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LA DUCHESSE DE MECKLEMBOURG
(Musée de Versailles.)

qu'elle désira se loger d'une façon permanente dans une dépendance du couvent. Par acte sous seing privé du 13 juillet 1682 (1), elle loua pour six années, moyennant un loyer annuel de 1.300 livres, l'hôtel de la rue du Cherche-Midi acquis par les Religieuses de M. Claude de Saint-Simon, et attenant au potager du couvent. Il fut stipulé au bail qu'une porte de communication, munie d'une sonnette, serait établie dans le mur de clôture séparatif des deux jardins, et que les dames religieuses seraient tenues d'ouvrir cette porte à Mme de Mecklembourg pour lui permettre d'entrer dans le monastère, excepté pourtant après sept heures du soir suivant la règle ». La duchesse stipula en outre que si elle quittait la propriété des Religieuses pour s'installer dans une autre maison joignant de même le monastère, il lui serait établi une nouvelle porte de communication, et qu'enfin, à son décès elle serait inhumée dans le choeur de l'église du

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couvent.

L'hôtel de Saint-Simon devint, pendant douze ans environ, l'hôtel de Montmorency, car la duchesse reprenait volontiers le nom de sa famille, et si le duc de Mecklembourg vint en ce logis, il n'y séjourna pas. Ce ménage princier, après avoir été tendre pendant quelques années, était devenu plus que froid. De violents dissentiments avaient éclaté, le duc avait tenté de séquestrer sa femme, celle-ci avait eu recours à l'intervention de Louis XIV et était rentrée seule en France, tandis que son époux s'enfermait dans ses États, se refusant à restituer la dot de 400.000 livres qu'il avait encaissée, aussi bien qu'à payer la pension de 30.000 livres qu'il avait

(1) Arch. nat. S. 4.755, Religieuses du Saint-Sacrement.

promis, par son contrat de mariage, de servir à sa femme à titre de douaire. Mais le duc qui avait beaucoup vécu en France s'ennuyait en Mecklembourg, et voici qu'au printemps de 1684, il vint à Paris. Mal lui en prit le roi, sous l'inspiration probable d'Isabelle de Montmorency, et sous le prétexte de l'inexécution d'un engagement diplomatique, fit arrêter le 21 juin et emprisonner à Vincennes ce prince régnant de Mecklembourg. La duchesse alla voir son époux en prison; celui-ci implora son pardon, promit de s'exécuter; elle se laissa fléchir, sollicita alors du roi la mise en liberté du coupable, ce qui lui fut accordé le 30 août, après deux mois de détention du duc. Le repentant s'empressa de retourner dans ses États en oubliant ses promesses. Me de Mecklembourg se pourvut devant l'Empereur pour obtenir ce qu'on appelait une «< commission >> contre son mari; elle échoua par le motif qu'elle résidait en France. D'autre part, en 1686, la guerre était déclarée entre Louis XIV et ses voisins de Hollande et d'Allemagne. La duchesse s'adressa au roi d'Angleterre Jacques II qu'elle avait connu duc d'York, pour lui demander d'intercéder auprès du prince d'O-· range afin d'avoir un passeport pour l'Allemagne. Deux lettres d'elle écrites à ce sujet, de Paris, vers 1686 ou 1687 (1), ne semblent avoir eu aucun résultat. Tout en continuant de demeurer dans son petit hôtel de la rue du Cherche-Midi, elle ne laissait pas de fréquenter la Cour, et d'y briller encore, quoiqu'elle écrivît à Jacques II qu'elle n'était plus qu'une « grosse et laide allemande ». Le savant Spanheim relatant ses impressions sur la Cour

(1) British Museum, mss. 32.095, fo 313-321 (1685-1688).

de France en 1690 (1), notait que l'âge, et la petite vérole qui avait ruiné la beauté de son visage << n'avaient rien diminué des avantages de sa taille et de sa bonne mine, ni d'ailleurs de la beauté de son esprit et des 'charmes de son entretien, en quoi on peut dire, sans la flatter, qu'il n'y a rien encore à la cour de France qui l'égale ». Malgré ses soixante-trois ans sonnés, on voit l'admiration qu'elle inspirait encore. Quoique souvent malade, elle avait conservé d'ailleurs une singulière énergie, car, deux ans, après, en 1692, elle proposait au roi, en plein hiver, de se rendre en Allemagne pour y négocier au profit de la France, un traité qu'elle se flattait d'obtenir par son influence sur le duc de Mecklembourg. Elle était sur le point de partir lorsque survint la nouvelle de la mort du duc, ce qui anéantissait tous ses projets, et la fit rester en France. L'année suivante, en 1693, la duchesse, toujours active, résolut d'agrandir son installation, et, dans ce but acheta la maison voisine (no 15 actuel). Elle n'en jouit pas longtemps et elle y mourut, comme nous l'avons vu, le 23 janvier 1695. Son amie la pieuse Mère Mectilde put lui rendre les derniers devoirs, car elle ne mourut à son tour que trois ans plus tard, en 1698, après avoir fondé en France neuf maisons consacrées à l'adoration du Saint-Sacrement.

Quels furent dès lors les locataires des Bénédictines?

Nous savons seulement par le « cueilleret » de 1720 que la maison était connue depuis longtemps sous le nom d'«< hôtel de Chamilly ». On peut donc en inférer que le maréchal de Chamilly, bien que possédant un autre hôtel rue des Petits-Augustins, où il est mort en

(1) SPANHEIM, Relation de la Cour de France en 1690, pub. par Ch. Scheffer.

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