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lettres patentes rendues par Henri IV en leur faveur, à l'instigation de Marie de Médicis. Berty nous apprend que cette princesse paya d'abord le loyer de l'immeuble, puis l'acheta le 4 janvier 1605 et en fit don aux Frères de la Charité, le 5 février suivant. Nous citerons ici une pièce qui prouve le fait. Dans le cueilleret des cens dus à l'abbaye Saint-Germain-des-Prés du 18 avril 1595 (1) (fol. 124) voici ce que nous trouvons :

<< .....

« Sur la rivière et ès environs :

« De Monsieur Bouyn, loyer pour une maison assise << sur ladite rivière tenant d'une part à

d'autre part à

d'un bout par devant

<< sur ladicte rue et d'autre bout par derrière au petit Pré<< aux-Clercs qui doibt de cens chacun an ledit jour « Sainct Remy XL sols parisis. Ceste maison est à présent << l'hospital appelé de la Charité. »

Cette pièce, sans no us arrêter à l'erreur qui cite Bouyn comme propriétaire en 1595, alors qu'il ne l'était plus depuis dix ans, semblerait de prime abord prouver que l'hôpital de la Charité existait en 1595, mais une mention à l'en-tête nous indique que nous n'avons en main qu'une copie du cueilleret de 1595 terminée en 1607 et sur laquelle on a relevé les mentions ajoutées en marge au cours des années.

Quoi qu'il en soit, dès le début du xviie siècle un hôpital tenu par les frères Saint-Jean-de-Dieu était installé au coin de la rue de la Petite-Seine absorbant tout le terrain du futur hôtel de Transylvanie et partie de celui où devait

(1) Arch. Nat. S. 3058 (registre).

surgir bientôt le futur hôtel du ministère de la Police générale.

Ces frères « Saint-Jean-de-Dieu » ou « de la Charité » étaient une institution assez nouvelle alors. Elle avait été fondée à Grenade vers 1540 par un Portugais dont la vie fut un véritable roman. Celui qui se fit appeler Jean de Dieu, Jean Ciudad de son vrai nom, avait été élevé avec mille soins et mille tendresses par des parents d'humble condition qui l'aimaient passionnément. La première chose qu'il fit, dès qu'il fut sorti de la petite enfance, fut de s'échapper de chez lui et de courir les aventures: sa mère en mourut de chagrin, son père se fit moine; lui se fit vagabond, berger, domestique, soldat, malandrin, colporteur, gardien d'aliénés, fagoteur, et enfin, touché de la grâce, fonda à Grenade sa première maison pour y soigner des malades. Il ne fut jamais prêtre, mais vit son œuvre encouragée par les princes et par le Saint-Siège. Il était mort depuis longtemps lorsque Marie de Médicis fit venir de Florence un certain Jean Bonnelli suivi de quatre autres frères. Ce furent ces cinq hommes qui, sur le terrain qui nous occupe, fondèrent l'hôpital de la Charité. L'emplacement en devait être changé, les frères devaient en abandonner plus tard la direction, mais ni l'œuvre ni la congrégation ne devaient périr, et l'une et l'autre sont encore florissantes de nos jours.

Ce n'était pas dès cette époque une petite affaire que d'établir un hôpital, et les formalités administratives ne manquaient déjà point. A la bonne volonté charitable de Jean Bonnelli, il fallut ajouter :

1° -Les lettres patentes du roi, de mars 1602.

2o L'acte d'entérinement et de vérification desdites.

lettres devant le parlement.

3o L'autorisation de Henri de Gondi, évêque de Paris.

4° - Des lettres de Paulus Gallus, frère majeur de la congrégation, instituant Jean Bonnelli son vicaire général. 5o Un exemplaire des constitutions et statuts de la congrégation.

6o

Un avis favorable après délibération du Bureau de la ville de Paris (1).

Le frère Bonnelli et ses malades ne devaient pas demeurer dans leur propriété du quai «< Malaquest » où ils s'étaient tout d'abord établis. Nous avons raconté dans un travail précédent (2) comment, en 1606, la reine Marguerite de Valois, la première femme de Henri IV ayant pris en aversion l'hôtel de Sens qu'elle habitait, à la suite du meurtre de son amant Saint-Julien, avait acquis tout le terrain du quai compris entre la rue des Saints-Pères et la rue de Seine pour s'y faire construire un superbe hôtel au coin de cette dernière rue et du quai. L'ancienne maison de Jean Bouyn englobée dans l'espace réservé au x futurs jardins, dut disparaître, et le 4 septembre 1608 (3), le frère Jean Bonnelli convenablement indemnisé par un échange avantageux, émigra avec son hôpital à l'endroit où il est encore aujourd'hui.

Ce coin de terre employé pendant des années aux besognes les plus charitables et les plus édifiantes par le frère Bonnelli et ses religieux, sanctifié par le dévouement des uns et la souffrance des autres, allait servir de champ à tous autres exercices, car la reine Margot allait continuer à y faire paraître combien sa piété, pourtant

(1) Registre des délibérations du Bureau de Ville, du 20 juin 1603. (2) L'hôtel de Transylvanie.

(3) L'assistance publique en 1900.- Paris, 1900, gr. in-4o, page 387.

sincère, était compatible avec la largeur de ses idées et la liberté de ses allures. Nous avons dit aussi comment, après sa mort survenue en 1615, le roi fit mettre en vente le bel hôtel de sa tante; nous avons vu surgir la société de spéculateurs, de Vassan, de Garsaulan, Pottier, Bryois, Le Barbier et Sandras acquéreurs de ce vaste domaine, et le 6 avril 1629 le partage attributif des lots de chacun.

La portion de terrain qui nous occupe, échut à Louis Le Barbier l'un des plus riches traitants de l'époque, par surcroît spéculateur de terrains et entrepreneur, dont nous avons aussi parlé antérieurement (1).

(1) Le n° 6 de la rue Bonaparte.

II

Construction de l'hôtel.

Deux contrats de travail; Nicolas Choualdin, maître-sculpteur et peintre, et Gilles Robert, maîtreserrurier. Documents graphiques.

Aspect de l'hôtel

Jusqu'à présent, nous nous sommes occupés de ce qui a précédé l'hôtel qui fait l'objet de ce travail; maintenant nous allons le voir sortir de terre, grandir, se garnir, s'orner, se meubler et donner asile à des générations de princes, de grands seigneurs et de gens importants.

Louis Le Barbier, le richissime et vaniteux financier parvenu que nous connaissons, fut le père de cet hôtel. En prenant possession de son lot de terrain, il ne pensait pas, pour cette fois, faire une spéculation, et il voulut tout d'abord se faire construire un hôtel pour lui-même. Son amour du faste l'y poussait : le lieu sans doute lui plaisait, et puis c'était en face le Louvre. Deux pièces nous indiquent l'intention de Le Barbier de se fixer quai Malaquais : Ce sont deux marchés de travail passés devant notaire les 13 août et 21 octobre 1630 et dont les en-têtes ne laissent point de doute :

« Devis du manteau de cheminée de la grande salle du logis de Monsieur Le Barbier. Et premièrement :

Il convient faire la platte bande dudit manteau de cheminée de pierres de Liere; les deux janbages et les deux somniers dudict liere; ladicte platte bande aura neuf pied et demi de long, et de large a proportions du desseing qui sera aresté avec ledict Sr.

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