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succès n'avait pas adouci les angles de ce caractère revêche. S'il fut toujours strictement probe au point de vue scientifique comme nous l'avons dit, il ne chercha point à se concilier la sympathie des savants. Il est impossible de pousser plus loin qu'il ne fit la malveillance et même l'injustice à l'égard des travaux de ses confrères. Quand un jeune médecin venait le trouver pour chercher quelque approbation ou quelque réconfort auprès du maître, il n'était sorte de parole décourageante ou désobligeante qu'il ne trouvât pour lui répondre. Claude Bernard, qui fut son préparateur, nous dit lui-même qu'il commençait toujours par nier les résultats que venaient présenter les jeunes savants << C'est impossible; vous vous êtes trompé! ». Il fallait alors savoir résister et tenir tête; et seulement devant l'évidence, Magendie consentait à accorder quelque approbation et quelque considération à celui qui ne s'était pas laissé intimider. Mais malheur à celui qui se permettait de pousser ses investigations dans le domaine de la physiologie: Magendie s'était attribué cette science et n'entendait pas que qui que ce fût se permît d'empiéter sur ce qu'il considérait comme son domaine personnel; il entrait alors dans des colères qui allaient juqu'à l'exaspération. Lui-même, dans ses moments lucides, finissait par en rire et reconnaître qu'il était un vrai dogue ». Pourtant cet homme violent, sarcastique et amer savait se dominer quand il le voulait. Un jour que Claude Bernard travaillait avec lui dans son laboratoire et était occupé à une expérience de vivisection, comme il en faisait continuellement, un homme grand, sec, tout vêtu de noir, avec des culottes courtes et un vaste chapeau à larges bords qu'il ne retira pas fit son entrée demandant à parler à M. Magen

die. C'était un quaker. Le savant se nomma : « J'avais entendu parler de toi, dit le quaker et je vois qu'on ne m'avait pas trompé; car on m'avait dit que tu faisais des expériences sur les animaux vivants. Je viens te voir pour te demander de quel droit tu en agis ainsi et pour te dire que tu dois cesser ces sortes d'expériences parce que tu n'as pas le droit de faire mourir les animaux ni de les faire souffrir, et parce qu'ensuite tu donnes un mauvais exemple et que tu habitues tes semblables à la cruauté. »>

Magendie ne s'emporta pas et lui, le cinglant persifleur, ne railla point le quaker. Il répondit posément, prit la défense de la vivisection, exposa son but et ses résultats humanitaires et discuta, si bien que le quaker et le savant se séparèrent certes sans s'être convaincus mutuellement, mais sur le ton d'une parfaite politesse. Depuis son mariage pourtant, Magendie s'était un peu adouci et sa femme eut sur lui souvent une heureuse influence. Il recevait, et malgré son caractère difficile, avait su se faire des amis surtout parmi ceux qui n'étaient pas des concurrents. Quand il vint au quai Malaquais, en 1835, il était déjà membre de l'Institut et professeur au Collège de France. Il voyait alors assez de monde et était un homme tout à fait arrivé. Mais si ses amis avaient lieu de se féliciter de leurs relations avec le célèbre professeur, nous ne pouvons pas, en regardant le bel escalier que nous voyons encore, nous empêcher de songer à la mine déconfite de ces jeunes savants qui le descendaient après avoir trouvé auprès de leur maître l'accueil que

nous savons.

Magendie quitta le quai Malaquais en 1844 et vécut encore longtemps, car il ne mourut que le 7 octobre 1855,

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âgé de soixante-douze ans. Il était commandeur de la Légion d'honneur et avait été décoré à la suite de sa belle conduite lors du choléra de 1832. Quand on lui avait appris sa nomination de chevalier, il s'était contenté de répondre que cette décoration lui semblait «< assez bien placée ».

Pendant cette période où les Trutat possédaient la maison, nous citerons encore comme locataires Lenoir, marchand d'estampes que nous voyons apparaître dès 1810 ou 1811; en 1826, c'est sa veuve qui est en nom et en 1838, Lenoir neveu jusqu'en 1852. En 1845 la grande boutique est occupée par le libraire Labitte, et M. Vanin conseiller à la Cour vient habiter la maison. Quant à Magendie, il semble avoir été alors remplacé par le notaire Fourchy, titulaire de l'étude de l'entresol.

Les choses demeurèrent ainsi jusqu'en 1863. Mais Denis Trutat, l'acquéreur de l'immeuble, était mort depuis longtemps et son fils, Antoine-Henri-Amable, après avoir し cédé son étude à Fourchy et avoir fait de la politique, avait été député, décoré et était mort à Paris le 29 décembre 1849, laissant sa veuve, Hélène-Procule-Laure Lucas, légataire universelle en usufruit. Cette succession était compliquée; des enfants étaient nés qui figuraient comme ayants droit le 8 aôut 1863, la maison faisait l'objet d'une adjudication aux criées du tribunal avec mise à prix de 250.000 francs. Elle était ce jour-là adjugée à M. JeanBaptiste-Victor Lenormant, demeurant, 95, rue du Cherche-Midi, moyennant le prix de 296.050 francs. Nous relevons dans le jugement que le terrain a.430 mètres de superficie, dont 320 mètres bâtis, et qu'il est attenant à l'ouest à M. le marquis de Chavaudon, à l'est à M. Badin et au fond, au jardin du no 6 de la rue de Seine qui appar

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