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tiles dangereux viennent placer leur repaire. Un savant botaniste, M. Gaudichaud, a donné la description d'une de ces forêts situées près de Babao, au fond N.-E. de la baie de Coupang dans l'île de Timor1.

Les Philippines ont comme l'Amérique leurs forêts vierges (sylvæ primævæ) qui frappent les voyageurs par leur aspect singulièrement romantique. Les arbres y mêlent leur feuillage à celui d'une foule de plantes parasites, aux mousses, aux jungermanniées, aux fougères, et à une grande polypodiacée qui étale sur leurs branches ses racines écailleuses. Un célèbre voyageur, M. de Rienzi, nous a laissé la description d'une de ces forêts, celle qui borde la baie de Siokon dans la baie de Maïndanao2. Laissons-le parler :

<< Retenu par les vents dans la baie de Siokon, sur la côte occidentale de l'île de Maïndanao, je voyais çà et là de nombreuses et variées légumineuses, des fourrés de longues lianes arborescentes, des jongles épaisses, des vaquois, des mangliers aux mille racines, des plantes herbacées d'une organisation robuste et ligneuse. Après avoir monté une pente escarpée et marché longtemps à travers des sagoutiers, des bambous et quelques can

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Botanique du Voyage de l'Uranie et de la Physicienne, p. 42 et suiv.

2 D. de Rienzi, L'Océanie, t. I, p. 300; cf. Estado de las islas Filipinas, t. II, p. 2 et suiv. (Madrid, 1843).

nelliers sauvages, j'arrivai dans une forêt composée d'arbres projetant leurs branches à une grande hauteur. C'étaient des palos-marias, des muscadiers uniformes, des cocotiers, des aréquiers (bounga) semblables à des colonnes légères que le vehouco et le maca bounbay embrassaient comme le lierre et accompagnaient jusqu'à leurs cimes, et de beaux tamarindes balançant leurs têtes séculaires souvent frappées de la foudre, et formant des voûtes de verdure impénétrables à la lumière du soleil. Mais ces voûtes de second ordre étaient dominées par les tiges de beaux ébéniers d'une hauteur vraiment prodigieuse, par des pins et des espèces d'acacias de 200 pieds de haut, qu'on prendrait pour une seconde forêt s'élevant au-dessus de la première. >>

Aux Mariannes des forêts vierges couvrent les sommets culminants d'Umata, de Pago èt d'Agagua. Elles se composent de quatre variétés sauvages de l'arbre à pain, de plusieurs rubiacées arborescentes du genre pavetta, du Dodonæa viscosa, du casuarina indica, de l'areca oleracea, d'euphorbiacées et d'apocynées arborescentes. Le mimosa scandens, le dioscorea alata, le lomaria spicata, constituent les lianes qui lient ces essences comme en un seul faisceau1.

Si, quittant l'archipel indien, nous nous avan

1 Gaudichaud, Botanique du voyage de l'Uranie, p. 70.

çons vers la Polynésie, nous voyons la végétation forestière changer de physionomie avec tout le règne végétal. Quoique la Malaisie et la NouvelleHollande soient des contrées voisines, le caractère de leur végétation est complétement différent, nous dit Dumont d'Urville1. Quant aux îles Arrou les forêts s'y présentent avec tout le caractère de la végétation équatoriale; leurs arbres immenses élèvent leurs 'branches à de grandes hauteurs, et les lianes étreignent de leur mille faisceaux les rameaux entrelacés. Sur la côte nord de la Nouvelle-Hollande, entre Vittoria-Town et Port-Eslington tout respire la stérilité. Les forêts, qui appartiennent à la région des eucalyptées et des épacridées, ont un cachet à part. Elles reprennent dans l'Australie cette teinte uniforme qui caractérise les nôtres, et elles se séparent radicalement de celles de la zône équatoriale. Presque tous les arbres qui les composent, appartiennent à la même famille et leurs feuilles, au lieu d'affecter comme dans nos contrées la position horizontale, s'élèvent verticalement. Leur verdure n'a plus cette vivacité, ces teintes brunes et énergiques des climats que nous venons de quitter. Elle présente des teintes plus pâles qui vont sans cesse en se dégradant. Les feuilles n'offrent plus cet éclat, ce lustre qui miroite agréablement dans le paysage, et les massifs se montrent maigres et

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comme étiolés. Les arbres ne perdent pas périodiquement leur ombrage, ainsi que cela a lieu dans nos contrées. Ce caractère appartient aussi aux végétaux de l'Amérique du sud et du cap de BonneEspérance. En Australie les arbres, à l'exception des gommiers bleus, n'atteignent pas les énormes proportions qui étonnent entre les tropiques. Mais ils s'élèvent à une grande hauteur et offrent des formes élancées qui ont aussi leur grâce1.

Dans la Nouvelle-Zélande les forêts reprennent un aspect plus imposant, et les arbres qui les composent, des proportions plus considérables', bien que la végétation ait le même caractère que sur le continent océanien. Les unes composées exclusivement de Kauris aux formes parfaitement cylindriques rappellent, par leurs alignements, les colonnes des vastes péristyles des temples de Karnak et d'Edfou. Plusieurs de ces forêts offrent une profondeur extraordinaire et s'étendent jusqu'à une largeur de plus de trente milles'.

Les essences qui caractérisent les forêts de l'Australie, les Dracaena terminalis, indivisa, australis, le Tacca pinnatifida, le Casuarina equisetifolia, le

1 Ch. Darwin, Journal of Researches into the natural history and geology, p. 433 (Lond., 1845).

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3 Ces rapports dans la flore sont confirmés par les hydrophytes qui sont communs aux deux terres.

4 Berghaus, o. c., t. III, p. 150, 158.

Mimosa mangium, le Terminalia catappa, le Barringtonia speciosa, le Cassia sophora, le Dacrydium cupressinum, le Calophyllum inophyllum, les Melaleuca virgata, leucodendron, cajaputi, les Dodonaa spatulata et viscosa, l'Araucaria excelsa, l'Areca sapinda, le Podocarpus spinulosus, l'Acacia aphylla, etc., etc., sont particuliers à cette partie du globe et rattachent sa végétation à celle de l'Amérique et du Cap.

Le voyageur européen qui parcourt ces forêts, surtout celles de la Nouvelle-Zélande' où les genres de l'Europe se marient à ceux de l'Amérique et du Cap, où les Eucalyptus, les Banksia, les Acacias, les Casuarina, étalent leurs branches sur un sol

1 E. Diefenbach, Travels in New Zeeland, t. I, p. 421 (London, 1843). Les forêts du S.-O. de la Nouvelle-Zélande sont formées par les Dacrydium cupressinum. Voyage de l'Astrolabe, Botanique, par M. Ach. Richard, p. 362.

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Le casuarina, dont on a découvert treize espèces, se trouve dans toutes les forêts et les halliers. L'acacia aphylla forme un genre plus étendu encore; on en compte plus de cent espèces. Ce genre et le genre eucalyptus sont si multipliés et les individus sont en si grand nombre, qu'ils contiennent ensemble, suivant Rob. Brown, autant de terre végétale que le reste des plantes de ce pays. L'eucalyptus globulosus de Labillardière est une espèce particulière à la partie sud de la terre de Van-Diemen ; elle atteint communément une hauteur de 50 mètres, et porte à la base un bourrelet de 12 à 14 mètres. On trouve aux seuls environs de Port-Jackson cinquante espèces de ce genre magnifique.

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