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était spécialement chargé de veiller à la conservation des forêts, et ce fut certainement ce grand officier qui devint un des agents les plus actifs de l'afforestation au delà de la Manche.

La législation exorbitante que les princes établirent en matière de droit de chasse et de forêt, finit par soulever les barons, qui arrachèrent à Henri III la célèbre charta de foresta, par laquelle étaient abrogés les défens si rigoureux qui étaient portés antérieurement, et qui donnait naissance à une législation moins draconienne1. Cette charte qui s'incorpora à la grande charte d'Angleterre, détruisit le honteux système d'oppression des rois normands en matière de chasse2.

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Une fois qu'une protection tyrannique eut cessé de mettre à couvert les arbres, ceux-ci qui, depuis l'invasion romaine, avaient été déjà soumis à de vastes abatis, allèrent s'éclaircissant.

En Écosse l'antique sylva Caledonica s'étendait primitivement sur un espace d'environ vingt milles. Les trouvères la désignent sous le nom de bos de Colidon. Geoffroy de Monmouth, qui en

servations de M. Ph. H. Leather sur une charte d'exemption de la loi des forêts. Archæologia, t. XV, p. 209 et suiv. 1 Britannia, vol. I, col. 177.

. Voy. Hallam, Europa during middle ages, vol. II, p. 97 (édit. 1841); et Supplemental notes to the view of the state of Europe during middle ages, p. 278 (London, 1848).

De si al bos de Colidon

fait le siége des aventures de Merlin, l'appelle nemus ou sylva 'Calidonis, et vante la magnificence de ses chênes1. Ce vaste district forestier finit par se scinder en un petit nombre de maigres forêts, dont les restes nous sont offerts par la forêt appelée Coill-more, ou Great-wood, mot qui n'en est que la traduction anglaise, laquelle se trouve dans le comté d'Inverness', par celle de Marr, dans le comté d'Aberdeen. Une foule de vieilles traditions s'attachent encore à ce débris de la forêt calédonienne, et l'on découvre journellement dans l'immense tourbière de Moss Flanders un grand nombre de troncs d'arbres y ayant appartenu*.

Les anciennes chartes font mention de forêts qui environnaient Stirling, Forfar, Elgin, Banff, Aberdeen, Kintore, Paidsley. Le grand bois de Drumselch couvrait une partie des environs d'Édim

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S'en alerent fuiant saison.

(Roman de Brut, v. 9423-24, t. II, p. 47, éd. Le Roux de Lincy.)

« Et patulas Calidonis præfero quercus. »

(Galfrid. de Monemuta, Vit. Merlin. v. 239, éd. F. Michel.)

'John Sinclair, The statistical account of Scotland, vol. III, p. 146 (Edinb., 1792).

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3 J. Sinclair, o. c., vol. XIV, p. 937.

* Moreau de Jonnès, premier Mémoire sur le Déboisement des forêts, t. V des Mémoires couronnés par l'Académie de Bruxelles, p. 53.

bourg'. Le nom de Forest que portaient jadis le comté de Selkirk et la chaîne de hautes collines qui traverse l'île de Harris, au nord de Tarbet, indiquent également l'existence d'anciennes forêts.

En Angleterre, la disparition des forêts s'est opérée plus vite encore qu'en Écosse. Selon Cowel, il existait soixante-huit forêts dans ce pays, au temps de la conquête des Normands. Le Doomsday-Book en nomme cinq, à savoir: New-Forest dans le Hampshire, dont nous avons déjà parlé; Windsor forest, dans le Berkshire; la forêt de Grauelinges dans le Wiltshire, celle de Winburne, dans le Dorsetshire, et celle de Hucheuuode ou Whichwood dans l'Oxfordshire. La forêt de Windsor subsiste encore, mais elle est singulièrement réduite. L'antique forêt de Wistmann, près de Dartmoor, à laquelle se rattachent des souvenirs druidiques, a perdu toute importance. La forêt de Rockingham, sur la rive droite du Welland, dans le comté de Northampton, a gardé davantage son antique ma

1 Voy. un article extrait du Quarterly Journal of Agriculture, dans la Revue britannique, e série, t. VII, p. 284.

2

J. Sinclair, o. c., vol. X, p. 347.

* Lewis, Historical Inquiries concerning forests and forest laws, p. 2 (Lond., 1811).

4 Henry Ellis, A general Introduction to Domesday-Book, vol. I, p. 103, 104.

5 Mrs Bray, Traditions of Devonshire, vol. I, p. 98 (London,

gnificence, et l'on y retrouve quelques-unes des magnifiques futaies qui ombrageaient le château de Guillaume le Conquérant.

Dans le Glocestershire, se trouvait une forêt riche en bêtes fauves, à laquelle se rattache une légende féerique, que Gervais de Tilbury nous a racontée et qui prenait peut-être sa source dans des traditions druidiques 1.

Dans le Cheshire, dans cette large presqu'île qui s'étend au nord-ouest de Chester, entre les embouchures de la Dee et de la Mersey, est un district appelé par les Anglo-Saxons Pirheal, que Mathieu de Westminster nomme Wirhale, qu'en welche on appelle Kill-Gury et qui est désigné aujourd'hui par le nom de Wirall. Là s'étendait, avant le règne d'Édouard III, une vaste forêt, que ce monarque fit abattre et qui a laissé à ce district le surnom de Forest de Maclesfield2. Au nord de ce district, on voit encore aujourd'hui le château de Hooton, antique manoir féodal, possédé par une famille qui était en possession de la charge de forester et qui tirait son origine d'Alain le Sylvestre.

Plus à l'intérieur de cette presqu'île, on rencontre les restes démantelés d'une forêt non moins célèbre, celle de Delamere, au milieu de laquelle

1 Otia imperial., c. LX, ap. Leibnitz, Script. rer. Brunsw., t. I, p. 980.

2 Britannia, transl. by Gibson, vol. I, col. 673.

la fameuse Ædelfleda jeta les fondements de la ville d'Eaderburg, la ville heureuse (happy town), qui n'est plus aujourd'hui qu'un monceau de ruines qu'on a baptisé du nom de chamber in the forest1.

Une forêt séparait jadis Londres du village de Westminster qui en forme actuellement l'un des principaux quartiers, et environnait le hameau de Charing, auquel a succédé une place qui occupe presque le centre de la capitale de l'empire britannique'. Le nom de Londres (Londinium) paraît être dérivé du celte ou de l'anglo-saxon Lundr, bois'.

La forêt de Galtres qui s'étendait jadis jusqu'aux portes d'York, ne commence plus qu'à quelques milles au nord de la ville, et est coupée par un nombre considérable de clairières, au milieu desquelles se sont élevés des villages*.

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Dans le West Riding, à environ trois milles à l'ouest de Knaresborough, une vaste lande sur laquelle ont été bâtis les villages de Upper et Lower Harrowgate, dépendait de la magnifique forêt qui avoisine cette ville sur une longueur de 20 milles,

1 Britannia, ibid.

L. Faucher, Études sur l'Angleterre, t. I, p. 122.

3 En danois Lund signifie encore un bois. L'île de Seeland s'appelait autrefois Sielund, bois entouré d'eau. Thaarup, o. c., p. 76. Graff, Althochdeutscher Spratchschatz, vol. II, col. 241.

G. A. Cooke, Topographical and statistical Description of the county of York, p. 247.

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