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tillon. Quand plus tard la persécution eut cessé et que sa sœur Suzanne, la femme de Jean Gaston de Sibleras, le sergent aux gardes, fut rentrée en France, elle réclama les biens lui appartenant; mais il était trop tard et tout avait été aliéné par Jean Sézille qui, grâce à son zèle à servir le roi, avait obtenu le grade de major à la suite du fameux régiment de Champagne. Suzanne Sézille et son époux Sibleras furent outrés et il en résulta le procès que nous mentionnons et où les parties semblent échanger des récriminations sans aménité.

Telle était donc cette famille Sézille qui paraît bien être la même que celle de Nicolas Sézille, le trésorier général des offrandes, aumônes et bonnes œuvres du roi dont la veuve venait d'acquérir l'hôtel de Laubespine. Cette charge de trésorier général des offrandes implique une existence de bureaucrate que son titulaire exerçait jusque-là chez lui, rue des Lyons, paroisse Saint-Paul, près de la Bastille, car à cette époque beaucoup d'administrations n'avaient point de locaux officiels et fonctionnaient simplement dans la maison ou même l'appartement du titulaire qui en avait la charge. En 1737 l'Almanach royal indique M. Sézille, trésorier des aumônes du roi, comme habitant rue Saint-Honoré, mais l'année suivante, son adresse est rue Neuve des Petits-Champs, avec cet autre changement dans sa situation qu'il a un adjoint, Jules-Nicolas Duvau cel fils, lequel a obtenu la survivance de sa charge; or ce Duvaucel n'est autre que son gendre qui a épousé sa fille Marie-Angélique. Les choses restèrent ainsi jusqu'en 1746, mais le 4 février de cette année, M. Sézille mourait laissant seul titulaire. de sa charge, son gendre Duvaucel. Celui-ci, qui demeure rue Neuve des Petits-Champs, change de domicile

en 1749 et vient habiter quai des Théatins. Le quai des Théatins, c'est le quai Voltaire actuel, car il faut noter que, sous l'ancien régime, les confusions de noms étaient continuelles et notamment pour le quai des Théatins et le quai Malaquais qui font suite l'un à l'autre, de même qu'en remontant la Seine on trouve de très fréquentes confusions entre le quai Malaquais et le quai Conti qui se font suite également. Nous savons que Me Duvaucel sera plus tard propriétaire de la maison qui nous occupe et il est très possible que le nouveau trésorier des aumônes qui vint s'établir sur le quai vint bien dans la maison des Laubespine, quai Malaquais et non quai des Théatins, pour s'y installer avec sa jeune femme comme locataire en 1749 ou peut-être en 1748.

Lorsque la maison fut mise en vente en 1751, ce fut • la belle-mère de M. Duvaucel, Mme veuve Nicolas Sézille, qui l'acheta.

Au moment où se produisit l'acquisition dont nous venons de parler, la famille des acquéreurs menait un train élégant. Les Duvaucel étaient originaires d'Évreux; ils avaient des prétentions à la noblesse, ce qui est déjà quelque chose, et jouissaient d'une belle fortune. Le père, François-Jules Duvaucel, secrétaire du roi depuis 1728, était fermier général, seigneur de La Norville; il était mort le 12 octobre 1739, peu de temps après le mariage de son fils Jules-Nicolas avec Mlle Sézille, qui semble avoir eu lieu en 1737 (1). Les jeunes époux avaient l'un

(1) Un factum dont nous allons parler et qu'on peut dater de 1758 parle du mariage qui dure depuis vingt ans. De plus l'Almanach royal indique Duvaucel fils comme adjoint avec survivance à la charge de trésorier de son beau-père Sézille, depuis 1738. Voir aussi sur la famille, à la Bibl. Nat., dép. des Mss., Dossiers bleus, 659,

pour l'autre une sincère affection et le gendre semble avoir été dans les meilleurs termes avec sa belle-mère, Mme Sézille, puisque nous l'avons vu avancer de ses deniers les 1.200 livres de pot-de-vin payés au vendeur de la maison, le marquis de Laubespine.

Mais cette bonne harmonie ne devait pas, hélas ! durer longtemps. On était au temps où la Cour ruinait la France par ses prodigalités et où la France suivait l'exemple de la Cour pour se ruiner elle-même. C'était la marche à l'abîme et à la Révolution, mais nul alors ne s'en souciait. Le jeune ménage Duvaucel fit comme tant d'autres et se mit sur un pied très supérieur à ses moyens. Les choses allèrent vite, car dès 1755 il fallut ouvrir les yeux devant le déficit qui menaçait d'engloutir toute la fortune. Affection, tendresse, cordialité ne résistèrent pas à cette épreuve: Mme Duvaucel et sa mère, qui avaient trouvé leur époux et gendre charmant, n'eurent pas assez de sévérité pour lui et une instance en séparation de biens fut introduite. Ces dames, oubliant qu'elles avaient plus que personne contribué aux dépenses excessives de la maison, rejetèrent tout sur le malheureux Duvaucel qui souffrit cruellement du trouble de son ménage. Il laissa prononcer contre lui la séparation de biens par sentence rendue au Châtelet le 23 janvier 1756 et fut même condamné à restituer à sa femme 200.000 livres plus les intérêts. Il espérait qu'on s'en tiendrait là; mais quand il vit qu'on en venait aux voies d'exécution par huissier, il craignit de perdre sa charge dont il avait plus que jamais besoin et il se défendit.

C'est du factum publié alors par lui que nous tenons ces détails. Il demande la nullité de la procédure suivie contre lui, et pour cela dépeint la situation. Il se plaint

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