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PRÉFACE.

Le fond de ce livre a été publié dans les Mémoires de la Société des Antiquaires de France sous le titre de Recherches historiques et géographiques sur les grandes forêts de la Gaule et de l'ancienne France. L'accueil favorable que le public a fait à cet essai si imparfait, et où s'étaient même glissées quelques erreurs, et de plus la distinction flatteuse que lui a accordée, en 1849, l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, en lui donnant la seconde mention honorable dans le concours des antiquités nationales, m'ont déterminé à le compléter, à le revoir, afin de le rendre moins indigne du lecteur. Tel qu'il est actuellement, ce travail est tout à fait différent du Mémoire que j'avais fait paraître, il y a deux années, quoique une grande partie de ce que celui-ci renferme ait été conservée. J'ai vivement regretté de n'avoir pas consulté les recueils allemands cités dans la Bibliographie forestière de Laurop et qui sont intitulés : Allgemeine Forst-und-Jagd-Zeitung, OEkonomische Neuig

keiten und Verhandlungen, Neue Jahrbücher der Forstkunde. Mais il m'a été impossible de me les procurer à Paris, à l'exception de quelques numéros du premier journal que j'ai reçus tout récemment, ni de trouver à acheter ces collections chez un libraire d'Allemagne. J'ai donc été réduit à citer les articles qui s'y trouvent contenus d'après Laurop, pour tous ceux qui ne se trouvaient pas dans les numéros qui me sont parvenus. J'ai cherché autant que j'ai pu à suppléer aux lacunes inévitables qui en sont résultées pour mon livre, en ne négligeant de consulter aucune des sources que j'avais à ma disposition. J'ai fait précéder mes recherches d'un aperçu sur les forêts des diverses parties du globe, aperçu qui m'a paru devoir former une utile introduction à mon histoire. Enfin j'ai envisagé mon sujet, non pas seulement en historien et en géographe, mais encore comme un homme désireux de faire connaître tout ce qui peut nous intéresser dans l'étude des forêts de l'Europe et de la France en particulier.

Paris, 23 mars 1850.

HISTOIRE

DES FORÊTS.

Les forêts, les plaines ou les déserts, les montagnes et les plages forment les traits les plus frappants dans la physionomie d'un pays. Ce sont comme les grandes lignes auxquelles se rattachent une foule de lignes secondaires. Aussi les anciens, observateurs peu attentifs de la nature et voyageurs peu soucieux de nous faire connaître le caractère pittoresque des pays qu'ils ont décrits, ont-ils cependant manqué rarement de nous signaler ces caractères principaux du sol.

Les forêts frappent surtout les regards par la majesté de leur aspect, le caractère imposant de leur masse, les teintes diverses dont elles colorent le paysage. Elles forment dans le vaste tableau de la nature les parties les plus remarquables. La végétation, cette admirable parure de notre globe, n'a pas de produits plus magnifiques. En effet, l'arbre est le représentant le plus élevé du règne

végétal, comme l'homme l'est du règne animal. Ces troncs uniques qui se ramifient à une certaine hauteur en étendant au loin leurs branches et leur feuillage, ou ces stipes qui semblent des fûts gigantesques dont le stylobate se cache dans le sol, sont les plus beaux enfants que la terre tire de son sein. Ces aînés de la famille végétale semblent exercer sur les plantes plus humbles, les arbrisseaux, les arbustes ou les chaumes débiles, un empire que nul ne leur dispute. Ils abritent de leur ombre mille plantes chétives; ils portent sur leur tige des lianes qui ne sont point assez fortes pour se soutenir par elles-mêmes. Répandus sur toute la surface du globe, mais plus élancés sous les tropiques, plus vigoureux sous les zones tempérées, moins élevés près des pôles, ils reflètent constamment par leur port, leur physionomie, le caractère du sol, de la température, du climat dans la dépendance desquels ils sont étroitement placés. C'est en examinant les arbres d'une contrée, en considérant l'aspect de ses forêts, que l'on peut apprécier à quelle région botanique cette contrée appartient. Les arbres, soit en masse, soit isolés, constituent en quelque sorte les jalons qui servent à limiter les circonscriptions végétales de notre globe. Ils sont comme les pavillons qu'on hisse aux portes des villes, et qui sont destinés à annoncer par leurs couleurs à quel État ces villes appar

tiennent.

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Les lignes qui, sur la mappemonde, indiquent les zones entre lesquelles croissent les principaux arbres, sont donc, jusqu'à un certain point, pour la végétation, ce que l'équateur, les tropiques, les divers parallèles sont pour les climats; elles tracent les frontières que la main du Créateur a assignées à chaque contrée botanique. De même les lignes verticales qui marquent les diverses altitudes auxquelles s'élèvent, sur les montagnes, les arbres des forêts, sont autant d'autres frontières que chaque espèce de végétation a reçues dans le sens de la hauteur. Qu'on jette les yeux sur la carte que M. Gand a donnée de la végétation forestière1 en Europe, et l'on reconnaîtra l'exactitude de ces remarques. La ligne du chêne liége, combinée avec celle du chêne à glands doux, trace la limite supérieure de la végétation méditerranéenne. La ligne du châtaignier celle de la végétation de la zone tempérée moyenne, la ligne du hêtre celle de la zone froide inférieure, la ligne du pin sylvestre celle de la zone froide supérieure, enfin celle du bouleau l'extrême frontière de toute végétation.

Les altitudes auxquelles atteignent les principales essences, offrent des résultats du même genre. Si nous prenons pour exemple les Apennins, nous voyons d'abord le quercus ilex et le quercus suber

1 Annales forestières, t. IV, p. 89 et suiv., et la carte annexée à ce volume.

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