Page images
PDF
EPUB

milles. Noyez-vous maintenant dans des larmes inutiles..... Avez-vous cru vous fouftraire à mon obéiffance? Avez-vous cru violer impunément le plus faint des devoirs ?... Tu l'as ofé; toutes tes démarches fe font trouvées fauffes; tu as été féduite, trompée, deshonorée ; & le Ciel t'en punit par l'abandon de ton père & fa malédiction. EUGENIE s'élançant vers le Baron, & le retenant à bras le corps.

Ah mon père! ayez pitié de mon défefpoir; révoquez l'épouventable arrêt que vous venez de prononcer.

LE BARON attendri la repouffe doucement.

Otez-vous de mes yeux: vous m'avez rendu le plus miférable des hommes. (Il fort).

SCENE IX.

Madame MURER, EUGENIE.

EUGENIE courant dans les bras de fa tante

AH, Madame ! m'abandonnerez-vous auffi ?

Madame MURER.

Non, mon enfant; écoutez-moi.

EUGÉNIE.

Ah! ma tante, venez, fecondez-moi: cou

rons nous jetter aux pieds de mon père,

im

plorons fes bontés, & fortons tous d'une odieuse maison....

Madame MURER.

Ce n'eft pas mon avis: il faut y refter au contraire, & écrire au Comte que vous l'attendez ici ce foir.

EUGENIE avec horreur.

Lui!... moi !... vous me faites frémir.

Madame MURER.

Il le faut. Il viendra, vous l'accablerez de reproches, j'y joindrai les miens; il apprendra que votre père veut implorer le fecours des loix : la crainte ou le repentir peut le ramener. EUGÉNIE outrée.

Et je ferais affez lâche après fon indignité..... Je devrais respecter un jour celui que je ne peux plus eftimer. J'irais aux pieds des autels jurer la fidélité au parjure, la foumiffion à l'homme fans foi, & une tendreffe éternelle au perfide qui m'a facrifiée. Plutôt mourir mille fois. Madame MURER fermement. Prenez garde, Mifs, qu'ici l'opprobre ferait le fruit du découragement.

EUGÉNIE au désespoir.

L'opprobre! m'en refte-t-il encore à redou ter? Dégradée par tant d'outrages, abandonnée de tout le monde, anéantie fous la malé

diction de mon père, en horreur à moi-même, je n'ai plus qu'à mourir. (Elle rentre dans fa chambre).

SCENE X,

Madame MURER feule la regarde aller,

Elle

Lle me quitte & n'écrit pas... (Elle se promène ). Un père en fureur qui ne connait plus rien; une fille au défefpoir qui n'écoute perfonne; un amant fcélérat qui comble la mesure... Quelle horrible fituation! (Elle rêve un mament). Vengeance, foutiens mon courage! Je vais écrire moi-même au Comte: s'il vient..... Traître, tu paieras cher les peines que tu nous causes!

U

Fin du troisieme Ačte,

JEU D'ENTR'ACTE.

N domeftique entre, range le Sallon, éteint le luftre & les bougies de l'appartement. On entend une fonnette de l'intérieur : il écoute, & indique par fon gefte que c'eft Madame Murer qui fonne. Il y court. Un moment après il repaffe avec un bougeoir alumé, & fort par la porte du veftibule;

il rentre fans lumiere fuivi de plufieurs domeftiques auxquels il parle bas, & ils paffent tous à petit bruit chez Madame Murer qui eft alors cenfée leur donner fes ordres. Les valets repaffent dans le Sallon, courent dehors par le veftibule, & rentrent chez Madame Murer par le même Sallon armés de couteaux de chaffe, d'épées & de flambeaux non allumés. Un moment après Robert entre par le veftibule une lettre à la main, un bougeoir dans l'au tre; comme c'eft la réponse du Comte de Clarendon qu'il rapporte, il fe preffe de paffer chez Madame Murer pour la lui remettre. Il y a ici un petit intervalle de tems fans mouvement, & le quatrieme Acte commence.

« PreviousContinue »