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« L'an mil cinq cens quarante, le lundi vingt-sixiesme jour d'avril (1).

Ces trois personnages étaient loin d'être les premiers venus François Olivier appartenait à une grande famille parlementaire; il fut chancelier de France. La reine de Navarre, Marguerite d'Angoulême, sœur de François Ier, le protégeait ouvertement, et dans une lettre de cette dernière au roi, de 1534, nous les voyons elle et lui mêlés à une intrigue de cour pour faire épouser à François de Bourbon, protégé du roi, Mlle d'Estouteville qui résiste. Il était le magistrat complaisant, l'homme de la cour et, lors de la découverte de la conjuration d'Amboise, Vieilleville, dans ses mémoires, lui prête un vilain rôle il aurait alors soutenu cette thèse que le roi n'était point tenu par sa parole donnée à des rebelles. Toujours est-il qu'après l'exécution des condamnés, il tomba en une profonde mélancolie et mourut peu après, le 30 mars 1560, laissant d'Antoinette de Cerisay, sa femme, plusieurs enfants. Sa pompe funèbre fut magnifique et eut lieu à Paris les vendredi 26 et dimanche 28 avril 1560, à trois heures de relevée.

:

Il fut porté en grande pompe à Saint-Germain-l'Auxerrois où l'évêque de Paris officia; tout le corps de ville à cheval, vêtu de noir, suivait, ainsi que le Parlement; il était escorté d'archers et d'arquebusiers portant des torches, de crieurs et de deux cents pauvres en deuil portant aussi des torches garnies d'écussons aux armes du défunt (2). Son successeur fut l'illustre Michel de l'Hospital. André Guillard, sieur du Mortier, lui aussi était une no

(1) Archives Nationales S. 2837 (Papiers de Saint-Germain-des-Prés. Dossier Quay Malaquais).

(2) Registres du Bureau de Ville (Histoire générale de Paris).

tabilité fils d'un président au parlement et de Marie de Vignacourt, il avait été admis au conseil de ville le 7 août 1534 en remplacement de son père démissionnaire. Il avait en outre quitté ses fonctions de conseiller au Parlement lorsque, le 20 décembre 1532, il avait été pourvu de la charge de maître des requêtes de l'hôtel. Nous le trouvons en 1538, membre de la députation chargée de présenter au roi les remontrances de la ville; de 1542 à 1544, prévôt des marchands. Il avait rempli diverses missions ou ambassades importantes et notamment en 1547 auprès du Saint-Siège. Enfin, en 1553, lors de la régence de Catherine de Médicis, alors qu'Henri II s'en allait rejoindre les princes de la ligue d'Allemagne contre Charles-Quint, il s'était vu désigner par les lettres patentes du 15 août comme l'un des trois personnages adjoints à la régente pour diriger le royaume concurremment avec elle. Il devait mourir conseiller d'état dans un âge avancé (1).

Quant à Pierre Perdrier, sieur de Baubigny (et non de Chauvigny comme dit l'acte précité), greffier de la ville de Paris, s'il est de moindre envergure que ses deux associés, en revanche il est plus remuant, plus actif: le 18 août 1536, le président Augustin de Thou résigne en sa faveur son office de conseiller de ville, et tout aussitôt nous le voyons entrer en scène, faisant partie de toutes les députations, s'occupant de matières fiscales et allant volontiers porter au roi des remontrances à ce sujet; il se mêle de tout, s'insinue dans les intrigues de personnes, dans toutes les nominations qui se font, dans tous les dessous de la politique municipale; tant et si bien que, dès le 15 août 1537, il se fait vertement blâmer par une lettre du roi : « Vous vous êtes, dit la lettre, ingéré de faire et dresser mande

(1) Lettres de Catherine de Médicis et Registres du Bureau de Ville.

mens pour procéder à l'élection des échevins d'icelle ville encore qu'il vous eust esté inhibé et deffendu de ce faire, faisant oultre cela plusieurs menées et praticques qui sont de très mauvaise et pernicieuse conséquence et importance... » Et la lettre royale finit par de sévères menaces s'il recommence. Pierre Perdrier se fit humble et dut demander pardon.

Il garda son office de greffier jusqu'au 27 avril 1552, où il le résigna pour cause de santé.

Quant à l'attribution de cet acte cité plus haut à la portion de sol qui nous occupe, il ne semble pas qu'il puisse y avoir de doute, car nous avons relevé en marge une mention d'une écriture beaucoup plus moderne et qui par sa teneur la fixe à la fin du XVIIIe siècle. Elle émane de l'agent même de l'abbaye Saint-Germain-des-Prés, chargé de dresser ou contrôler les rôles des cens et rentes dus à l'abbaye. Voici cette mention :

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Appliqué à :

Quai Malaquest: M. de Juigné, M. de Bouillon, M. de Mandat, M. d'Hargicourt.

<< Rue des Saints Pères: M. Michel.

<< Rue des Petits Augustins: M. Delaborne. >>

Nous voilà donc fixés au moins sur ce point que le lieu dit l'Écorcherie s'étendait au moins jusqu'à la rue Bonaparte.

Mais nous ne pouvons passer outre sans signaler que nous sommes ici en contradiction avec Berty et Tisserand qui ont vu la pièce que nous venons de citer et qui soutiennent que l'application des droits de cens aux propriétaires mentionnés en marge, est certainement le résultat d'une erreur (1). Nous croyons que c'est au contraire (1) T. I, p. 198, note.

chez ces deux auteurs, pourtant si sûrs dans leurs travaux et si dignes de foi, qu'il y a eu confusion, car ce qu'ils reprochent en toutes lettres à cette application, c'est de porter sur les propriétaires des terrains sis entre les rues de Seine et des Petits Augustins. Pareille application serait évidemment erronée, mais elle n'a jamais été faite, et les noms de MM. de Juigné, de Bouillon, de Mandat, d'Hargicourt, Michel et Delaborne, le prouvent surabondamment. Il est évident que s'ils ont cherché ces noms parmi les propriétaires entre la rue Bonaparte et la rue de Seine, ils ne les ont pas trouvés. Ce qui est probable c'est que, au fur et à mesure que l'on construisait sur le Pré-auxClercs, la voirie des chevaux, l'Escorcherie était repoussée de plus en plus loin (1).

Il ne semble pas du reste que François Olivier, André Guillard et Pierre Perdrier aient profité eux-mêmes de leur location et en aient exécuté les clauses en faisant bâtir, car nous n'en avons point rencontré d'autres

traces.

Les documents que nous citons et l'examen de quelques autres qui se réfèrent aux emplacements voisins et qui se trouvent dans les papiers de Saint-Germain-des-Prés suffisent pour nous donner la physionomie de cette partie du Pré-aux-Clercs qui va bientôt être Paris.

Ce sont de vastes espaces bas et dénudés, des terrains

(1) Berty et Tisserand reproduisent même en entier l'acte en question dans les pièces justificatives du tome IV de leur Topographie historique, page 204, et là une nouvelle confusion se rencontre. Ils donnent comme preuve de la situation de l'écorcherie, quai Voltaire, le registre de cens où figure l'hôtel de Morstin « tenant d'une part à M. de la Basinière », reconnaissant d'ailleurs parfaitement que l'hôtel de Morstin s'élève sur l'emplacement de l'Ecorcherie. Or l'hôtel de la Basinière n'est autre que l'annexe de l'Ecole des Beaux-Arts.

vagues, défoncés par endroits par les ornières des charrettes qui viennent s'y débarrasser de leurs gravats et ordures. Un peu plus loin, c'est la voirie des chevaux où l'on dépèce les animaux morts avec sa boue sanglante et ses détritus nauséabonds.

A peu près à la place de l'École des Beaux-Arts ou de l'hôtel de Chimay, des vestiges de constructions abandonnées marquent l'endroit où François I a commencé à faire bâtir l'hopital de la Charité pour y recueillir les lépreux et autres contagieux, d'où ce nom de « Le Sanitat »><; et tout autour ce sont les trous et les aspérités que laisse un chantier de construction arrêté en cours de travaux. Çà et là quelques masures qui disparaîtront sans laisser de traces et qui se font de plus en plus rares à mesure qu'on s'éloigne de la porte de Nesle. Près du rempart, où s'élève maintenant l'Institut, les constructions sont plus rapprochées, plus importantes. Nous avons vu qu'il y avait en 1578 au bord de la rivière une maison assez convenable pour servir de logis à l'ambassadeur d'Angleterre ; il y en a d'autres. Au milieu du xvi° siècle, la rue des Marais (rue Visconti) existe déjà, et des auberges s'y élèvent qui servent de lieu de conciliabule aux huguenots. Mais en tirant vers l'ouest les terrains vagues reprennent, sales, pelés, peu sûrs. Des malandrins y rôdent, on s'y bat en duel, c'est quelque chose qui doit ressembler à cette plaine d'Issy-les-Moulineaux qu'on voit encore aujourd'hui, dans sa partie non construite.

L'Université a beau réclamer pour ses écoliers qui ont, dit-elle, le droit d'y établir le siège de leurs ébats, le mouvement est donné, et les abbés de Saint-Germain-des-Prés trouvent qu'il est temps de mettre en valeur ces vastes terrains et de les donner peu à peu à bail à charge de

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