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La fréquentation constante d'auteurs d'ouvrages les plus divers, ainsi que la tendance de ses goûts, trop longtemps réprimés, fit de Boulard un écrivain polygraphe selon l'esprit du temps, se piquant de philosophie, d'une philanthropie sincère, quelque peu novateur et d'une grande fécondité. Il apprit, avec une aptitude singulière, plusieurs langues étrangères et publia nombre de traductions et quelques ouvrages originaux.

Partisan de réformes à introduire dans l'administration française, il fit, en 1789, précéder sa traduction du Tableau de la Société européenne dans son passage de la barbarie à la civilisation, de Gilbert Stuart, d'une préface dans laquelle il exprimait le vœu «< que les États généraux, près de se réunir, s'empressent d'adopter les mesures propres à faire disparaître les derniers vestiges de la féodalité en France ».

Pendant la Révolution, quoique religieux et riche, Boulard ne fut point inquiété : sa charité fut sa sauvegarde; et c'est avec un grand courage que, pendant la tourmente, il arracha plusieurs victimes à l'échafaud. Son ami Laharpe, décrété d'arrestation, se réfugia dans sa maison, où il trouva un asile sûr avant de pouvoir quitter Paris (1).

En 1800, le premier Consul, qui connaissait Boulard, fut sollicité de le nommer maire du XIe arrondissement de Paris (2); il accéda aussitôt à cette demande,

(1) Cf. Michaud, Biographie universelle ancienne et moderne, t. V; Mahul, Annuaire nécrologique (1825), etc., etc.

(2) Boulard fut le premier maire de l'arrondissement. Antérieurement, la XI municipalité avait pour administrateurs: Cubières, président,

et Boulard apprit sa nomination par le Moniteur (1). C'est en qualité de maire que, «< convaincu que rien n'était plus avantageux à la classe ouvrière des deux sexes que la connaissance et la pratique de l'art du dessin », il participa à la fondation d'une école gratuite de dessin, << à l'usage des jeunes personnes », dont la Gazette nationale ou Moniteur universel, du jeudi 30 thermidor an XI de la République (18 août 1803), relate ainsi l'inauguration.

« Le maire du XIe arrondissement a fait récemment l'ouverture d'une école gratuite de dessin à l'usage des jeunes personnes. Voici quelques traits du discours prononcé à cette occasion par le citoyen Boulard :

Cet arrondissement avait déjà l'avantage de posséder une école gratuite de dessin. Il nous manquait de voir ce bienfait étendu au sexe qui a le moins de ressources et sur lequel sa faiblesse et sa douceur doivent attirer notre sollicitude.

Une mère de famille (2), cultivant avec succès l'art de la peinture, a formé avec courage cette noble entreprise.

Des hommes de lettres, des savants et des artistes distingués (3), des citoyens amis des arts, des magistrats qu'on voit

aux ci-devant orphelins; Mérigot, quai des Augustins, 38; Sillan, rue Louis, 18; Jean Julien (de Toulouse), rue du Four, 293; Dumoulin, rue SaintSulpice, 560; Rousset, rue de la Huchette, 40; Gauthier, commissaire du pouvoir exécutif, maison municipale, rue Mignon; Denobre, secrétaire en chef et garde des archives, rue Cassette, 836; Salomon, chef de l'état civil, place du Temple de la Victoire, 548.

(1) Le siège de la mairie était alors rue Mignon, maison Nyon; l'arrondissement était formé des divisions des Thermes, du Luxembourg, du Théâtre-Français et du Pont-Neuf. Voici quelle était la composition de la municipalité Antoine-Marie-Henri Boulard, rue St-André-des-Arcs, 27, maire; Alexandre-Nicolas Lemoine, quai des Orfèvres; Hilaire Doloret, rue de Tournon, 1128, adjoints; Guillaume de Routhier (de Châlons), secrétaire, à la mairie; J-J. Buguet, chef du bureau de l'état civil, rue du Foin-St-Jacques, 291.

(2) Mme Frère de Montison.

(3) MM. Pougens, Mercier, Denon Peyre, Houdon et Bervic, de l'Insti

✰ut.

toujours s'empresser de favoriser tout ce qui peut être utile à leurs concitoyens, se sont montrés jaloux d'encourager les efforts de Mme de Montison, directrice de cette nouvelle école de dessin ouverte pour les jeunes demoiselles.

Enfin, une dame, connue par ses talents, par l'amabilité de son caractère et par son noble penchant à obliger (1), s'est empressée de venir embellir cette réunion en y faisant entendre les sons de sa lyre...

Puis, après un éloge de la peinture et une démonstration de son utilité pour les femmes, le citoyen Boulard s'écriait :

Remplissant alors les vues des vertueux fondateurs de cette nouvelle école, elles deviendront d'estimables mères de famille, qui joindront le charme des talents à celui des vertus, et elles réuniront ainsi les deux genres de mérites qui font le plus d'honneur à l'humanité! (2).

(1) Mme Fanny de Beauharnais (*).

(2) « Cette maison gratuite d'éducation pour quarante jeunes filles indigentes est située cul-de-sac Férou, près l'ancienne maison des Sœurs de la Charité-Saint-Sulpice. Elle a pour fondateurs plusieurs personnes distinguées par leurs bienfaits. » (Note du Moniteur). - Par la suite, cette école fut transférée rue de La Harpe; cour de Rohan, en 1809; rue de Touraine, 7 (rue Dupuytren), en 1814; elle est actuellement rue de Seine, 10 bis.

Certains biographes considèrent Boulard « comme le véritable fondateur » de cette école. Des documents que Mme Pierson-Brux, secrétaire de l'École nationale des Arts décoratifs, a eu l'amabilité de nous communiquer, il appert: que l'école de dessin pour les jeunes filles fut créée en 1802, par Mme la comtesse de Montison, née Turben, qui la dirigea jusqu'en 1829, époque à laquelle Miles Frère de Montison, ses filles, lui succédèrent; qu'elle fonctionna «< aux frais de la fondation » jusqu'en 1810; c'est alors que Joséphine de Beauharnais obtint que l'Empereur la portât sur sa liste civile, où Mme de Montison figura pour une somme annuelle de 3,000 francs.

Néanmoins, il semble apparaître de l'analyse de divers documents (Moniteur, Archives de l'École des arts décoratifs, Biographies, etc.) que Boulard, étant donnés ses sentiments philanthropiques et ses fonc(*) Notes du Moniteur.

Sté Hque DU VIo. 1904.

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La même année 1803 (an XI), Boulard fut nommé député du département de la Seine au Corps législatif; il faisait partie de la quatrième série renouvelable en l'an XV (1807), époque à laquelle il cessa, bien que réélu, d'appartenir à cette assemblée, le Sénat n'ayant pas ratifié le choix de ses concitoyens (1).

En 1804, Boulard fut remplacé à la mairie du XI arrondissement (2) par Jean-Philippe-Gaspard de la Bonnardière (3). « Nous n'avons pas besoin de dire dans quel sens fut constamment dirigée l'administration de M. Boulard, dit Duviquet; les habitants de ce quartier du faubourg Saint-Germain n'en ont pas perdu le souvenir. Bon et juste envers tous, c'était surtout envers les employés de la mairie qu'il aimait à se montrer sous les traits d'un père et d'un ami. «< Vingt fois, a écrit un témoin oculaire, M. Routhier, avocat à la Cour de cassation, vingt fois j'ai trouvé M. Boulard au milieu de ses employés, faisant l'expéditionnaire, les soulageant ainsi d'une partie de leurs travaux, et ménageant le temps des personnes qui se présentaient au bureau. « Ces braves gens, disait-il, << ne doivent pas perdre leur journée; j'ai quelque plaisir « à les servir : ils se souviendront de la bonne volonté << de leur Maire. »

tions municipales, a dû, dans une large mesure, prêter à Mme de Montison son appui moral et financier, et lui permettre ainsi de créer l'école, dont il peut, à juste titre, être considéré comme l'un des fonda

teurs.

(1) Cf. Duviquet, op. cit.

(2) Le siège de la mairie, était à cette époque, « rue du Vieux-Colombier, 765, près la Croix-Rouge ».

(3) Il demeurait rue Pierre-Sarrazin, 8. (Actuellement, et depuis 1805, cette maison porte le no 13).

A l'époque où Boulard abandonnait sa charge municipale, il était nommé troisième syndic de la Chambre des notaires de Paris; il remplit ces fonctions du 17 ventôse an XIII (7 mars 1804) au 1er frimaire an XIV (22 novembre 1805) (1).

A partir de 1807, il devint un des administrateurs du Lycée impérial, qui remplacait l'ancien collège Louis-leGrand; il conserva ces nouvelles fonctions jusqu'à la dissolution du conseil d'administration de ce lycée. L'année suivante, il céda son étude (2) à l'aîné de ses deux fils, qui la transféra rue des Petits-Augustins, 21 (3).

A l'occasion de sa retraite, la Chambre des notaires << voulut marquer par une démarche éclatante ses regrets et son estime pour le confrère qu'elle allait perdre. Une

(1) Archives de la Chambre des notaires de Paris. Cf. Registres des procès-verbaux.

Duviquet, op. cit., déclare qu' << en qualité de syndic de la Chambre des notaires, Boulard fut, sous le Consulat, appelé à une séance du Conseil d'État pour y donner son avis sur une des dispositions importantes du Code de procédure civile pour la partie relative au notariat Mais aucune trace de ce fait ne se trouvant relatée dans les Archives de la Chambre des notaires, il y a tout lieu de le croire erroné.

(2) Voici, de 1704 (les almanachs royaux antérieurs à cette date ne donnent pas la liste des notaires) à 1903, les adresses et les noms des titulaires de cette étude rue Saint-André-des-Arcs, vis-à-vis la rue Pavée : Louis Boisseau (1704), Sellier (1720), Boulard (1745), Boulard (A.) fils (1782); rue des Petits- Augustins, 21: Boulard (fils de A.) (1808), Defresne (1823), Defresne fils (1854); rue Saint-Dominique-Saint-Germain, 74: Merlin (1866); rue de Bourgogne, 37 bis Merlin fils (1894) et 23, même rue, depuis 1900.

(3) C'est la maison qui porte aujourd'hui le même numéro rue Bonaparte (au coin de la rue Visconti); elle occupe l'emplacement de la maison de Baptiste Androuet du Cerceau (Cf. Berty, Topographie historique du vieux París (Région du bourg Saint-Germain), Paris, 1876).

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