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gnent parfois de prodigieuses dimensions qui rappellent celles des contrées américaines. Sans parler du figuier des Banyans, sur lequel nous reviendrons plus tard, à propos des arbres sacrés, on peut citer l'étonnant imli (imli tamarindus), dont la circonférence atteint dans les montagnes de Vindhya, près de Mandhou, jusqu'à 13 mètres1.

Il ne faut pas s'imaginer que cette étonnante étendue des forêts indiennes soit une preuve que la main de l'homme les ait toujours respectées et que le timide adorateur de Brahma ait ressenti pour la vie végétale la même vénération, la même pitié qu'il a pour tout ce qui respire et vit de la vie animale. Mais c'est que la force de production est tellement énergique dans ces climats, que la forêt reprend en quelques instants la terre que l'homme avait d'abord conquise sur elle, puis qu'il lui abandonne, forcé qu'il est de fuir ou de s'expatrier. C'est ce qui résulte des observations des voyageurs'. Dans l'Assam, quelques jours après que l'incendie a dévasté les jongles qui hérissent le pays, la végéta

1 Jacquemont, Voyage, t. III, p. 455 et suiv.

2 Dans la vallée du Buddiar, sur la route de Cursali à Simla, Jacquemont reconnut dans une forêt de pinus longifolia des marques de gradins qui attestaient que son sol avait été jadis cultivé. Voyage dans l'Inde, t. II, p. 117. Cf. t. III, p. 453. Voy. aussi ce que dit M. Kittoe au sujet d'une épaisse forêt qui a remplacé la ville de Nowagaon, dévastée lors de l'insurrection Cole. Journal of the Asiatic Society of Bengal, vol. VIII, p. 676.

tion reparaît plus forte et plus vigoureuse que jamais1.

Toutefois, dans ces dévastations par le fer et la flamme, si les forêts ne succombent pas, si elles résistent avec ténacité, elles reprennent promptement le terrain qu'elles ont perdu; mais elles se dépouillent graduellement d'une partie de leur parure, dece vêtement vivant et mobile, aux nuances si diverses, aux teintes diaprées, chatoyantes, que déroulent sous leurs ombrages les innombrables animaux qui les peuplent. Le pelage varié de l'hypelaphe, du nylgau, de l'axis, du cerf de Wallich, du buffle, des écureuils, le plumage si brillant et si richement coloré des paons, des faisans, des perroquets, des lophophores viennent se marier aux teintes des troncs et des feuillages. Toutes ces légions disparaissent devant l'invasion destructive de l'homme, et une fois anéanties, elles ne reparaissent plus avec la même facilité que les arbres incendiés ou abattus.

↑ En janvier, février, mars et avril toute la contrée qui entoure Bourpetah présente un spectacle fort curieux. Les habitants mettent le feu aux jongles pour éclaircir le pays, le rendre propre à la culture, et ouvrir des voies de communication entre les différents villages. On ne saurait se représenter le mugissement et la rapidité avec laquelle ont lieu ces incendies. Un espace de plusieurs milles de jongles couvert d'herbes de 20 pieds de haut est éclairci en un petit nombre d'heures. Quelques jours après, la jongle est déjà repoussée plus forte et plus épaisse que jamais. A sketch of Assam, by an officer, p. 21 (Lond., 1847).

L'Afghanistan et les montagnes de l'Hindou-Koh, celles de Khoraçan ne présentent que fort peu de forêts; leur versant septentrional n'est pas plus riche sous ce rapport que leur pente méridionale. L'Aktagh, montagne qui occupe la partie septentrionale du Kokhan, et qui s'étend jusqu'à Samarcande, offre des forêts épaisses, les seules qui puissent fournir du combustible à l'oasis de la grande Boukharie'. C'est de ce pays que les bois de construction dont est complétement dépourvue la Boukharie occidentale, descendent en radeaux sur le ZerAfchan. Les genres qui peuplent les oasis appartiennent à ceux de nos contrées européennes. Mais les froids rigoureux auxquels succèdent de fortes chaleurs, sont d'invincibles obstacles à la végétation arborescente et paralysent l'afforestation.

La presqu'île au delà du Gange paraît n'être pas moins riche en forêts que celle qui est en deçà; mais ces forêts sont encore imparfaitement connues. L'abondance des bois de construction que fournissent le Tonkin, le Laos, la Cochinchine nous est une preuve de l'exubérance de la végétation forestière dans ces contrées 3.

1 J. de Hagemeister, Essai sur les Ressources territoriales et commerciales de l'Asie occidentale, p. 43 (Saint-Pétersb., 1839).

2 G. de Meyendorff, Voyage d'Orenbourg à Boukhara fait en 1820, trad. par Am. Jaubert, p. 207, 372 et suiv.

Voy. Exposé statistique du Tonkin, de la Cochinchine, du

Si nous quittons l'Hindoustan et si nous nous dirigeons vers l'Océanie, nous retrouvons dans les îles de l'Océan, dans l'archipel de la Sonde, à Sumatra, à Java, aux Philippines, des forêts qui rappellent celles des deux péninsules.

A Poulo-Pinang et dans la presqu'île de Malacca, des jongles épaisses recouvrent les collines. Le pinang, ou areca, y abonde. Les bambous, les cannes, les rotangs occupent les régions basses, tandis que les cimes les plus élevées sont couronnées de conifères et de fougères1.

Les montagnes de Java présentent cinq zones, ou étages de forêts, ayant chacune un caractère spécial. Le premier est celui des palmiers qui bordent le rivage, des cocotiers, des borassus, des corypha, des avicennia, des tournefortia, des pandanus, des bruguiera, des calophyllum. Au second étage se présentent de vastes massifs de figuiers renfermant plus de cent espèces différentes, auxquels se joignent de nombreuses essences tropicales ou australasiennes, les meliacées, les sterculiées, les sapindées, les caryotées, les artocarpées. A cet étage succède celui que caractérise le rosamala

Camboge, etc., d'après la relation de La Bissachère, suiv. (Londres, 1611).

p.

97 et

1 L'île du prince de Galles ou Poulo-Pinang doit son nom à cet arbre. Voy. T. G. Newbold, Political and statistical account of the British settlement in the straits of Malacca (Lond., 1839), t. I, p. 49, 442 et suiv.

·(altingia excelsa)1, arbre propre à Java. Les rosamalas sont bientôt remplacés par les pins et les cyprès. Enfin on arrive dans la région des laurinées, des mélastomées, des magnoliers, des eugénias qui termine l'échelle arborescente et vous introduit dans la zone purement herbacée ou suffrutescente'.

Sur la côte de la Nouvelle-Guinée et les îles basses qui la défendent, le pterocarpus indicus et marsupinus élèvent leurs tiges majestueuses. Et dans les épais bocages auxquels ils donnent naissance par l'entre-croisement de leurs rameaux, les paradisiers et les calaos vont cacher leur éclatant plumage. Tandis qu'à l'ombre de leurs hautes futaies les brèves poursuivent incessamment les fourmis qui leur servent de nourriture".

C'est dans l'archipel des Moluques, que l'on observe surtout ces singulières forêts marines inondées périodiquement par les eaux de la mer. Au milieu de ces défilés de bruguiera, de sonneratia, d'aegiceras, d'avicennia, de laguncularia, de rizophora, d'œgialitis annulata, confondus sous le nom générique de palétuviers, des crocodiles et mille rep

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1 L'altingia excelsa a été ainsi appelé par Ferdinand Noronha. C'est une espèce du genre liquidambar de Linné. On le rencontre surtout dans les forêts de Java, aux habitants desquelles il fournit un suc résineux connu sous le nom de rosa malla. Voy. Lasègue, Musée botanique de M. Delessert, p. 190. Berghaus, o. c., t. III, p. 85, 86.

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3 Dumont d'Urville, Voyage au Póle sud, t. VI, p. 309, 310.

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