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tout le monde avait encore en mémoire la vie brillante et heurtée d'un oncle de son mari, Charles de Laubespine, l'ancien garde des sceaux, qui s'était mêlé à tant d'intrigues pendant la Fronde et avait tant défrayé la chronique scandaleuse par ses liaisons, notamment avec la reine des intrigantes, la duchesse de Chevreuse, dont il était vivement épris. Il était mort en 1653, mais, sauf le goût de la dépense, son neveu Charles ne lui ressemblait guère car l'ambition ne paraît pas avoir tenu grande place dans sa vie. Avec un nom comme le sien et même celui de sa femme, il pouvait prétendre à bien des charges, et pourtant nous ne le voyons qualifié d'aucun titre autre que des seigneuries; mais par contre nous savons qu'il avait déjà 40.000 livres de dettes au moment de son mariage (1). En tout cas la future se voyait constituer un douaire de 7.000 livres de rentes, ce qui était beau pour l'époque.

Après la mort du conseiller Antoine Loisel, survenúe le 4 janvier 1652 et celle de sa femme, Anne Le Boulanger, dont la date de décès ne nous est pas connue, la propriété de la maison du quai passa à Élisabeth Loisel, avant ou après son mariage avec Charles de Laubespine; mais dès lors, nous les trouvons tous deux habitant la maison, qui restera dans la famille, passant à leurs enfants et petitsenfants jusqu'au milieu du xvin siècle. Une déclaration de cens à l'abbaye Saint-Germain des Prés du 6 avril 1688 (2) nous apprend en outre qu'Élisabeth Loisel a dû à cet effet se faire autoriser en justice parce que, tout en

(1) Voir Factum pour Charlotte de Laubespine, duchesse de SaintSimon, demanderesse et défenderesse contre Messire Charles de Laubespine, marquis de Châsteauneuf, et dame Elisabeth Loisel, son épouse, défendeurs et demandeurs. Bibl. Nat. Recueil Thoisy, vol. 230. (2) Arch. Nat. S, 2837 (dossier du quai Malaquais). La maison y est cotée en 1688, 2 sols parisis et en 1702, 2 sols 6 deniers parisis.

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habitant la maison avec son mari, elle est séparée de biens d'avec lui. Le chiffre de 40.000 livres de dettes existant déjà le jour du mariage semble donc avoir plutôt augmenté que diminué. Plus d'un an après, en 1689, nous constatons encore leur présence quai Malaquais, sur les << Rolles de répartition du faubourg Saint-Germain en exécution de l'arrest du Conseil d'État du roi du 4 janvier 1689 », où nous voyons la maison mentionnée comme habitée par la propriétaire <«<et autres ». Donc il y avait aussi des locataires. La maison est cotisée alors pour 62 livres 16 sols 10 deniers par an (1).

La lecture du factum cité plus haut (2) nous fixe sur la situation de fortune du ménage. Cette pièce, datée de juillet 1685, nous apprend que la marquise d'Hauterive, la mère de Charles de Laubespine de Châteauneuf, a mis en vente le marquisat de Ruffec qui revenait à son fils. Charles, l'aîné de ses enfants, parce qu'il a des affaires en si mauvais état qu'il lui est impossible de conserver cette terre et ce titre et de fournir les « récompenses »>, comme on disait alors, à ses autres enfants. Charles de Laubespine et sa femme réclamaient, se basant sur leur contrat de mariage du 14 octobre 1655 et sur celui de leurs parents M. et Mme d'Hauterive, du 17 novembre 1631; mais la duchesse de Saint-Simon, la femme du célèbre chroniqueur, sœur de Charles de Laubespine, répondait par la plume de ses avocats Braquet et Commeau, que son frère était criblé de dettes, séparé de biens avec sa femme, et qu'il avait mangé d'avance tout ce qui devait lui revenir de sa mère (3).

(1) Bibl. Nat. Mss. Fr., 11695 (fol. 154 verso et 155).

(2) Bibl. Nat., Recueil Thoisy, vol. 230.

(3) Ce fut la duchesse de Saint-Simon qui demeura acquéreur du marquisat de Ruffec, le 14 sept. 1682, moyennant 500.000 livres.

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Charles de Laubespine et sa femme, toujours aux expédients, vécurent encore longtemps. Ce fut Élisabeth Loisel qui mourut la première sur sa terre de Varize, près de Chartres, le 22 septembre 1700; elle n'avait que cinquante-cinq ans, mais son époux lui survécut et ne 'éteignit qu'à l'âge de quatre-vingts ans, le 27 août 1716, sur cette même terre de Varize où il semble que ce ménage obéré s'était retiré pour louer sans doute la maisondu quai Malaquais et vivre plus modestement qu'ils n'avaient le goût de le faire à Paris. Nous savons du reste par une quittance de rentes sur l'Hôtel de ville signée de Charles de Laubespine et datée du 9 janvier 1698, qu'à cette date il donnait son. adresse rue des Marmousets, paroisse Saint-Pierre aux boeufs (1).

Du mariage de Charles de Laubespine avec Élisabeth Loisel un seul enfant était né: Louis-François de Laubespine qui porta le titre de marquis de Laubespine et épousa, le 12 mai 1710, Marie-Françoise de Beauvilliers, veuve de Jean-François de Marillac. Le marié apportait à sa femme la maison du quai Malaquais dont il avait hérité à la mort de sa mère, car dès le 4 mars 1702 il fait à l'abbaye de Saint-Germain des Prés une déclaration de cens en qualité de seul héritier d'Élisabeth Loisel, tant pour la maison du quai que pour une autre maison provenant de la même succession, située rue de Seine et occupée par le sieur Paris, apothicaire (2).

Louis-François de Laubespine eut deux fils: CharlesFrançois de Laubespine, dit le comte de Laubespine, venu au monde le 27 septembre 1719, et Jean-François-Honorat, dit le chevalier de Laubespine, qui naquit le 22 avril

(1) Bibl. Nat. Mss. Pièces originales, article « Laubespine ». (2) Arch. Nat. S. 2837.

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