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M. ALEXANDRE DE HAYE

M. Alexandre de Haye, président honoraire du Comité C qu'il avait présidé effectivement pendant plusieurs années, est mort le 19 mai 1910, après quelques jours de maladie, dans sa 85 année. Il portait son grand âge avec une étonnante verdeur, et à la condition de s'abstenir des sorties du soir, ce qui le tenait éloigné de nos réunions, il jouissait d'une santé excellente; par l'allure et par l'esprit, il avait toutes les apparences de l'homme en pleine maturité.

Né à Paris le 14 février 1826, Alexandre de Haye fut d'abord poussé par ses brillants succès universitaires vers la carrière de l'enseignement. Après avoir professé dans diverses institutions, au collège Stanislas, puis à Fontainebleau où il s'était réfugié lors de la guerre de 1870 et où les amitiés qu'il s'y était créé le ramenaient chaque année, notre collègue s'adonna à l'étude de la Législation comparée et de l'histoire. La connaissance des langues étrangères, notamment de l'anglais, s'alliait chez lui à un profond respect de la langue française et donnait à tous ses ouvrages, œuvres originales ou traductions, une tenue littéraire qui augmentait leur mérite. La Société de Législation comparée l'avait nommé vice-président de la section anglaise. L'Académie des Sciences morales et politiques l'avait admis à lire devant elle des fragments du grand ouvrage qu'il préparait sur le général Desaix et dont quelques-uns ont été publiés.

Pour rester dans le cadre restreint de notre Société, je rappellerai seulement le talent avec lequel M. Alexandre de Haye dirigeait le Comité qui l'avait placé à sa tête. Il présidait avec l'autorité que fait acquérir le professorat, avec l'aménité qu'il tenait de sa distinction native. Pour se rendre compte de la sympathie qu'il a su inspirer, au cours de sa longue carrière, il a suffi de voir se presser, autour de son cercueil, ses nombreux collègues, ses anciens élèves, dont beaucoup restés ses amis étaient déjà des vieillards, tous ceux enfin à qui il avait été permis d'apprécier son mérite, son esprit et l'étendue de ses connaissances.

Ce n'est pas l'âge des amis qui rend moins vif le chagrin. de les voir disparaître. La séparation n'est-elle pas encore plus cruelle lorsque la mort brise le lien conjugal entre époux qui ont célébré leurs noces d'or? M. et Mme de Haye avaient eu cette joie, dont le souvenir n'allège pas la douleur éprouvée par Mme de Haye. Qu'elle reçoive du moins l'expression de nos sincères et respectueuses condoléances, et que la pensée des longues années de bonheur qu'elle a données à son mari lui soit une consolation dans le malheur qui vient de la frapper.

M. GEORGES MONVAL

M. Georges Monval, qui vient de mourir le 28 juin 1910, était, comme M. Alexandre de Haye, l'un des fondateurs de la Société historique du VI arrondissement. Il était resté membre honoraire de notre Comité, lorsque l'affection de la vue dont il était atteint l'avait obligé d'abandonner sa collaboration.

Georges-Hippolyte Mondain, dit Monval, fils et frère de colonel, était né au Monceau, près Avon, le 1er avril 1845. Ses biographes ont noté qu'il fut d'abord avocat : ce qui témoigne de bonnes études classiques. Mais la notoriété lui vint lorsque, sous le nom de Monval, il aborda l'art dramatique au théâtre de l'Odéon après avoir suivi les cours du

Conservatoire. De l'Odéon, dont il écrivit l'histoire, Monval passa à la Comédie-Française, en qualité d'archiviste, puis de secrétaire du Comité et de bibliothécaire.

En 1879, il avait fondé Le Moliériste, revue consacrée à l'étude de Molière, et pendant dix ans, il publia sur l'illustre comique ou à propos de lui, des travaux du plus grand intérêt, qui l'ont classé au premier rang des historiens du théâtre. Monval avait une vaste lecture et une mémoire extraordinairement fidèle, que l'exercice de sa profession avait fortifiée. Comme il était l'obligeance même, il était toujours prêt à répondre aux demandes de renseignements que lui adressaient ses collègues, et même au temps où ses yeux fatigués lui refu saient tout service, sans avoir besoin d'en référer aux textes qu'il ne pouvait plus lire, il mettait dans ses réponses l'exactitude et la précision qui étaient la marque de son talent. Que de fois, dans nos réunions du Comité, l'avons-nous entendu ramener à l'interprétation stricte des documents ceux de nos collègues qui se laissaient trop facilement entraîner par leur imagination!

Monval aimait l'érudition, parce qu'il aimait la vérité. Il lui a donné son temps, ses forces, sa santé; il lui a même donné ce qu'il avait de plus cher, puisqu'il a dirigé son fils vers l'École des Chartes et l'a préparé à être son digne successeur. C'est comme érudit, comme moliériste, que Monval laissera un nom honoré notre Société restera toujours

fière de l'avoir vu penché sur son berceau, d'avoir reçu ses conseils et ses encouragements et de l'avoir compté au nombre de ses collaborateurs.

F. H.

HISTOIRE D'UN COIN DU PRÉ-AUX-CLERCS

ET DE SES HABITANTS. DU MANOIR DE JEAN BOUYN A L'ÉCOLE DES BEAUX-ARTS

I

Le Sanitat, la Charité, l'Escorcherie.

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François Olivier, André Guillard, et Pierre Perdrier. — Jean Bouyn et son fils. Les frères Saint-Jean de Dieu et l'hôpital de la Charité. La reine Marguerite. Le lotissement de 1629. Le traitant Louis Le Barbier.

La façade de l'École des Beaux-Arts sur le quai Malaquais n'est pas ancienne. Il est encore beaucoup de gens qui se souviennent de l'avoir vu construire. Jadis, sur cet emplacement, s'élevait un somptueux hôtel qui disparut en 1845, après avoir porté successivement les noms de ses propriétaires illustres et qui, pendant la révolution et l'empire fut le Ministère de la police générale. C'est l'histoire de ce coin de terre que nous cherchons à reconstituer.

Nous sommes sur le commencement du grand Pré-auxClercs, mais pour trouver ce pré à l'état de prairie verdoyante et fleurie, il faut remonter loin. Dès le xvi° siècle, nous y trouvons des constructions d'abord légères, éphémères, près des remparts, sur le petit Pré-aux-Clercs, puis plus soignées, suffisamment confortables même pour

qu'en 1578 l'ambassadeur d'Angleterre y ait installé sa demeure habituelle.

D'après le plan restitué de la paroisse Saint-Sulpice publié dans la topographie historique du vieux Paris de Berty et Tisserand, tout l'espace du quai compris entre la rue Bonaparte et la rue des Saints-Pères s'appelait le Sanitat, ou la Charité. L'Ecorcherie était un peu plus en aval et comprenait tout le coin du pâté de maisons entre la rue des Saints-Pères et la rue du Bac. Nous croyons qu'une distinction si nette n'existait pas en réalité, et que cette dénomination de l'écorcherie, plus ancienne, s'appliquait aussi aux terrains situés entre la rue Bonaparte et la rue des Saints-Pères. A l'appui de cette assertion, nous citerons une pièce qui se trouve aux Archives nationales et qui semble être la première attribution d'emploi du coin de sol qui nous occupe.

<< Bail à cens et rente portant droicts de lods et ventes de «6 arpents demy quartier de terre sur l'escorcherie << moyennant 2 sols parisis de cens par arpent portant lods « et ventes et 5 livres de rente aussi par arpent.

<«< Furent présens noble et discrète personne dom Pierre « Gouscon, prieur de l'ancien diocèse de Valences au nom « et comme procureur et vicaire général du cardinal de «< Tournon, abbé de Sainct Germain des Prés d'une part. « Et nobles personnes messire François Olivier, con<< seiller du roi et maistre des requestes ordinaires de son «< hostel, chancelier d'Allençon, maistre André Guillard, seigneur du Mortier, aussi conseiller dudict seigneur et << maistre des requestes ordinaires de son hostel, et Pierre << Perdrier, seigneur de Chauvigny (1) et greffier de la ville

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(1) Les Registres du Bureau de Ville le qualifient de seigneur de « Baubigny » et non « Chauvigny. >>

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