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acte passé devant Quarré et Lecat, notaires, le 16 octobre 1661 (1), les trois Prémontrés susnommés acquirent les sept-huitièmes appartenant à la venderesse sur la propriété, moyennant 31.000 livres, dont 17.000 payées comptant par eux en qualité de « procureurs des Révérends Pères religieux, prieur et couvent de l'abbaye SaintPaul de la ville de Verdun, chanoines réguliers de l'estroite observance de l'Ordre des Prémontrés ». Le contrat décrivait ainsi l'immeuble vendu :

Une maison vulgairement appelée la Thuillerie et lieux en dépendans, située à Saint-Germain-des-prés au carrefour de la Croix rouge sur la rue du Chasse-Midy, et sur celle des Petites-Maisons, consistant en un corps de logis de deux travées de face, couvert de thuille et comble, égout sur le dit carrefour et sur la cour. Apliquée par bas de deux boutiques et encore à une autre boutique au lieu de laquelle a esté cy-devant et avant l'année 1648, une porte cochère mentionnée au décret d'adjudication faite au défunt René Chartier le 3 février 1627, et ayant son issue sur la pointe du dit carrefour de la Croix rouge, chambre au-dessus des dites boutiques et cour, et un autre logis contenant deux autres travées, aussi couvert de thuille et comble, apliqué à une boutique et un bûcher derrière, chambre et grenier au-dessus, montée (escalier) dans œuvre, appentis à l'un des côtés de la cour, une grande cour derrière, porte charretière servant pour l'entrée sur la rue des PetitesMaisons, deux auges à tramper les glaises et un puits,... un autre corps de logis d'un côté de la grande cour, - apliqué par bas à deux selleries... galetas, chambre, petit grenier,... une volée à pigeons,... au bout de la grande cour et sur une place étant au derrière, servant de présent à mettre seicher la thuille qui se fait audit lieu, une autre halle en appentis, et en retour de la dite place du côté de la rue des Petites-Maisons, un four,... et du côté de la place de derrière, un jardin sur la

(1) Arch. nat. L. 766. Prémontrés.

rue du Chasse-Midy et un autre jardin aboutissant à celui ci dessus etc... tenant d'un côté à ladite rue du Chasse-Midy d'autre à la rue des Petites-Maisons, aboutissant d'un bout en partie au sieur Boullanger maistre d'escolle, en une partie à la maison où sont demeurants les religieux anglais, et d'autre bout sur ledit carrefour de la Croix rouge...

On voit par cette description que, si la propriété du docteur Chartier méritait son nom de « la Thuillerie », puisqu'on y faisait encore des tuiles, elle était déjà en voie de transformation, comprenait plusieurs corps de logis et quatre boutiques, puis se terminait sur la rue du Cherche-Midi par deux jardins. Les locations toutefois n'étaient pas considérables, car il était stipulé dans l'acte de vente que les acquéreurs auraient la faculté de résilier les baux en cours, en payant aux locataires «< 500 livres. pour leur dédommagement ».

Les religieux prirent ce dernier parti et s'installèrent dans les locaux disponibles en attendant mieux. Puis, dès le mois de juin 1662, munis d'une autorisation des prieur et abbé de Saint-Germain-des-Prés, ils obtinrent des lettres patentes en vertu desquelles la nouvelle communauté fut régulièrement constituée, sous le vocable spécial de Prémontrés du Saint-Sacrement. Enfin, le 13 octobre 1662, un an, presque jour pour jour, après leur acquisition, la reine-mère Anne d'Autriche vint elle-même poser la première pierre de leur église, en leur faisant don de 10.000 livres pour sa construction. L'architecte choisi pour cet édifice fut François Dorbay, l'un des meilleurs élèves de Louis Le Vau, dont il devint le gendre, et dont il conduisit et acheva les travaux du Louvre et du palais des Quatre-Nations. La petite église ou chapelle qu'il édifia, et qui fut plus tard remplacée, comme on le verra, par

une autre beaucoup plus grande, paraît avoir été assez élégante, comme on en peut juger par une gravure du temps dont nous donnons ci-contre la reproduction. Elle fut rapidement construite, car, le 30 octobre 1663, il fut procédé en grande pompe à sa bénédiction. La reinemère vint encore, dit la Gazette de France, «< accompagnée de grand nombre de seigneurs et de dames, assister à la cérémonie en laquelle l'abbé Maruc fit la prédication avec beaucoup d'édification de son auditoire (1)

Les Prémontrés de la Croix Rouge, comme on les appela, se distinguèrent de leurs devanciers de la rue Hautefeuille par la stricte application de leur règle. Ils ne portaient que des vêtements de laine grossière, observaient le jeûne durant tous les jours de la semaine, se levaient à minuit pour les matines, puis à cinq heures pour les exercices pieux de la journée. Les moindres infractions étaient sévèrement punies. Comme ils étaient en même temps charitables et accueillants aux pauvres gens, ils devinrent bientôt populaires. On les saluait volontiers en reconnaissant de loin leur grosse robe de laine blanche et leur grand chapeau blanc, circulant dans les rues du faubourg.

Dès lors, d'année en année, le couvent prend plus d'importance et s'enrichit des dons des fidèles. En 1664, les Prémontrés, en bons administrateurs, s'empressent de payer à la veuve Chartier le solde de 14.000 livres en principal resté dû sur leur prix d'achat de 31.000 livres (2). Dans la même année, avec l'approbation de Dom Philibert, prieur de l'Abbaye, et de Me Henry de Bourbon, abbé commendataire, ils fondent une confrérie dite « de la

(1) Gazette de France, 1663, p. 1071. De Paris, le 3 novembre. (2) Arch. nat. L. 766. Prémontrés.

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FAÇADE DE L'EGLISE DES PREMONTRES SUR LA PLACE DE (d'après une estampe ancienne du Musée Carnavalet)

LA CROIX-ROUGE

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