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son énorme tronc armé d'épines et ses monstrueux régimes de fruits, ceux qui parcourent les environs de S. Fernando de Atabapo'. Aux cataractes d'Aturès et de Maypurès, domine le palmier cucurito. Ses palmes surmontent un tronc de 30 à 40 mètres de haut'. Dans les Andes, dans la montagne de Quindiu, lẹ gigantesque ceroxylon andicola, dépasse 50 mètres et croît à une altitude que ses frères, de la même famille, ne sauraient atteindre. Sa tige couverte d'une cire végétale est renflée comme un fuseau3.

Au-dessus de la région des palmiers, commencent les fougères arborescentes qui appartiennent en partie à la région des cinchona. L'une d'elles, le cyathea speciosa, s'élève à plus de 12 mètres de haut'. Les palmiers et les fougères en arbre constituent des forêts qui suivent une distribution inverse. Tandis que les premiers acquièrent des proportions de plus en plus considérables à mesure que l'on s'avance davantage vers l'équateur, les fougères vont au contraire en diminuant sensiblement à partir des 6o de lat. nord. Elles fuient les plaines, craignent les rayons directs du soleil, cessent d'orner les forêts qui bordent le Cassiquiare, le Temi,

'Humboldt, Voyage cité, t. VII, p. 262. Humboldt, Voyage cité, t. VII, p. 62.

3 Humboldt, Vues des Cordillères, t. I, p. 84.

Humboldt, Voyage cité, t. III, p. 210; t. II, p. 211.

l'Inirda et le Rio Negro', et manquent entièrement près des cataractes de l'Orénoque.

Les crotons arborescents forment dans la péninsule d'Araya de petits bois qui caractérisent la végétation de cette partie de l'Amérique. Ils disparaissent peu à peu, ainsi que les agaves et les cierges, lorsqu'on remonte l'Orénoque au-dessus des bouches de l'Apure et du Méta, mais vers le haut Maranon, dans la province de Bracamoros, ils reviennent habiter les forêts".

Dans les contrées marécageuses les bambousiers forment, à la Nouvelle-Grenade et à l'ancien royaume de Quito, un autre genre de forêts que les Espagnols appellent guaduales. Ces graminées qui s'élèvent jusqu'à 12 mètres de haut, offrent les formes les plus délicates et les plus élégantes; de toutes les formes tropicales, ce sont celles qui frappent davantage le voyageur européen. Mais ces arbres disparaissent dans les marécages et les vastes plaines inondées du bas Orénoque, de l'Apure et de l'Atabapo, où se montrent alors les laurinées, famille caractéristique des bois du nouveau monde.

1 Humboldt, Voyage cité, t. VII, p. 297, 298.

2

* Humboldt, Voyage cité, t. IX, p. 132 et suiv.

Humboldt, Voyage cité, t. VII, p. 65, 66.

Humboldt, Voyage cité, t. VIII, p. 74, 75. Les Indiens appellent le bambousier jagua ou guadua.

* Humboldt, Voyage cité, t. III, p. 47, 48; t. VII, p. 61. 'Les laurinées manquent en Afrique.

Selon que le sol est aride ou marécageux, les arbres prennent une physionomie différente, et leurs feuilles sont plus ou moins vertes ou plus ou moins argentées'.

Au sommet des montagnes, l'apparition des befaria, les rosages américains, annoncent, dans la Silla de Caracas et les Andes, la disparition des forêts. L'altitude à laquelle se place leur zone, varie suivant les localités. Près de l'équateur le befaria æstuans et le befaria resinosa couvrent les montagnes jusque dans les paramos les plus élevés, jusqu'à 3200 et 3 400 mètres; au contraire, dans la chaîne de Venezuela, on les voit se rapprocher des plaines'.

La Guyane a aussi ses forêts vierges, ses merveilles de végétation arborescente, comme elle a ses terres basses à palétuviers. Les essences les plus variées se rencontrent dans l'intérieur des terres et constituent d'admirables futaies. Le bois de rose (licaria), le férole ou bois satiné, l'icica appelé cèdre noir et celui qui porte le nom de cèdre blanc, le cotonnier sauvage qui atteint 12 pieds de circonférence, le bagastier qui s'élève à 70 pieds de haut, et dont le diamètre est de 4 à 5 pieds, l'acomas

1

1 C'est ce qu'a observé notamment M. de Humboldt

pour

le

cecropia. Voyage cité, t. III, p. 43.

2 Humboldt, Voyage cité, t. IV, p. 236, 237, 238.

3

Voy. à ce sujet Noyer, Des Forêts vierges de la Guyane française (Paris, 1826, in-8°).

(spartium) dont le bois est respecté par les insectes, le baïra ou bois de lettre qui, recherché pour son utilité, devient de jour en jour moins commun, le spartium arboreum trifolium exclusivement propre à la Guyane, peuplent ces forêts'. Des forêts de cacaoyers se rencontrent à l'intérieur du pays, loin des bouches de l'Oyapoc et du Sinamari. Ce sont surtout les rives de l'Essequibo qui offrent dans cette partie du nouveau monde d'admirables forêts'. Nous emprunterons pour les décrire les paroles d'un voyageur qui les a visitées, M. Robert Hermann.

« C'est là que trônent les forêts. Toute trace de civilisation a disparu. Au-dessus de vous, autour de vous s'étend une masse épaisse de feuillage. Au-dessus de tous les arbres domine le majestueux mora (mora excelsa, Benth.) aux rameaux garnis de feuilles sombres. Viennent ensuite le gigantesque mimosa de l'hémisphère occidental, égal, si non supérieur, pour la construction des bâtiments, au chêne qu'on emploie dans la Grande-Bretagne; le saouari (Pekea tuberculosa) d'un port non moins majestueux et d'un produit presque aussi utile, et dont le fruit est une noix nutritive; le sirwaballi qui résiste

1 Revue britannique, 3a série, t. XIV, p. 260 et suiv.; Schomburgk, A Description of British Guiana (Lond., 1840), p. 31. * Stedman, Voyage à Surinam, trad. franç., t. III, p. 458. 3 Voy. dans the Journal of the royal geographical Society of London, t. II, p. 66, l'article du copit. Alexander.

si bien aux attaques des vers et sert à faire d'excellentes planches, quelques espèces de wallaba (dimorpha falcata), le cecropia ou arbre trompette, le goyavier d'eau (psidium aromaticum) qui remplace sur ces rives le palétuvier des bords de l'Océan, et fournit une feuille aromatique d'un emploi précieux contre la dyssenterie1. >>

Un autre voyageur, M. Schomburgk, qui a aussi visité la Guyane, a décrit, avec non moins d'admiration, la magnificence de ses forêts qu'embellit la victoria regia, et où le colon trouve tant de bois précieux pour la médecine, les arts et l'industrie. Le bourdonnement des nombreux insectes qui vivent dans ces palais de la nature végétale, vient seul troubler le calme majestueux qui règne sous ces gigantesques futaies. Parfois aussi, le soir, lorsque le ciel austral s'allume de ses magnifiques constellations, mille oiseaux aux brillants plumages mêlent leur gazouillement au cri aigu des reptiles.

Repassons de l'autre côté du continent méridional du nouveau monde, et allons rechercher ce que sont ces mêmes forêts dans l'antique empire des In

cas.

La végétation forestière s'étend sur les deux chaînes qui courent du sud-ouest au nord-est. La

1 Journal of the royal geographical Society of London, t. VI, p. 228.

Rob. H. Schomburgk, a Description of British Guiana, p. 30 et suiv.

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