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ainsi que cela se pratique encore dans quelques localités d'Allemagne 1. On se servait aussi de l'écorce des arbres comme luminaire', usage qui donnait naissance à une décortication très-préjudiciable à la conservation des essences.

Au xi siècle, certaines forêts avaient été tellement éclaircies et dévastées (excisa et extenuata) qu'elles suffisaient à peine au besoin d'un seigneur et de ses gens (curiæ et familiis ejusdem 3).

En 1309, l'empereur Henri VII ordonna que la forêt de Nuremberg qui avait été presque complétement défrichée et convertie en champs de blé cinquante ans auparavant, fût remise en état et peuplée d'arbres*. La forêt appelé Altholt, située près de Soest, avait été tellement dévastée, tant par les habitants que par les étrangers, qu'elle était regardée par l'archevêque de Cologne, Reinold, comme terre sans valeur et sans rapport. Aussi ne la qualifie-t-il plus que d'Area nemoris3.

1 Les arbres qui servaient à cet usage, reçurent pour cette raison le nom de schleiss aeume, schleissholz, et les fragments que l'on brûlait comme des torches s'appelaient Spelt. Anton, o. c., p. 461.

2 Cortices arborum quibus ad luminaria uti solemus. Leibnitz, I, 87, Vit. Ludgeri.

3 Anton, Geschichte der teutschen Landwirthschaft, t. I, p. 327.

*Cotta, Principes de la science forestière, 2e édit. trad. Nouguier, p. 9.

B Kindlinger, II, 97.

Des colons s'établissaient par centaines dans les cantons des forêts qui avaient été défrichés. Aux futaies succédaient les essarts que remplaçait bientôt un sol libre sur lequel s'élevaient des chaumières, où dans lequel on établissait des jardins potagers. En 1160, l'archevêque de Mayence, Arnould, signale le grand nombre de colons qui étaient venus se fixer dans la forêt de Haguenau 1.

L'autorité seigneuriale ne tarda pas à prendre des mesures sévères pour arrêter les conséquences désastreuses de cet état de choses, mais les guerres fréquentes dont l'Allemagne eut à souffrir, neutralisèrent les bons effets que pouvaient avoir ces défenses.

Les détails que nous venons de donner plus haut sur les forêts de la Germanie, nous montrent que les lignes forestières de ce pays se rattachaient à celles de la Gaule, et qu'elles constituaient une suite de solitudes et d'ombrages qui imprimaient aux deux contrées un caractère analogue.

Parmi les essences qui composaient ces forêts, on comptait différentes espèces de chênes, l'érable (acer), le bouleau dont les Gaulois tiraient une

1 Gudenus, Codex diplomatic. mogunt., t. I, 235.

2

Voy. à ce sujet les intéressantes recherches d'Anton., o. c., t. III, p. 439 et suiv.

3 Plin., Hist. nat., XIV, 13.

4 Ibid., XV, 26, 27.

sorte de résine ', l'orme, le saule '; de magnifiques pins croissaient sur les hauteurs des Vosges, du Jura et des Alpes, et fournissaient une poix qui était recherchée jusqu'en Italie '. L'if se rencontrait aussi fréquemment dans la Gaule; mais son ombrage, redouté comme funeste, son bois comme empoisonné, le faisaient peu propager. Le buis atteignait, dans la Celtique, une hauteur inaccoutumée, et le platane s'étendait au nord jusque

1

1 Plin., XV, 26, 27; Matthiol., In Dioscorid., I, c. xc. Pline (XVI, 18) parle de la beauté des bouleaux de la Gaule. « Gallica hæc arbor, écrit-il, mirabilis candore atque tenui<< tate, terribilis magistratuum virgis. » Le nom latin de cet arbre, betula, paraît être dérivé du nom celte qui était vraisemblablement beitha ou bet. Quant au nom actuel de bouleau, il provient de betula (betoul, bétouleau), par la suppression du t, comme le mot rouleau, rolle, est dérivé du latin rotulus, par la suppression du t. Voy. Radlof, Neue Untersuchungen des Keltenthumes. Bonn., 1822, p. 300. Le bouleau se rencontre surtout comme essence forestière sur les courants de lave de l'Auvergne. Il ne dépasse pas en altitude 1 985 mètres.

2 Plin., XV, 29.

3 Ibid., XV, 69-83.

Plin., XV, 76. Le pin sylvestre ne s'étend guère dans les plaines, comme composant le fond des forêts, au sud du 49° et en altitude au-dessus de 900 mètres. Il constitue aujourd'hui l'essence dominante sur le plateau granitique de l'Auvergne. Le pin mugho dans les Pyrénées atteint jusqu'aux neiges éternelles. * Columell., De re rustic,, XII, 22, 23.

Athen., v. c., 40, t. II, p. 296, ed. Schweigh.

"Pline, XV, 28. On croit que le buis est originaire du Causi cela est vrai, cet arbuste a été apporté alors fort an

case;

暖人

"dans le pays des Morini. Le hêtre, qui ne croissait pas dans la Grande-Bretagne, abondait, au contraire, dans les forêts de la Gaule'. Tous ces arbres étaient-ils indigènes dans la Gaule? c'est ce qu'il nous est impossible de déterminer 3.

Les progrès de la civilisation que fit naître dans notre pays l'établissement de la domination romaine, durent amener ceux de l'agriculture et diminuer quelque peu l'étendue des forêts. Les céréales qu'on cultivait avec succès chassèrent les essences

ciennement dans la Gaule; il croît aujourd'hui de préférence dans les terrains calcaires du Jura et dans les schistes argileux des Pyrénées. La multiplicité des noms de Bussy, Buxeuil, Bussière, Boissière, Boissy, etc., montre qu'en France le buis était jadis très-abondant.

1 Cæsar, De bello Gall., V, 21.

2 Suivant Deleuze (Annal, du muséum, t. III, p. 191), la France renferme aujourd'hui deux cent cinquante espèces d'arbres, dont les trois quarts sont d'origine étrangère; ce qui réduit beaucoup le nombre d'espèces qu'on peut supposer avoir formé les forêts de la Gaule. Peut-être doit-on admettre qu'il y eut dans la Gaule plusieurs époques de végétation correspondant à des caractères forestiers déterminés. M. Worsaæ a cherché à établir, d'après M. Steenstrup, que les révolutions du sol du Danemark ont successivement donné naissance aux trembles, aux pins, puis aux hêtres, aux chênes. Le même auteur distingue quatre périodes (Cf. Worsaæ, Daenemarks Vorzeit durch Alterthümer und Grabhügel, ubers. von Bertelsen, p. 7; Copenh., 1844). On pourrait tenter un travail analogue pour notre pays.

*Plin., XVII, 11.

forestières. Mais c'était surtout dans les plaines crayeuses de la Champagne, impropres à la végétation des arbres, dans les terrains tertiaires et jurassiques des territoires des Pictones et des Edues, qu'on récoltait le froment'. Le panicum était cultivé dans l'Aquitaine, et l'arinca, le siligo' sé sé maient dans les provinces méridionales. La culture de cette dernière céréale paraît avoir valu son nom au pays de Sologne (Secalaunia). D'ailleurs, les Romains, qui apportaient un grand soin à la conservation des forêts et déféraient souvent à des consuls nouvellement élus les attributions désignées par les mots provinciam ad sylvas et calles ne durent point abandonner à la hache des colons les magnifiques forêts de leur nouvelle conquête. La coupe en était réglée, et nous voyons que l'usage des forêts foncières formait en Gaule une partie du revenu des empereurs. La sollicitude du gouvernement romain pour l'entretien des arbres utiles est

Varron. De re rustica, 1, c. vII; Pallad., De re rustica, I, 34; Plin., XVII, 8; XVIII, 11.

2 Strabon., IV, p. 190; Plin., XVIII, 20.

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Plin., XIV, 29; XVIII, 11, 12, 19; Cf. Chorier, Hist. du Dauphiné, t. I, p. 54.

• On a cherché avec plus de vraisemblance l'étymologie de ce nom dans le latin secale, seigle.

$ Sueton. Vit. Cæsar., c. xx.

6 Voy. la préface du t. XV des Ordonnances des rois de France, par M. de Pastoret, p. 4.

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