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accompagnés de toutes sortes de figures populaires accordées avec les inscriptions suivantes :

Voila des petits pains tout chaut.
Motte à bruler à bruler.

Argent de mon gres.

Argent de mes gros fagots.
Noir à noircir.

Mes gros marons tout chaut.

La gazette d'hollande.

La cheminée du haut à bas.

Qui veut de l'eau.

Bon vinaigre verjus moutarda.

Belles pommes de renettes, belles pommes.

Acheptez mes beaux bouquets, la rose et le bouton pour les filles et le garçon.

A la chasse, à la chasse les macreaux, les gros.

Argent de mes petits paniers.

Vieille ferraille à vendre.

Argent des falourdes, pousse Colin tu auras des sabots neufs.

Huitres à l'écaille.

Pot au laict.

Á la mure, à la mure.

Le tout, installé avec goût, en des pièces largement éclairées sur le jardin, et silencieuses à souhait pour qui veut se recueillir afin de mieux admirer.

Charles SAUNIER.

LA FILLE DE MOLIÈRE ET SES SÉJOURS

DANS LE VI ARRONDISSEMENT

(Lecture faite à l'Assemblée générale
du 18 novembre 1921.)

MESSIEURS,

Entre tant de personnalités notoires ayant habité ce sixième arrondissement de Paris dont vous vous êtes donné la tâche d'établir les grandes chroniques, j'évoque la phisionomie discrète et jusqu'ici peu étudiée de Mlle EspritMadeleine Poquelin, fille de Molière.

Baptisée (1) le 4 août 1665, des prénoms de ses parrain et marraine, messire Esprit de Remon, marquis de Modène, et demoiselle Magdeleyne Béjart, elle venait de naître, entre la première représentation du Mariage forcé et celle de l'Amour médecin, dans cette maison où Molière fut domicilié durant toute sa vie conjugale (à l'exception des sept derniers mois, qu'il logea rue de Richelieu), et qui, tour à tour, est dite se trouver : rue Saint-Thomas-du Louvre, ou rue Saint-Honoré, ou place du Palais-Royal. L'immeuble, sans doute, avait plus d'une entrée, puisque les actes qui nous ont été conservés lui attribuent ainsi

A

(1) L'acte du baptême, retrouvé par Beffara dans les registres de la paroisse Saint-Germain-l'Auxerrois, a été publié pour la première fois par lui en 1821: Dissertation sur J.-B. Poquelin Molière, par L.-F. Beffara, ex-commissaire de police du quartier de la Chaussée-d'Antin, Paris, 1821, in-8°, p. 15. Il est reproduit page 474 du tome X du Molière de la << Collection des grands écrivains »>, où l'on indique par erreur les registres de Saint-Eustache au lieu de ceux de Saint-Germain-l'Auxerrois.

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indifféremment ces trois adresses. Il devait donc être le dernier immeuble de la rue Saint-Thomas, faisant l'angle de la rue Saint-Honoré, en face du Palais-Royal. La place actuelle du Palais-Royal était alors occupée par un îlot de maisons borné à l'ouest par la rue Saint-Thomas et à l'est par la rue Frementeau, cette dernière faisant face à ce qui est aujourd'hui le bâtiment des magasins du Louvre, et la rue Saint-Thomas, à l'actuel hôtel du Louvre qui occupe l'emplacement de l'hospice des Quinze-Vingts. L'îlot était terminé au nord par un château d'eau faisant face au Palais-Royal. Y avait-il une porte à côté de ce château d'eau? Elle justifierait à la fois les deux adresses : place du Palais-Royal et rue Saint-Honoré. Les plans que nous connaissons du Paris d'alors ne l'indiquent pas.

Sur l'un des actes auxquels il vient d'être fait allusion, on voit que la maison appartenait à un sieur Bruslon et qu'un des appartements occupés par la communauté Béjart-Molière avait vue sur la rue Frementeau (1); c'était celui qu'occupait au cinquième étage Marie Hervé, avec sa fille puînée, Geneviève Béjart, mariée en 1664 à Léonard de Loménie de Villaubon. Sur un autre acte, on constate que Madeleine Béjart habitait au quatrième étage et que sa chambre à coucher avait vue sur la cour (2). Nous savons d'autre part que Louis Béjart, le boiteux qui créa le rôle de La Flèche dans l'Avare, logeait également dans la même maison, qui était ainsi habitée par toute la famille de Marie Hervé, ses trois filles, son fils et ses deux gendres. Joseph Béjart, le fils aîné, était mort en 1669, dans un

(1) Eudore SOULIÉ. Recherches sur Molière et sa famille, Paris, 1863, in-8°, pièce XXXIII, contrat de mariage entre Léonard de Loménie et Geneviève Béjart (25 novembre 1664), p. 313, note.

(2) Ibid., pièce XLII, inventaire fait le 12 mars 1672 après le décès de Madeleine Béjart, p. 249.

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précédent logement de la même famille (1), quai de l'Ecole (aujourd'hui quai du Louvre.

Molière, de son côté, s'était créé à Auteuil un pied à terre, petit appartement de deux pièces avec cuisine, qu'il louait quatre cent-vingt livres par an et où il allait se délasser de temps en temps, mais qui n'était pas son établissement principal. Une tradition que je ne rappelle que pour mémoire et à laquelle il n'y a pas lieu d'accorder grande créance, le représente à un certain moment de sa vie, « accablé de chagrin et n'ayant point de plus grand plaisir qu'en sa maison d'Auteuil, où il avait mis sa fille ». C'est la seule allusion aux rapports de Molière et de son enfant que nous trouvions dans un écrit qui, d'ailleurs fort peu recommandable (2), n'est même pas contemporain, puisqu'il est postérieur à la mort de Molière. Elle ne signifie pas grand'chose, quand on sait qu'il ne s'agissait vraiment pas d'une « maison » mais d'un petit logement au second étage d'un immeuble de rapport. L'inventaire du mobilier fait en 1673, n'y mentionne du reste pas de lit d'enfant (3).

En 1673, à la mort du poète, sa veuve renonce à l'appartement de la rue de Richelieu, cède son bail (4) et retourne,

(1) E. SOULIÉ, ibid., p. 157, note 1, mentionnant le convoi de Joseph Béjart parti du quai de l'École le 26 mai 1659; et pièce XXVIII, quittance de Jeanne Levé à Molière, indiquant que le 13 mai 1659, Molière habitait également quai de l'École, « en la maison de l'image Saint-Germain», p. 201.

(2) La Fameuse Comédienne, ou Histoire de la Guérin, auparavant femme et veuve de Molière. Francfort, chez Franz Rottemberg, marchand libraire, 1688, in-12, p. 38. Il sera question plus loin de ce libelle dont les renseignements ne doivent être acceptés que sous bénéfice d'inventaire ; c'est bien le cas de le dire ici, puisque l'inventaire auquel il va être fait allusion vient controuver le détail cité.

(3) Eudore SOULIÉ, op. cit., pièce XLV, inventaire fait après le décès de Molière (à Auteuil, le jeudi 16 mars 1673), p. 282-285.

(4) Ibid., pièce XLVI, transport du bail fait par la veuve de Molière au comte de la Mark, p. 292.

1

pour peu de semaines, rue Saint-Honoré, chez sa sœur. A cette date, il ne restait, de toute sa famille, et toujours logée en la maison du sieur Bruslon, que Geneviève qui, veuve de Léonard de Loménie, s'était remariée l'année précédente, avec Jean-Baptiste Aubry, sieur des Carrières, paveur des bâtiments du roi.

Molière laissait en mourant une fortune de 30.000 livres de rentes, ce qui de nos jours, en représenterait probablement plus de 300.000. Il avait perdu deux garçons en bas âge, et sa fille, âgée de sept ans et demi, était són unique héritière. Enfant mineure, ayant en outre hérité un an auparavant de sa tante Madeleine Béjart, elle se trouvait sous la tutelle de sa mère qui avait l'usufruit des deux fortunes. On lui donna pour subrogé-tuteur son oncle André Boudet, veuf de Marie-Madeleine Poquelin, sœur de Molière. Malheureusement, ce protecteur ne devait pas tarder à mourir, au grand préjudice des intérêts matériels de la fillette.

Sur la foi seule d'un libelle diffamatoire (1) qui aurait dû pourtant, par son caractère tout à fait méprisable, être tenu en suspicion et dont il me semble que la critique ne devrait se servir qu'avec de grandes précautions, vous savez, Messieurs, que l'on a fait pour toujours la réputation d'Armande-Grésinde Béjart, femme de Molière. On admet comme faits certains diverses anecdotes qui ne sont en réalité rien moins que prouvées et dont la plupart pourraient bien, en somme, n'être que balivernes et calembredaines. Ce n'est pas ici le lieu de rechercher jusqu'à quel point il y aurait à en rabattre (2). Laissant de

(1) La Fameuse Comédienne, citée plus haut.

(2) Le moment n'est du reste sans doute pas encore venu de tenter de combattre une légende qu'ont si fort ancrée dans les esprits les visions

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