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des cabestans, des poulies. Il vous eût surtout fallu remarquer le magnifique front de bandière des machines à vapeur, et voir à l'œuvre cette force réunie de 1,584 chevaux. Chose étrange que les innombrables voyageurs qui passent à l'ombre des tours de la cathédrale de Durham ignorent totalement qu'un des plus merveilleux échantillons de l'industrie houillère de la GrandeBretagne se trouve à quelques heures de là! Chose étrange qu'aujourd'hui encore à peine rencontre-t-on par-ci par-là une personne instruite de ce fait, que sur ce lieu il a été dépensé, atteindre la couche de houille, un capital de 300,000 livres sterling! »

pour

Pour le profane désireux de se rendre compte et de voir de près le charbon tel qu'il existe dans la terre, comparé à ce que nous le connaissons tous dans nos foyers et dans nos caves, l'effort requis, et c'en est un véritable quand on n'a pas l'habitude des voyages sous terre, aboutit souvent à une notion plus confuse qu'utile ; disons plus, la réalité risque même de paraître infiniment moins intéressante que les descriptions imprimées.

Une visite à une mine de houille n'est cependant pas sans utilité, pour les gens surtout qui ont quelque idée des travaux miniers. La descente dans une atmosphère chaude chargée de particules flottantes de charbon, l'obscurité rendue pour ainsi dire plus visible par la lueur des torches et des lampes, l'encombrement des chariots, des chevaux et des ouvriers, le bruit incessant des machines, tout cela est pour le visiteur comme une épreuve préparatoire. Une fois au fond du puits, on le fait passer devant d'immenses fournaises, qui brûlent nuit et jour pour établir et entretenir le courant d'air indispensable à la population souterraine. On lui fait remarquer qu'à côté de lui, cet air qui monte par la cheminée de ces fournaises est éminemment explosible, si bien qu'une étincelle suffirait pour que tout sautât. On le promène par de larges voies d'abord et ensuite par d'étroits sentiers dont la voûte s'est un jour affaissée ou dont le sol a été soulevé. Il voit des hommes creusant péniblement une entaille profonde dans un mur noir. Une fois éloigné des piocheurs, il entend un sinistre et monotone sifflement de gaz qui toujours filtre à travers les couches de charbon. Plus

loin, on lui montre des monceaux de minerai tombés la veille de la voûte même de la galerie, et plus loin encore, des fissures d'où s'échappent avec rapidité d'énormes volumes de gaz délétère qui vicient et empoisonnent tout l'air de la mine. On lui fait suivre d'interminables tunnels noirs taillés à vif dans le minerai; ce chemin pour lui est un véritable labyrinthe, tout construit qu'il est sur un admirable plan. Enfin, d'une façon ou de l'autre, il se trouve amené à la base d'un puits d'où, à sa grande satisfaction, on le hisse à la lumière du ciel. Une fois le pied hors du gouffre, il va se plonger dans un bain chaud qui l'attend et où il s'arrange de manière à débarrasser autant que possible sa personne et ses poumons des traces de son expédition souterraine.

L'impression que fait sur une personne intelligente une pareille visite n'est pas, avons-nous dit, sans quelque bon résultat. Le visiteur apprend du moins à apprécier la nature et l'étendue du dépôt; il voit quelques-unes des particularités qui se rattachent à sa position dans la terre; il reconnaît quelques-unes des difficultés du métier, il comprend quelques-uns des dangers dont il est plein, et il s'étonne qu'on puisse trouver des hommes qui, moyennant un faible salaire, consentent à vivre de cette vie, à renoncer à la satisfaction qu'éprouve tout être humain à voir la lumière du jour et à respirer l'air frais.

Mais, en examinant le noir minerai arraché à la terre à l'aide. du pic ou de la poudre, il peut lui arriver de se reporter à l'époque où cette substance a été tout d'abord formée ou déposée, et l'envie lui prend d'étudier les circonstances sous l'empire desquelles elle est devenue charbon.

Le plancher du charbon, en d'autres termes, la terre sur laquelle on marche dans une mine de houille, est généralement une couche d'argile bleuâtre. En l'examinant de près, cette argile est d'ordinaire sillonnée d'un inextricable réseau de petites lignes noires fibreuses s'entre-croisant dans tous les sens. Ces lignes ont été jadis les radicules chevelues des plantes qui poussaient là comme dans une terre végétale, ou qui s'infiltraient à l'état de masse compacte avant que la plante cessât d'exister. Au-dessus de soi, on a généralement du grès, et sur

la voûte, au point où le grès et la houille se trouvaient en contact, on aperçoit souvent de longues et minces dépressions produites par les branches ou les troncs d'anciens arbres qui n'avaient pas été entièrement décomposés au moment où les sables avaient tout enseveli. Ainsi, sous la houille, une argile sur laquelle poussaient des plantes; au-dessus, une substance contenant d'innombrables marques d'une végétation analogue. Quelle que soit l'épaisseur du minerai dans les dépôts de houille de l'Angleterre, ces conditions du sol au-dessous et au-dessus sont singulièrement uniformes. En France, surtout dans les petits bassins houillers de l'ouest et du sud, tel n'est pas le eas; mais le charbon y diffère en général de qualité, et l'accumulation s'est faite d'une autre manière.

La première chose que révèle l'étude des bassins houillers de l'Angleterre, c'est l'uniformité de nature et d'épaisseur des couches sur des étendues de plusieurs milles carrés. Dans certains pays, principalement dans l'Amérique septentrionale, du côté de l'Ohio, où les bassins houillers sont infiniment plus vastes qu'en Angleterre, cette uniformité est constante et beaucoup plus remarquable encore. Les différents lits varient sans doute considérablement en épaisseur, mais chacun d'eux retient à peu de chose près l'épaisseur qui lui est propre, et l'on trouve de longues séries de veines superposées. Un grand nombre de celles-ci sont assez épaisses pour être exploitées et elles portent des noms distincts; d'autres n'ont juste que l'épaisseur voulue pour être constatées, elles forment un mince ruban noir courant parmi la roche. Toutes néanmoins sont accompagnées du plancher d'argile sillonné de racines et de la voûte de grès ou d'autres pierres aux empreintes de branches, de troncs, de feuilles, etc. C'est là une règle à peu près invariable.

Il est impossible de ne pas conclure de ces circonstances que le charbon de terre est le résidu d'une ancienne végétation ayant existé sur le lieu ou près du lieu où on le trouve actuellement. Le charbon lui-même, tout noir et opaque qu'il semble, fournit, sous la lentille du microscope, la preuve de son origine. Quand on l'amincit au point de le réduire à l'état de lame très-ténue et qu'on l'examine à l'aide d'un instrument puissant, on aperçoit çà et là des traces de vaisseaux en spirale, semblables à

ceux des fibres ligneuses, et divers autres caractères attestant une structure générale compliquée. On y a découvert des fruits, tels que des noix de formes étranges, et même des fleurs délicates. On y a trouvé aussi des insectes et autres animaux, et l'on a d'abondantes preuves que le charbon a été formé, sinon sur le sol sur lequel il repose, au moins bien près de ce même sol.

Examinons un peu ce que dit sur ce point le livre de pierre de la nature.

Parmi les débris amoncelés autour d'un puits de mine, il serait difficile de ramasser une douzaine de spécimens de cette argile bleue durcie particulière appelée schiste ou argile schisteuse, qui y est si abondante, sans trouver sur ces spécimens des empreintes de feuilles; et, pour quiconque est familier avec les plantes, il est très-aisé de rapporter ces feuilles à quelque espèce de fougère. Pourquoi ces empreintes sont-elles invariablement des feuilles de fougère, au lieu d'être des feuilles d'arbres fruitiers, de ces arbres qu'on pourrait s'attendre à voir former au moins quelques parties du dépôt? C'est la première question sans doute qui se présente à l'esprit des savants habitués à trouver dans la terre les restes d'un ancien monde.

Un examen plus minutieux et une visite aux musées spéciaux où sont classés de semblables objets montreront toutefois que les fragments de feuilles de plantes autres que des fougères sont si rares, qu'on peut, en pratique, les repousser comme éléments constitutifs de la houille.

Deux choses peuvent avoir produit ce résultat : ou il peut y avoir eu absence à peu près complète d'autres plantes, ou celles-ci, une fois ensevelies, sous l'eau peut-être, peuvent avoir été d'une conservation moins facile. Dans le fait, l'expérience a prouvé que les feuilles de nos arbres forestiers se décomposent bien plus rapidement que les feuilles de fougère. Les premières donc, quoique constituant des amas considérables, ont pu disparaître ou être absorbées dans la formation de la houille. Quoi qu'il en soit, l'immense quantité des fougères semble montrer que ces plantes dominaient réellement, et l'examen plus approfondi des troncs tend à la même conclusion.

Les restes des troncs d'arbres sont quelquefois très-nombreux et très-volumineux dans les grès qui avoisinent la houille. On en a aussi trouvé de beaux spécimens dans les argiles schisteuses, principalement quand celles-ci recouvrent la couche de houille, au lieu de lui servir de sol. A vrai dire, il semble, en général, que le plus grand nombre de plantes fossiles reconnaissables se présentent dans cette position, amoncelées en quelque sorte sur le sommet de la masse végétale convertie en combustible minéral.

Essayons maintenant de reconstituer une ancienne forêt, telle qu'elle a pu exister dans les parages de l'Angleterre au temps où la houille était en préparation, et, avec les matériaux dont nous disposons, peuplons cette forêt d'êtres animés.

Il y avait certainement en abondance dans une forêt de cette espèce de très-hautes fougères, semblables à celles qu'on appelle aujourd'hui fougères arborescentes, et cela sur une étendue si considérable, que beaucoup de lieux ne devaient pas avoir autre chose. Toutefois, de même qu'à l'île de Norfolk et dans certaines autres régions des antipodes où cette végétation domine, les ceintures des forêts épaisses peuvent avoir contenu une trèsgrande variété d'autres arbres, et çà et là des groupes où les fougères étaient absentes. Au nombre de ces arbres se trouvaient certainement des pins de dimensions gigantesques.

Examinons d'un peu plus près les arbres qui semblent avoir été l'élément principal du charbon de terre. Il existe de nombreux fragments de larges troncs, beaucoup d'empreintes de l'écorce et de l'intérieur de la substance ligneuse et des débris pouvant faire apprécier la contexture du bois, la disposition des branches et l'attache des racines. Parfois, le microscope permet d'observer la structure du bois, mais c'est l'exception, car la pierre, en général, n'admet pas un examen minutieux de cette nature.

Il y a trois espèces de bois excessivement dissemblables entre elles qui semblent être entrées en proportion considérable dans la houille actuelle. Chacune de ces espèces peut avoir été représentée par des variétés nombreuses; mais, en somme, c'est l'habitude des végétaux qui poussent librement et en abondance d'exclure les étrangers. Il doit donc y avoir eu peu d'intrus au fond des forêts.

Nous pouvons nous faire une idée approximative de l'aspect

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