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que, nonagénaire, il dicta le 7 janvier 1734-fut présent, Claude Rachel, escuyer, sieur de Montalant, demeurant à Paris, rue du Four, paroisse Saint-Sulpice, trouvé assis en son fauteuil, en une chambre au premier étage, ayant vue sur la rue, dépendante d'une maison située à Paris, susdite rue du Four, dont la damoiselle Mazeline est propriétaire; ledit sieur de Montalant étant en assez bonne santé de corps, mais très sain d'esprit et d'entendement, ainsi qu'il est apparù aux notaires soussignés par ses discours et actions. »

On voit par ce testament, ainsi que par un acte du 13 août 1737, que le ménage était arrivé, au cours des années, à reconstituer une petite fortune; en mourant, le mari de la fille de Molière laissait 30.000 livres de rentes, comme son beau-père. Sur ces 30.000 livres de rente, 500 seulement provenaient de Molière. Le légataire universel, Pierre Chapuis, par son mariage avec une Poquelin, fille de l'avocat Jean-Baptiste Poquelin, neveu de Molière, était petit-cousin germain d'Esprit-Madeleine.

Il me resterait, Messieurs, encore beaucoup de choses à rapporter relativement aux dix dernières années de la fille de Molière et aux quinze années de veuvage de son époux; comment, entre autres, un an avant de mourir, Claude de Rachel de Montalant, fit donation, aux Augustins d'Argenteuil, d'une chapelle qu'il avait fait construire à côté de sa maison, et consacrée au Saint-Esprit, en mémoire du patron de sa femme; mais ce serait vous entraîner hors Paris, dans la commune dudit Argenteuil. La discrétion me commande de m'arrêter ici, car j'imagine que tout ce qui se passe en dehors du VIe arrondissement doit, par définition, vous trouver insensibles.

Pierre-Paul PLAN.

LES ANCIENS CIMETIÈRES DE LA PAROISSE

SAINT-SULPICE

Les cimetières étaient une dépendance naturelle des églises paroissiales, et toutes celles de Paris, avant la Révolution, avaient leur cimetière attenant ou voisin. La paroisse de Saint-Sulpice en eut d'abord deux : l'un attenant à l'église, l'autre attenant à la chapelle de Saint-Pierre ou Saint-Père, où est aujourd'hui l'ancienne chapelle de l'Hôpital de la Charité.

Celui-ci, vers 1600, était divisé en trois parties. La première au sud de la chapelle, où est aujourd'hui un petit square, avait environ un demi-arpent. La seconde, qui en fut sans doute séparée par l'ouverture de la rue, dite en 1269 des Vaches, était à l'angle des rues Peyronnet et des Saints-Pères, au numéro 30 de cette dernière. La troisième, ou cimetière des Lépreux, était au coin est de la rue Taranne et de celle des Saints-Pères. Cette dernière partie servait aussi de cimetière à la maladrerie, appelée ensuite hôpital Saint-Germain, Petites-Maisons, PetitsMénages, dont l'emplacement est occupé par le square des Petits-Ménages ou du Bon-Marché. Après avoir servi à l'inhumation des malades atteints de maladies contagieuses, il fut réservé aux Protestants qui, vers 1600, étaient nombreux dans le Faubourg. Ils en disposaient en 1598, comme nous l'apprend l'édit de Nantes. Il leur fut sans doute in

suffisant, car ils s'emparèrent de celui qui était attenant à la chapelle : un arrêt du Conseil, rendu à la requête des paroissiens de Saint-Sulpice, les en déposséda le 4 mai 1604: la paroisse voulait continuer à y ensevelir les contagieux et ceux qui, par dévotion, désiraient une humble sépulture. I contenait, entre autres tombes, celle de Claude Arnauld, père d'Ant. Arnauld et grand-père du grand Arnauld, avocat au Parlement et procureur général de Catherine de Medicis. « Ce Claude Arnauld était premier commis de la Finance sous M. de Sully, et un jeune homme de grande espérance », dit l'Estoile en ses Mémoires. Il mourut le 21 mai 1602, âgé de 27 ans, selon Arnauld d'Andilly et de 29 ans moins 9 jours, suivant L'Estoile, qui rapporte sa mort au 14 mars 16c4.

Je me fus promener, par curiosité, au cimetière de ceux de la Religion, derrière Saint-Sulpice, qu'on appelle Saint-Père, pour y voir la belle tombe du feu trésorier Arnauld dont chacun parlait comme d'une chose nouvelle et inusitée entre ceux de la Religion, surtout en ce pays-ci. Cette tombe était d'un fort beau marbre noir, toute d'une pièce : elle était estimée deux cents écus ou environ, élevée d'un demi-pied de terre, et couchée de plus, autour de laquelle il y avait en lettres ce qui suit:

Cy gist noble homme Maître Claude Arnauld vivant conseiller et secrétaire du Roi, Couronne et Maison de France et des finances de Sa Majesté, Trésorier Général de France en la Généralité de Paris et ordonné par le Roi près la personne de M. le marquis de Rosny pour l'administration des Finances de Sa Majesté, sous le commendement du dit Seigneur.

Sur le milieu du marbre était gravée en lettres d'or cette inscription:

Passant, tu ne liras point ici les louanges de celui qui est sous ce tombeau sa.vie les a, comme immortelles, gravées

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dans le ciel, jugeant indigne qu'elles traînassent sur la terre. ·Quant à ce qu'il a été, tu le pourras apprendre de sa fortune: mais de sa vertu seule, ce qu'il méritait d'estre.

Moestissimus fratri plura non permisit dolor.

Au-dessous étaient gravées ses armoiries. Quinze jours ou trois semaines après, on couvrit de plâtre ce beau tombeau, de peur que la populace, envieuse de tels monuments, n'achevât de le gâter comme elle a déjà commencé, et ne le rompît tout à fait, comme on sut qu'il avait été délibéré de le faire en une nuit (1).

C'est sans doute en 1604, que les Protestants obtinrent en compensation la partie du cimetière de l'autre côté de la rue des Saints-Pères, aujourd'hui rue Peyronnet, qui s'appelait le cimetière des Huguenots. En 1682, lors de la révocation de l'édit de Nantes, il leur fut enlevé une moitié en fut donnée à l'Hôpital de la Charité qui en fut bientôt seul propriétaire, en achetant l'autre (2). En 1610, une transaction intervenue entre eux, l'Hôpital de la Charité, l'abbaye de Saint-Germain et la paroisse Saint-Sulpice, autorisait l'Hôpital à jouir de la chapelle et du cimetière, à charge de les entretenir et de payer un sol annuel de redevance (3). En 1613, l'ancienne chapelle fut remplacée par celle qui l'on voit aujourd'hui, qui fut consacrée, le 11 juillet 1620, par l'archevêque d'Embrun, sous l'invocation de saint Jean Baptiste. L'année précédente, Claude Villefaux avait donné l'alignement du mur dont le cimetière fut entouré. Le 10 août 1650, le curé de Saint-Sulpice se désistait, moyennant 18.000 livres, de tous les droits qu'il avait sur la chapelle et le cimetière.

(1) L'Estoile, Mémoire, 1741, tome III, 2o partie, p. 16-17.

(2) Cf. Ch. Read, Bulletin de la Société de l'Histoire du Protestantisme français, t. XII, p. 36, et Pannier, t. L V, p. 249.

(3) Archives Nationales, L, 766.

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Dans un ouvrage inédit qui appartient au séminaire de Saint-Sulpice, intitulé: « Lenouveau Temple de Salomon», Simonnet, son auteur, greffier au Parlement, qui l'écrivit en 1771, nous donne quelques renseignements sur ce cimetière.

« C'est dans cette paroisse, que fut inhumé l'illustre Baptiste Crocoëzon, natif d'Amiens, âgé de vingt-deux ans, le 20 mai 1537. Son histoire est des plus singulières: je n'ai pas voulu la laisser ignorer à la postérité. Il était écolier de l'Université de Paris, capitaine d'une troupe séditieuse d'écoliers, qui en 1537, par dépit contre les religieux de l'Abbaye, brûlèrent plusieurs maisons et en démolirent un très grand nombre. Ce Crocoëzon s'étant hautement vanté d'avoir été le premier à commettre cet excès, il fut arrêté et condamné à être brûlé au milieu du Pré aux Clercs, ce qui fut exécuté le 20 mai: par grâce, on l'étrangla..... Les écoliers qui avaient assisté à cette exécution, lorsqu'ils virent les archers et les gens de justice s'en retourner, dispersèrent le feu, en tirèrent les ossements de leur capitaine, etles portèrent dans l'église Saint-Pierre pour les faire inhumer avec décence. Et des deniers qu'ils avaient ramassés, leur piété en fit célébrer dans ladite église plusieurs messes pour le repos de l'âme de leur malheureux confrère. Il faut avouer que ce trait d'humanité et de religion est admirable chez des enfants. »

Le cimetière attenant à l'ancienne église Saint-Sulpice fut d'abord à l'ouest, devant la porte d'entrée. On en voit la croix, qui ressemble à lacroix dite des Bureau, au cimetière des Innocents, sur la vue bien connue de l'ancienne église Saint-Sulpice par Méryan. Un titre de 1269 le mentionne pour la première fois sous le nom d'Atrium Sancti Petri, l'aître ou ou cimetière; on dit encore l'aître de Saint-Maclou à Rouen. Mais il était beaucoup plus ancien : en 1724, on trouva, en creusant les fondations de la nouvelle église qui occupe son emplacement, deux tombeaux, dont le premier, dit Simonnet, portait une plaque de cuivre émaillé, re

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