumé accidentellement, ou à dessein, sont les deux agents de destruction de ces forêts1. Ces incendies ne datent pas que de l'époque de l'occupation européenne. Les traditions des Indiens parlent d'anciennes et de vastes conflagrations, et l'on pense que dans la Nouvelle-Écosse plusieurs des noms de localités appartenant à la langue indigène, tirent leur étymologie d'événements de cette nature. Mais, dans ces derniers temps, ces incendies sont devenus plus fréquents et plus destructeurs. Lorsqu'on veut éclaircir un canton, on ne manque jamais de brû

1 Voy. dans la Revue britannique, 4a série, t. XXIV, p. 253, le curieux article intitulé: L'incendie des forêts dans la Floride, extrait de l'American ornithological biography. Suivant l'auteur de cet article, ces incendies sont quelquefois dus à la chute accidentelle d'un tronc contre un autre, le frottement de ces deux corps résineux suffisant pour produire la flamme.

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