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tal'. Cette disposition s'observe surtout dans le Malabar. Ce dernier arbre forme aux environs de Chatrakal, au nord de Seringapatam, des forêts où les tigres empêchent l'Hindou de pénétrer2, et le nombre de tiges que renferment les forêts de Magadi, à l'ouest de Bengalore, dépasse parfois trois mille.

Quand on remonte vers l'Himalaya, les forêts prennent un caractère qui rappelle davantage celui de nos climats. Jacquemont fut frappé de l'analogie qui existe entre la distribution de la végétation qui s'offrit à ses yeux dans cette chaîne de montagnes, et celle qu'on rencontre dans les Alpes. Cependant cette végétation himalayenne a aussi ses nuances et ses apparences diverses. Le caractère des forêts varie sur ces cimes suivant les expositions. Sur le premier étage, le long des pentes inférieures croît l'euphorbia sourou, qui manque complétement à l'étage supérieur où se pressent les tiges de pinus longifolia. Les aunes, les saules se mêlent à ces arbres dans les districts du Cachemire". Ailleurs comme au Kedar-kanta, c'est le chêne (quercus diversifolia) qui constitue l'essence dominante. Laissons le célèbre Jacquemont nous tracer un

1 Ritter, o. c., t. IV, p. 817.

2 Ritter, o. c., t. IV, ibid.

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Jacquemont, Voyage dans l'Inde, t. II, p. 446.

Vigne, Travels in Kashmire, Ladak, Iskardo (2e édit., 1844), t. I, p. 56.

tableau de la végétation arborescente de ces régions :

« L'Himalaya n'a donc pour lui que la grandeur de ses dimensions, mais bientôt l'œil s'accoutume à cet horizon des montagnes, et alors il n'y trouve plus comme dans les plaines qu'une uniformité continuelle d'un autre genre. Il n'y a pas plus de vallées verdoyantes que de cimes nues et déchirées; les escarpements inaccessibles manquent comme les sommets unis qui les couronnent si souvent dans les Alpes.

« Voilà pour les formes. La végétation qui les couvre est monotone comme elles. Comment en serait-il autrement, puisque c'est la diversité des sites qui produit celle des plantes, et qu'ici presque tous les sites se ressemblent? Des bois, où la variété des espèces que paraîtrait commander une latitude aussi méridionale est déjà très-réduite par l'élévation absolue, ombragent les bords des torrents dans les vallons les plus ravinés. Sur les pentes des montagnes, on voit également une ligne étroite de verdure plus sombre marquer le cours des ruisseaux assez rares qui y glissent. Leurs flancs sont d'un vert monotone sans éclat. Il n'y a ni prairies ni pâturages, mais partout, excepté sur les plus hautes cimes, une herbe inégale et grossière, trop courte pour faire une prairie, trop longue pour faire un pâturage. Des blocs nombreux sont épars sur ces gazons vulgaires; des éboule

ments les ont jonchés souvent de menus débris ou des roches en place en affleurent les pentes. Il est des montagnes élevées qui, de leur base à leur sommet, ne sont revêtues que de ce terne mélange d'herbes et de rochers. Plus souvent, sur ce fond plat et monotone, des arbres sont dispersés. Audessous de 2000 à 2500 mètres, aux expositions méridionales, ce sont presque toujours des pins. Dans des expositions plus froides, mais entre les mêmes limites, ce sont ordinairement des chênes et des rhododendrons. Ni les uns ni les autres ne forment d'épaisses forêts. On aperçoit entre les arbres le vert plus clair des herbes sèches et diffuses qui croissent au-dessous.

<< Ce n'est qu'à la base des très-hautes montagnes ou dans leur voisinage immédiat qu'il y a des forêts dignes de ce nom. Leur caractère est entièrement européen. Il serait montagnard même en Europe. Cependant on y trouve la plupart des arbres de nos plaines, comme ceux des Alpes, confondant leurs feuillages divers. Cette diversité de détail ne produit pas moins la monotonie des masses.

<< Il est vrai que plus l'on s'élève, plus on voit le climat faire un triage sévère entre les espèces que leur constitution plus robuste défend contre ses rigueurs. Mais la zone d'où il exclut la variété de celles qui croissent mêlées au-dessous, est presque celle où la végétation arborescente expire. Elle n'y a pas encore atteint la sombre et solennelle

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monotonie des forêts de sapins ou de mélèzes des Hautes Alpes, que déjà elle est réduite à des proportions misérables. Elle n'offre plus que l'image de la décrépitude et de la difformité, là où près également d'expirer, elle conserverait dans les Alpes le caractère noble et mélancolique de sa grandeur et de sa désolation. C'est la différence d'une mort naturelle à une mort violente. Les forêts meurent d'elles-mêmes dans l'Himalaya; on est témoin de leurs derniers efforts contre le climat et de leurs misérables résultats1. >>

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Le versant méridional de l'Himalaya est partout couvert de jongles épaisses et souvent impénétrables, qui, étendant leurs ramifications à l'est et au sud, se continuent avec les jongles plus profondes et plus vastes du Bengal et courent jusque vers le Settledje. Dans cette direction, elles diminuent graduellement et finissent par se réduire à des amas de broussailles au delà de la Djumna. Dans la saison des pluies, presque toutes ces forêts sont inondées, et grâce à la chaleur et à l'humidité, elles se couvrent de plantes des tropiques. Dans la région orientale prédominent les fougères arborescentes, les scitaminées, les orchidées épidendres, les pipéracées, les ébénacées, les bignoniacées, les myrta

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1 Jacquemont, Voyage cité, t. II, p. 130, 131.

* Le mot jongle est dérivé du sanscrit djangal, forêt, qui a passé en hindoustani et se retrouve en persan.

cées, les bittnériacées, les malvacées, les guttifères, les dipterocarpées, les anonacées, les dilléniacées. Dans la région du nord-ouest, le froid des hivers fait disparaître ces formes tropicales, et celles de nos climats les remplacent1.

A la base de la chaîne que l'on peut appeler subhimalayenne, sur ce contre-fort qui sépare les bassins de l'Iraouady du bas Brahmapoutre, dans tout cet intervalle qui est compris entre le point où le Gange coupe cette chaîne et la mer, règne une des plus vastes forêts du globe, Saul forest, qui descend jusque dans les plaines du Bengal et de l'Hindoustan. Sa profondeur varie de 10 à 30 milles et son aire totale est de 1 500 milles. Elle n'est habitée que dans un petit nombre de cantons. Véritable terre promise du zoologiste, elle recèle dans ses retraites humides et empestées une foule d'animaux qui se dérobent à l'homme à travers les futaies de shorea robusta, le gaur, l'éléphant, le buffle-arna, le rhinocéros, le samber et le barasinga, enfin le lepus hispidus décrit par M. Hodgson'. En s'avançant vers la mer, le tek succède au shorea et la population mammalogique s'éclaircit.

C'est surtout à partir d'une élévation d'environ

1 Jacquemont, Voyage, t. II, p. 124. Berghaus, o. c., t. III, p. 89, 90.

Voy. sur ce lièvre et cette forêt, qui reçoit son nom du saul ou shorea, Journal of the Asiatic Society of Bengal, t. XVI, part. I, p.

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