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Malicorne, et s'étendant de la rue de Buci à la rue des Boucheries.

Il résulte d'un acte de 1628 qu'à cette époque la maison existant déjà en cet endroit, était la demeure ou la propriété de Claude Vellefaux prenant la simple qualification de jurémaçon de la ville de Paris? Ce Claude Vellefaux était l'architecte qui avait construit l'hôpital Saint-Louis dont la première pierre avait été posée par Henri IV le 13 juillet 1607.

En 1673, le propriétaire était un sieur Damallier de la Folye qui en passait bail, pour la totalité, à Jean Lamiral maître sellier et carrossier. La maison, donnant sur la rue des Boucheries portait pour enseigne : Le Cygne (sic) de la Croix, ce qui indique qu'elle devait avoir la même origine que le terrain du no 13 désigné par la même enseigne. Jean Lamiral adopta pour son commerce une autre enseigne : La petite Bastille, qu'il accrocha au-dessus de la porte cochère donnant sur la rue de Buci, et dont on va voir cidessous la description.

En 1680, Damallier de la Folye, tombé, paraît-il, en déconfiture, fut forcé de faire abandon de sa propriété à ses créanciers, par acte notarié du 15 mars. Trois liquidateurs appelés en ce temps-là, Directeurs des droits des créanciers, Nicolas Angilbert avocat au Parlement, Léonard Hugot et François Piètrequin, vendirent l'immeuble, par contrat du 16 juillet 1681, à deux acquéreurs conjoints: Cléophas Hutreau maître brasseur et Jean de Beyne marchand de bois, moyennant un prix à fixer par experts. Le rapport des deux architectes experts, en date du 11 octobre 1681, nous décrit en détail le bâtiment à trois étages existant sur la rue de Buci avec sa porte cochère et son entrée de boutique. On y retrouve l'état actuel des lieux, sauf un entresol qui semble avoir disparu.

Jean Lamiral, principal locataire, avait édifié quelques constructions légères. Il prit soin d'en faire constater la valeur et d'en réclamer le remboursement en pratiquant une saisie sur le prix dû par les deux acquéreurs à la faillite de Damallier de la Folye. Deux experts furent de nouveau nommés et firent un rapport en date du 16 juin 1682 qui fixa à 302 livres la somme due à Lamiral, en donnant la description suivante de son enseigne :

Plus, nous avons vu l'enseigne qui est au-dessus de la porte cochère du côté de la rue de Bussy, qui représente deux carrosses, construite de deux ais et demi de bois de sapin contenant chacun 8 pieds et demi, à laquelle enseigne est écrit La petite Bastille carrosse à vendre et remise à louer, que nous avons estimée de la manière qu'elle est, la somme de 8 livres.

L'un des deux acquéreurs, Jean de Beyne que nous retrouverons plus tard ailleurs, céda sa part à son co-propriétaire au bout de peu d'années, et Cléophas Hutreau resta ainsi seul possesseur de la totalité. A la mort de ce dernier survenue en 1704, sa fortune passa à sa veuve et à ses trois enfants dont une fille mariée à François Cellier conseiller du roi, ancien contrôleur des rentes de l'Hôtel de ville.

De 1705 à 1756, se succèdent une série de partages et actes de familles entre les descendants de Hutreau restés propriétaires de l'immeuble donnant rue de Buci et rue des Boucheries, encore désigné par l'enseigne se modifiant ainsi tantôt Le Signe de la Croix, tantôt Le Cygne tout seul. Quant à La petite Bastille, il n'en est plus fait mention bien que ce soit toujours un sellier-carrossier qui occupe la plus grande partie des locaux.

En 1769, l'immeuble se divise passagèrement en deux

lots, qui sont mis en vente sur licitation entre les co-héritiers Hutreau. Le premier lot, comprenant la maison de la rue de Buci qui a conservé pour enseigne Le Cygne, est loué en principale location à Jean-François Liénard, maître sellier-carrossier, successeur de Germont qui avait succédé lui-même à Lamiral. Il est adjugé, moyennant 48.900 livres, à Jacques-François Cellier, avocat au Parlement, arrière-petit-fils de Cléophas Hutreau. Le deuxième lot, donnant sur la rue des Boucheries, a pour enseigne nouvelle Le Sabot d'or. Il est racheté par les époux Famin qui sont aussi des arrière-petits-enfants de Hutreau.

Mais, en 1777, Jacques-François Cellier étant mort sans enfants, ses biens reviennent à ses neveux, les époux et enfants Famin, si bien que, de nouveau, la propriété des deux maisons du Cygne et du Sabot d'or est réunie et appartient aux descendants de Hutreau. Elle resta dans cette famille jusqu'en 1825.

Dans l'intervalle, se produisirent les événements les plus intéressants de l'histoire de cette maison.

A une époque que nous ne saurions préciser, mais vraisemblablement peu d'années avant la Révolution, les ateliers de sellerie-carrosserie, installés à cette place depuis si longtemps, furent remplacés par une grande fabrique de papiers peints. C'était le fameux Anisson-Duperron directeur de l'imprimerie royale, qui avait pris à bail tout l'immeuble moyennant un loyer annuel de 4.000 livres et y avait établi pour son compte personnel cette entreprise particulière. Il y avait placé comme gérant un homme de confiance nommé François Gouron uniquement chargé de la direction de l'affaire au point de vue industriel et commercial.

Survint la Révolution. Anisson-Duperron, à la tête de nombreuses entreprises, avait une grosse fortune et demeurait le plus souvent dans son château de Ris près de Villeneuve-Saint-Georges. Là, quoique très généreux, il était, comme tout châtelain parisien, jalousé par les gens du pays. En 1789 et 1790, il aspira aux honneurs des élections municipales, puis chercha vainement à se faire nommer commandant de la garde nationale. Il ne réussit qu'à susciter contre lui des rancunes féroces dans cette petite commune de Ris qui avait pris le nom révolutionnaire de Brutus. En 1792, il fut dénoncé comme suspect et emprisonné. Son gérant de la rue de Buci, François Gouron, ayant tenté quelques démarches en sa faveur, fut aussi déclaré suspect et emprisonné. Le 25 avril 1793, tous deux comparurent ensemble devant le tribunal révolutionnaire, et, sans autres motifs, furent condamnés et exécutés le même jour (1). Le malheureux Gouron n'avait pas été accusé d'autre chose que d'avoir « sollicité les autorités constituées » pour «< soustraire Anisson au châtiment dont il était menacé » (2).

Tous les biens d'Anisson-Duperron furent confisqués et vendus publiquement. Sans parler de son château de Ris et de plusieurs immeubles dans Paris, il possédait une bibliothèque considérable contenant notamment sur l'imprimerie des ouvrages de grande rareté. Dom Poirier, ancien bénédictin et archiviste de l'Abbaye de Saint-Germain des Prés qui, sans s'émouvoir des événements politiques, ne pensait qu'aux salut des livres précieux, signalait à la Bibliothèque nationale le catalogue de la vente Anisson, et « les richesses litttéraires » qu'on « ne devait pas laisser passer

(1) Histoire du Tribunal révolutionnaire, par H. Wallon, t. III, p. 341 (2) Bulletin du Tribunal révolutionnaire, Affaire Anisson.

« à l'étranger ou enfouir dans des bibliothèques particu

lières » (1).

Le magasin de la rue de Buci contenait des monceaux de papiers qui n'avaient pas la même valeur, mais qui, cependant, offraient un certain intérêt artistique et commercial. C'était la collection, qui serait bien recherchée maintenant, des curieux papiers de tenture de l'époque. La vente en fut faite sur place par les soins de Richebraque commissaire du Bureau du Domaine, et dura cinq jours, du 23 au 27 vendémiaire an III (14-18 octobre 1794) (2). Des milliers de rouleaux de papiers vendus avec l'outillage, produisirent au total la somme de 30.592 francs, résultat assez médiocre, car les prix d'adjudication pouvaient sans doute être payés en assignats. Ce fut une bonne aubaine pour les marchands du quartier. Un d'entre eux, nommé Romain Ledoux, en profita particulièrement, car il obtint en outre, quelques semaines après, le 7 frimaire an III (27 novembre 1794), la cession du bail de la maison de la rue de Buci et y établit, à son tour, un important commerce de papiers peints où il gagna de beaux bénéfices.

En 1821, le Bazar parisien ou Annuaire raisonné de l'industrie, insérait la réclame suivante :

LEDOUX FILS, Papiers peints de la rue de Bussy, 17 (le no 15 actuel portait alors, depuis 1806, le n° 17, après avoir eu, sous la Révolution le n° 392).

Cette maison est l'une des plus anciennement établies, des mieux famées, et, en même temps, des plus importantes dans son genre. M. Ledoux se livre surtout à la fabrication des papiers de tenture pour appartements, depuis les qualités couran

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