Page images
PDF
EPUB

surgir bientôt le futur hôtel du ministère de la Police générale.

Ces frères « Saint-Jean-de-Dieu » ou « de la Charité >> étaient une institution assez nouvelle alors. Elle avait été fondée à Grenade vers 1540 par un Portugais dont la vie fut un véritable roman. Celui qui se fit appeler Jean de Dieu, Jean Ciudad de son vrai nom, avait été élevé avec mille soins et mille tendresses par des parents d'humble condition qui l'aimaient passionnément. La première chose qu'il fit, dès qu'il fut sorti de la petite enfance, fut de s'échapper de chez lui et de courir les aventures: sa mère en mourut de chagrin, son père se fit moine; lui se fit vagabond, berger, domestique, soldat, malandrin, colporteur, gardien d'aliénés, fagoteur, et enfin, touché de la grâce, fonda à Grenade sa première maison pour y soigner des malades. Il ne fut jamais prêtre, mais vit son œuvre encouragée par les princes et par le Saint-Siège. Il était mort depuis longtemps lorsque Marie de Médicis fit venir de Florence un certain Jean Bonnelli suivi de quatre autres frères. Ce furent ces cinq hommes qui, sur le terrain qui nous occupe, fondèrent l'hôpital de la Charité. L'emplacement en devait être changé, les frères devaient en abandonner plus tard la direction, mais ni l'œuvre ni la congrégation ne devaient périr, et l'une et l'autre sont encore florissantes de nos jours.

Ce n'était pas dès cette époque une petite affaire que d'établir un hôpital, et les formalités administratives ne manquaient déjà point. A la bonne volonté charitable de Jean Bonnelli, il fallut ajouter :

1° Les lettres patentes du roi, de mars 1602.

2o L'acte d'entérinement et de vérification desdites

lettres devant le parlement.

3o

Paris.

L'autorisation de Henri de Gondi, évêque de

Des lettres de Paulus Gallus, frère majeur de la congrégation, instituant Jean Bonnelli son vicaire général. 5o - Un exemplaire des constitutions et statuts de la congrégation.

6o

Un avis favorable après délibération du Bureau de la ville de Paris (1).

Le frère Bonnelli et ses malades ne devaient pas demeurer dans leur propriété du quai «< Malaquest » où ils s'étaient tout d'abord établis. Nous avons raconté dans un travail précédent (2) comment, en 1606, la reine Marguerite de Valois, la première femme de Henri IV ayant pris en aversion l'hôtel de Sens qu'elle habitait, à la suite du meurtre de son amant Saint-Julien, avait acquis tout le terrain du quai compris entre la rue des Saints-Pères et la rue de Seine pour s'y faire construire un superbe hôtel au coin de cette dernière rue et du quai. L'ancienne maison de Jean Bouyn englobée dans l'espace réservé au x futurs jardins, dut disparaître, et le 4 septembre 1608 (3), le frère Jean Bonnelli convenablement indemnisé par un échange avantageux, émigra avec son hôpital à l'endroit où il est encore aujourd'hui.

Ce coin de terre employé pendant des années aux besognes les plus charitables et les plus édifiantes par le frère Bonnelli et ses religieux, sanctifié par le dévouement des uns et la souffrance des autres, allait servir de champ à tous autres exercices, car la reine Margot allait continuer à y faire paraître combien sa piété, pourtant

(1) Registre des délibérations du Bureau de Ville, du 20 juin 1603. (2) L'hôtel de Transylvanie.

(3) L'assistance publique en 1900.

[ocr errors]

Paris, 1900, gr. in-4o, page 387.

sincère, était compatible avec la largeur de ses idées et la liberté de ses allures. Nous avons dit aussi comment, après sa mort survenue en 1615, le roi fit mettre en vente le bel hôtel de sa tante; nous avons vu surgir la société de spéculateurs, de Vassan, de Garsaulan, Pottier, Bryois, Le Barbier et Sandras acquéreurs de ce vaste domaine, et le 6 avril 1629 le partage attributif des lots de chacun.

La portion de terrain qui nous occupe, échut à Louis Le Barbier l'un des plus riches traitants de l'époque, par surcroît spéculateur de terrains et entrepreneur, dont nous avons aussi parlé antérieurement (1).

(1) Le n° 6 de la rue Bonaparte.

II

Construction de l'hôtel.

Deux contrats de travail; Nicolas Choualdin, maître-sculpteur et peintre, et Gilles Robert, maîtreserrurier. Aspect de l'hôtel Documents graphiques.

Jusqu'à présent, nous nous sommes occupés de ce qui a précédé l'hôtel qui fait l'objet de ce travail; maintenant nous allons le voir sortir de terre, grandir, se garnir, s'orner, se meubler et donner asile à des générations de princes, de grands seigneurs et de gens importants.

Louis Le Barbier, le richissime et vaniteux financier parvenu que nous connaissons, fut le père de cet hôtel. En prenant possession de son lot de terrain, il ne pensait pas, pour cette fois, faire une spéculation, et il voulut tout d'abord se faire construire un hôtel pour lui-même. Son amour du faste l'y poussait : le lieu sans doute lui plaisait, et puis c'était en face le Louvre. Deux pièces nous indiquent l'intention de Le Barbier de se fixer quai Malaquais : Ce sont deux marchés de travail passés devant notaire les 13 août et 21 octobre 1630 et dont les en-têtes ne laissent point de doute :

« Devis du manteau de cheminée de la grande salle du logis de Monsieur Le Barbier. Et premièrement :

Il convient faire la platte bande dudit manteau de cheminée de pierres de Liere; les deux janbages et les deux somniers dudict liere; ladicte platte bande aura neuf pied et demi de long, et de large a proportions du desseing qui sera aresté avec ledict Sr.

Les janbages auront cinq pied en long, et en large quatre pied

ou environ. Les somniers, trois pied ou environ.

La platte bande, les deux janbages et les deux somniers touts brustes.....

Plus pour la taille d'arquitecture....

105 #

100

#

Il convient faire les ornement et sculpture dessus ladicte platte bende jenbaige et somnière. À la platte bande y aura deux rinceaux de feuillage et deux aux somniere. Les quatre valent. Plus 4 quartoche et quatre devis (devises)... Plus pour lornement des deux janbages.. Pour la pose de ladicte platte bende.....

50 #

36 # 25 #

I 2

#

Il faut noter que soubz les janbage faut faire une fondation portes Denbas que ledict S fera faire. Faut aussy noter qu'il fault soubz la platte bende une bare de fer de 2 pouce en carré pour éviter la rupture que ledict sieur fera faire aussy.

Plus il fault faire la hoste et faux manteau de ladicte cheminée

ΙΟ #

30 # 50 #

Plus pour le plâtre pour faire l'arquitecture du dessus ladicte platte bende trois muid et demy. . . . . . Plus pour le masson qui fera ladicte arquitecture.

La Sculpture en plâtre

En la corniche il y convient 20 modelons ou consoles à dix solz pièce, le tout.....

10

#

Plus quatre quartoches et deux devis (devises) le tout..... 12 Les harmes (armes, armoiries) par en hault tenus par deux petit enfens. Le tout ce monte à..... 35 #

[ocr errors]

Plus pour douze piere de marbre sur le devent de ladicte cheminée....

Les masques et les quatre riciaux (rinceaux) de feuillage dalentour du cadre......

[ocr errors]

20

[ocr errors]

24

Plus pour une table de marbre dans la platte bande de deux pied huit pouce de long et treize pouce de large........... 9 Plus pour deux figures de platre de 4 pied ou environ chascune...

#

60 #

Fut présent en sa personne Nicolas Choualdin, maître sculteur et pintre à Paris, y demeurant rue neufve et par (oisse) St Médéric, lequel a recongneu et confesse avoir fet marché, promis et promet

« PreviousContinue »