Page images
PDF
EPUB

Au moment de la Révolution, ce papetier fut remplacé par un bonnetier. En même temps, dans la boutique voisine rue de Buci, vint s'établir en 1789 ou 1790, une banque fondée par un sieur La Cornée sous le titre de Caisse de commerce. Agé de vingt ans seulement, La Cornée avait imaginé une opération financière grandiose, déjà indiquée antérieurement par Bonvalet-Desbrosses, tendant à racheter les biens du clergé, à supprimer la dette publique et à créer une tontine qui devait faire rentrer 500 millions dans les caisses du Trésor. Pour commencer, il créa des billets de commerce de 25 livres, transmissibles par endossement et indéfiniment renouvelables moyennant une faible redevance. Une loi de 1791 ayant institué des brevets d'invention, La Cornée s'empressa d'en prendre un, et fit imprimer en tête de ses billets, d'abord: Par brevet d'invention, puis Par brevet du roi du 17 décembre 1791. La monnaie étant rare à cette époque, ces petits billets, revêtus d'une sorte d'estampille officielle, répondirent aux besoins du commerce, et la Caisse de la rue de Bussy eut un véritable succès. Le papier-monnaie de La Cornée circula dans tout Paris et même au-delà. Cependant l'établissement avait le grave défaut de manquer de fonds. En 1792, le jeune et heureux financier eut l'idée de s'associer à un groupe de personnages qui promettaient de lui apporter des capitaux, mais qui rêvaient aussi d'organiser avec lui une sorte d'agence royaliste, avec l'appui des princes émigrés. Le chef apparent de l'association était un ancien fermier général, Paul-Pierre de Kolly, honnête homme peu clairvoyant, derrière lequel agissait sa femme dominée elle-même par un intrigant cosmopolite nommé FrançoisAuguste Beauvoir qui lui avait inspiré une passion désordonnée. Au second plan, était un sieur Bréard,

ancien commissaire de la marine qui ne s'occupait que de la partie financière de l'entreprise. D'accord avec La Cornée, on décida de transporter la Caisse de commerce de la rue de Bussy sur la rive droite, rue d'Antin. Mais elle n'y vécut pas longtemps. Tous les associés furent dénoncés et arrêtés comme coupables de conspiration, sauf La Cornée qui échappa, nous ne savons comment. L'instruction, commencée en janvier 1793, fut longue; de nombreuses correspondances politiques et amoureuses furent saisies; enfin, le 3 mai 1793, Kolly, sa femme, Beauvoir et Bréard passèrent devant le Tribunal révolutionnaire et furent tous quatre condamnés à mort. Les trois hommes furent immédiatement exécutés. La dame de Kolly réussit à obtenir plusieurs sursis successifs sous le prétexte de prétendues grossesses qu'elle expliqua et tenta de justifier de la plus étrange manière; mais elle fut exécutée aussi le 4 novembre suivant (1).

Qu'était devenu La Cornée? Nous n'avons pu le découvrir. Quant à sa Caisse de commerce, elle s'était immédiatement effondrée, et ses billets de 25 livres, n'étant garantis par aucun capital, n'eurent aucune valeur. On en rencontre encore de temps en temps parmi de vieux papiers, avec les signatures de La Cornée et des endosseurs et l'adresse rue de Bussy près de celle de Seine (2).

Durant ces évènements, la maison avait continué d'appartenir aux Girardin qui la vendirent seulement le 30 floréal an III au citoyen Antoine Delamotte, lequel la céda, par acte du 2 décembre 1811, à son beau-frère nommé Verdys, bonnetier établi dans la boutique du coin.

(1) Voir Histoire du Tribunal révolutionnaire, par H. Wallon, t. I, p. 112 et suiv.; et Mme de Kolly, par Edmond Seligman.

(2) Coll. pers.

En 1827, le fonds de commerce de Verdys, occupant tout le rez-de-chaussée, passa à un sieur Cany, puis, en 1834, à M1 Guillaume Tel qui, à son tour, acheta l'immeuble, par acte du 2 avril 1840, le conserva jusqu'en 1893, et le laissa, en mourant, à ses enfants qui en sont restés propriétai

res.

N° 15.

Claude Vellefaux. - Le Cygne de la Croix. — La petite Bastille. Cléophas Hutreau et ses descendants. Anisson-Duperron. - Romain Ledoux.

Nous sommes devant une curieuse petite façade du XVIIe siècle, brique et pierre, n'ayant qu'une seule grande fenêtre par étage avec une étroite demi-fenêtre ajoutée d'un côté seulement, mais portant fièrement, au-dessus du troisième étage qui en paraît écrasé, un fronton triangulaire décoré de briques rouges. C'est une des rares maisons de la rue de Buci ayant un certain caractère architectural.

Au rez-de-chaussée, il n'y a que juste la place d'une porte cochère et d'une entrée de magasin. Mais, si l'on pénètre, on se trouve dans une sorte de long couloir s'élargissant peu à peu, puis faisant hache sur la maison du no 13, enfin se prolongeant jusqu'à peu de distance du boulevard Saint-Germain, le tout rempli de bureaux et de marchan

dises.

A l'origine, et pendant bien longtemps comme on va le voir, jusqu'en 1861, la maison portant actuellement le no 144 sur le boulevard Saint-Germain faisait partie de la même propriété. Ce fut, au xvi° siècle, un des lots de terrain formés par le morcellement des jardins de l'hôtel de

[graphic][subsumed][subsumed][subsumed][merged small][subsumed][subsumed][subsumed]

Rue de Buci Nos 13, 15, 17, 19.

« PreviousContinue »