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tion de son jeune fils âgé de dix-huit ans en 1815. Il publia ainsi, en quinze années environ, 422 volumes, sans compter plusieurs romans historiques et une série de Lettres sur Londres et l'Angleterre qui parurent plus tard. Rentré en France vers 1830, Defauconpret est mort à Fontainebleau en 1843.

Pendant que l'ancien notaire de la rue de Buci s'illustrait ainsi dans la littérature, son étude s'éloignait de plus en plus de son berceau. De la rue de Seine, elle passa en 1826 sur la rive droite, rue Saint-Marc; elle est maintenant rue de la Chaussée d'Antin!

A côté du notaire, sous le même n° 33 en 1799, demeurait un avocat au Parlement nommé Pons, né à Verdun en 1759, qui eut une célébrité d'un autre genre. Il commença, tout en plaidant, par cultiver la poésie, fit paraître dans l'Almanach des Muses quelques pièces badines, et publia même, dès 1780, un volume intitulé: Mes loisirs ou poésies diverses. Puis, en 1789, il se lança dans la politique, fut nommé électeur du quartier et juge suppléant en 1790. Sa situation grandit bientôt; il fut chargé, en 1792 des redoutables fonctions d'accusateur public, et fut élu ensuite député à la Convention par le département de la Meuse. Il vota la mort du roi sans sursis, et son influence à la Convention ne fut pas sans porter ombrage à Robespierre. Il franchit pourtant ce mauvais pas, fit preuve de modération et de fermeté, fut réélu par deux départements en l'an IV, et devint, en 1799, Président du Conseil des Cinq-Cents. Nommé, sous le Consulat, avocat général à la Cour de Cassation, il y resta jusqu'à la Restauration. Mais alors, proscrit comme régicide, il se réfugia en Belgique où il reprit, faute de mieux, le culte des Muses. Rentré en France en 1819, il vécut dans la retraite jusqu'à

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AParis chez le Sejabin éditeur de cette Collection Place du Carrousel. N

sa mort survenue en 1843, la même année que son ancien voisin le notaire.

En 1792, justement à l'époque où Pons de Verdun quittait la rue de Buci pour aller se fixer rue Hautefeuille, il fut remplacé, au no 33 se transformant en no 404, peut-être dans le même logis, par un ancien avocat au Conseil, devenu aussi homme politique, mais destiné à une fin tragique. C'était Louis-Marie Guillaume, né à Paris en 1750, acquéreur en 1789, moyennant 68.000 livres, d'une charge d'avocat au Conseil du roi. Élu député de Paris hors murs, aux États-généraux et à l'Assemblée nationale, il y avait joué un rôle important de 1789 à 1791, notamment au sujet des mesures prises pour la suppression des offices ministériels. Il ne fut pas réélu en 1792, mais continua à s'occuper activement de politique. A la suite de l'insurrection du 20 juin et de l'envahissement des Tuileries, il organisa un vaste pétitionnement contre l'inertie de la Municipalité parisienne qu'il accusa d'avoir manqué à son devoir. Le 1er juillet 1792 il se présenta lui-même à la tête d'une députation pour remettre à l'Assemblée sa pétition pour laquelle il avait recueilli 20.000 signatures. Il fut accueilli par des murmures, des menaces, des dénonciations, et se vit sous le coup d'une arrestation imminente. C'est alors que quittant son domicile ancien de la rue du Battoir-Saint-André des Arts, il loua rue de Buci no 404, sous le nom d'un tiers, un appartement où il se réfugia secrètement avec sa femme et ses trois enfants. Cependant, en décembre 1792, il ne craignit pas d'adresser de nouveau publiquement à la Convention, une lettre signée de son nom, avec son adresse rue de Buci, pour demander «< que le procès de Louis XVI soit instruit devant un ou deux tribunaux et que le jugement soit porté au scrutin secret. >>

La Convention, dit le procès-verbal de la séance du 12 décembre, passa à l'ordre du jour. Guillaume eut alors la prudence de ne plus rien publier. En février 1794, il fut dénoncé néanmoins comme suspect, et apprit qu'il allait être arrêté; il s'enfuit alors à Saint-Mandé où il se cacha sous le nom de Grisart; mais, informé que sa retraite était découverte, il se suicida. Les scellés furent apposés sur les meubles de l'appartement de la rue de Buci, un sequestre fut nommé et la malheureuse veuve de Guillaume, avec ses trois enfants dont le plus âgé avait quatorze ans et le plus jeune cinq ans, se trouva dans une détresse profonde. Elle demanda conseil à son voisin le notaire Gasche, qui lui suggéra d'abord de faire procéder à un inventaire dont il se chargea et qui fut terminé le 17 ventose an III (1). On y remarque la description d'un riche meuble de salon en tapisserie d'Aubusson au petit point, des tableaux et objets d'art, une bibliothèque bien garnie, une garde-robe élégante, tous les vestiges d'un ancien luxe. La veuve Guillaume y fit une déclaration dans laquelle, après avoir relaté les tristes circonstances du suicide de son mari, elle ajouta : « C'est pour éviter une mort injuste publique qu'il s'est donné la mort. » Un mois après cet inventaire, le 27 germinal an III, un arrêté du Bureau du Domaine, signé de Guillotin, ordonna la levée du sequestre, et autorisa la veuve Guillaume à reprendre possession des meubles, titres et papiers du défunt, moyennant le paiement de 136 francs pour les vacations des commissaires et 90 francs pour les frais de garde des scellés.

L'appartement de la rue de Buci cessa d'être sous la main de la justice ou du Domaine.

(1) Minutes de Me Raffin notaire.

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