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servir de bornes à la région maritime, qui n'excède pas 600 mètres au-dessus du niveau de la Méditerranée, et que caractérisent les cistes, les myrtes, les pistachiers et une foule de labiées et de caryophyllées. Au-dessus, les chênes et les châtaigniers marquent cette région où les arbres verts ont disparu et dans laquelle apparaissent les plantes du nord de l'Europe. C'est le premier étage forestier. Au second étage, les quercus robur et cerris font place aux hêtres et annoncent la région de l'atropa belladona. Le pinus sylvestris montre alors son sombre feuillage et sa tige pyramidale, dont la hauteur sert comme d'échelle à la végétation; il se réduit aux proportions d'un arbre rabougri, quand le sol de l'Apennin ne donne plus naissance qu'à des arbrisseaux tels que le vaccinium myrtillus, l'arbutus uva ursi, le juniperus nana, présage de la région des neiges et de la stérilité1.

Ces frontières verticales varient de hauteur et de nature suivant les latitudes et les climats. Par exemple, dans les Andes, la végétation s'élève plus haut qu'en Europe; et les sentinelles qui gardent en quelque sorte la frontière de chaque région, ne sont pas les mêmes dans les Alpes, les Pyrénées, les Car

Voy. à ce sujet H. Berghaus, Allgemeine Lander-undVoelkerkunde, t. III, p. 107, 108 (Stuttgart, 1838), et Schouw, Des Coniferes de l'Italie, dans les Annales des Sciences naturelles, t. III, p. 245 (Paris, 1845).

pathes, l'Himalaya, l'Altaï ou le Caucase, les Apalaches, les Alleghanies et les Montagnes rocheuses.

Les forêts offrent dans chaque contrée du globe un cachet particulier. Chaque région reçoit de ses forêts une physionomie propre ; celles-ci à leur tour prennent un caractère d'autant plus tranché que les régions le sont davantage, eu égard à la distribution de la chaleur, de la lumière, et aux diverses conditions climatologiques. Pour en convaincre le lecteur, nous allons jeter un coup d'œil rapide sur les principaux districts forestiers de la terre. Commençons par cette vaste région qui s'étend du versant méridional de l'Himalaya jusqu'à la mer des Laquedives et des Indes, terre antique où la vie s'est développée depuis l'époque la plus reculée et dans laquelle la nature a semé à profusion la vie végétale. L'Hindoustan a des forêts qui ont résisté aux progrès de la civilisation et qui forment un des traits les plus distincts de ce pays. La végétation y reflète l'ardeur dévorante du ciel sous lequel elle se développe. Parmi ces forêts, les unes présentent des rangées pressées des grandes essences de ces climats. Le bois de tek (tectonia grandis), qui forme à lui seul de vastes forêts, le tamarin, le mango (mango mangifera), l'ébénier, les bambousiers, auxquels se joignent parfois le palmier-éventail (borassus flabelliformis), et d'autres espèces de la même famille (elate sylvestris), couvrent de leurs tiges élancées les premiers étages des Nilgher

ries'. Ailleurs ce sont des forêts plus fourrées et plus impénétrables, toutes garnies de lianes et de plantes sarmenteuses, de buissons épineux, dont des légumineuses arborescentes, des mimosées, des cassiées constituent les futaies. Les sombres et sévères conifères de nos climats ne rembrunissent jamais de leur feuillage les couleurs vives de ces massifs d'arbres.

A côté de ces forêts formées par les tiges élevées des essences que je viens de nommer, se placent d'autres forêts aux essences moins hautes, vastes amas d'arbustes, de broussailles, de roseaux, où l'homme ne trouve pas un sentier, un espace ouvert pour poser son pied. Ce sont ces célèbres jongles qui atteignent dans l'Orissa', à Ceylan' et dans l'Assam' leur plus grande étendue. Ces gigantesques fourrés servent de repaire aux tigres, aux éléphants, aux buffles, aux rhinocéros, à tous ces ani

1

'C. Ritter, Die Erdkunde von Asien, t. IV, p. 963.

2 C. Ritter, o. c., t. IV, p. 979.

Voy. sur ces forets, dont quelques-unes ont quatre journées d'étendue, et où abonde le tendou ou ébénier bâtard, Account of a journey from Calcutta via Cuttack and Pooeree to Sunbulpur and from thence to Mednipur through the forests of Orissa, by lieut. Kittoe, dans the Journal of the Asiatic So ciety of Bengal, vol. VIII, p. 474 et suiv., 606 et suiv., 678

et suiv.

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Voy. de Butts, Rambles in Ceylon, p. 190 (London, 1841). " Voy. A sketch of Assam by an officer, p. 27 (London,

maux dont l'homme redoute la rencontre et les déprédations. Dans les jongles de l'Orissa erre le jungly-gau, ou boeuf des jongles, qui semble être la souche sauvage des bœufs domestiques de l'Inde. Parfois ces jongles recouvrent un sol humide et marécageux où risque de s'enfoncer celui qui se hasarde, la hache à la main, dans ce dédale végétal. Telles sont les forêts qui s'étendent sur le Delta du Gange et dans lesquelles le soundari (heritiera minor) forme l'essence dominante. Cette région hérissée de bois, qui doit à cette dernière circonstance son nom de sunderbunds, est, comme toutes ces jongles, plus encore que les autres, un foyer de miasmes délétères d'où le choléra et les fièvres pernicieuses vont, portés par les moussons, s'abattre sur les contrées ouvertes et habitées. Ces forêts de broussailles et de roseaux rappellent par leur aspect la végétation des contrées subpolaires, avec cette différence que l'extrême chaleur arrête là l'activité de la croissance des arbres, tandis que, ici, ce sont les frimas qui produisent le même effet. Tout dans ces vastes jongles respire l'immobilité de la mort et la monotonie de l'hiver; mais c'est un hiver de sécheresse. L'atmosphère lourde et immobile imprime à l'air une teinte morne et une pesanteur fatigante qui abat l'âme et énerve les forces de celui qui pénètre dans ces forêts. Longtemps les arbres morts demeurent droits et garnis de branches privées de feuillage, sans qu'un coup

de vent vienne les renverser'. Parfois cependant quelques fleurs aux couleurs vives, le cotonnier épineux, le mourata (lagerstroemia reginae), aux nuances écarlates et ponceaux, tranchent avec la teinte brune et jaunâtre de la masse'. Et sur la lisière de ces forêts chétives, des essences plus élevées relèvent, par la majesté de leurs tiges, les lignes que tracent les touffes d'arbustes et de roseaux 3.

Sur les montagnes de l'Hindoustan et de l'archipel indien les forêts sont souvent disposées par étages. D'abord apparaissent les palétuviers (rhizophora mangle), qui s'avancent au milieu de l'Océan et étendent leur tige sur les plages qu'inonde la marée montante". Les cocotiers qui croissent aux bords de la mer, forment des forêts à Ceylan, dans les Laquedives et couvrent presque tout le littoral de la côte de Malabar et la province de Canara3. A l'entour des villes de Travancore, de Calicut, de Tellichery, de Goa, de Bombay, règnent des forêts composées uniquement de cette essence; vient ensuite le bois de tek, puis celui de san

1

Voy. Major Forbes, Eleven years in Ceylon, vol. I, p. 167, 168 (London, 1840).

* Forbes, o. c., t. I, p. 188. Voyez ce que dit ce voyageur des forêts du district de Kandy.

3

Montgomery Martin, The history of eastern India, t. II, p. 783.

4

* Voyez ce que je dis plus loin de ces forêts marécageuses. * Ritter, o. c., t. IV, p. 839, 840.

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