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dantes aumônes, résolut d'agrandir son monastère en le transportant rue Cassette où elle acheta successivement cinq maisons. Le 27 mars 1666, la première pierre du couvent fut posée là par Marguerite de Lorraine, veuve de Gaston d'Orléans, et, en 1669, la communauté s'y installa.

Le but principal de la fondation étant de rendre un hommage perpétuel au Saint Sacrement, il était de règle que, jour et nuit, il y eût constamment une religieuse en adoration devant l'autel où il était exposé. Pour satisfaire à cette obligation, les Bénédictines se succédaient d'heure en heure, suivant l'ordre établi chaque mois au hasard entre elles.

Outre cette adoration perpétuelle, chaque jour il était procédé à la « réparation >> des crimes et impiétés que la reine Anne d'Autriche avait voulu racheter par sa fondation. A cet effet, au commencement de la messe conventuelle, une religieuse, portant au cou une grosse corde, prenait en main une torche toujours allumée, posée sur un grand chandelier de bois nommé « le poteau ». Agenouillée au milieu du chœur, elle écoutait ainsi la messe, en faisant amende honorable, puis, la corde au cou et la torche à la main, elle marchait humblement derrière ses compagnes jusqu'au réfectoire, où, s'agenouillant de nouveau, elle disait à haute voix : « Souvenez-vous, mes très chères sœurs, que nous sommes vouées à Dieu en qualité de victimes pour réparer les outrages et profanations qui se font incessamment au très saint Sacrement de l'autel... >> Enfin, la réparatrice retournait à la chapelle, ne prenait son repas qu'après les autres religieuses, et restait en retraite jusqu'aux vêpres (1).

(1) Ces pratiques religieuses ont inspiré à Victor Hugo, dans son ro

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dans la maison

(Histoire des Ordres monastiques par le P. HELYOT)

Si l'on songe que ces pratiques spéciales des Bénédictines de la rue Cassette s'ajoutaient aux austérités habituelles de la règle de Saint-Benoît rigoureusement observée par la Mère Mectilde, on doit reconnaître que la vie était sévère dans cette pieuse maison. Cependant, en janvier 1680, une grande dame dont nous avons fait connaître sommairement l'histoire romanesque à propos du n° 15, venait s'y retirer. C'était Isabelle de Montmorency, duchesse de Châtillon, princesse de Mecklembourg, désespérée de voir son frère qu'elle aimait tendrement, le maréchal de Luxembourg, compromis dans l'affaire des poisons et emprisonné au secret à la Bastille.

Mme de Sévigné écrivait à sa fille le 31 janvier : « J'ai vu cette Meckelbourg aux filles du Saint-Sacrement où elle s'est retirée »... et le 16 février: « Je m'en vais faire vos compliments à Mme de Meckelbourg qui pleure et se tourmente fort. » On sait qu'après quatre mois de captivité, le 15 mai, le maréchal de Luxembourg fut absous et remis en liberté, mais que Louis XIV lui enjoignit néanmoins de s'exiler dans une de ses terres, loin de Paris. Mme de Mecklembourg, délivrée de l'inquiétude poignante que lui avait causée le procès de son frère, conçut une vive reconnaissance pour les encouragements qu'elle avait trouvés auprès des Bénédictines du Saint-Sacrement et continua de fréquenter leur couvent. Elle y puisa sans doute de bonnes inspirations. Cette femme qu'on disait parcimonieuse et intéressée, sacrifia une partie de sa fortune à payer les dettes de son frère. Le maréchal, par ses folles dépenses, avait trouvé moyen de dissiper la grosse fortune qu'il tenait de sa femme, et, à sa sortie de prison, était en man des Misérables, un curieux chapitre intitulé: le Petit-Picpus, où il décrit longuement les austérités et la règle des Bernardines Bénédictines.

proie aux poursuites de ses créanciers. On écrivait à Condé que Luxembourg avait deux fois plus de dettes que de bien. Isabelle de Montmorency, très courageusement,sauva l'honneur de son frère en prenant tout à sa charge. M. le Prince écrivait le 12 juin 1680 à son secrétaire Ricous (1) que « rien ne pouvait estre plus beau ny plus louable que tout ce qu'elle faisait en ce rencontre ». Elle réussit en outre à effacer les fâcheuses impressions qu'avait laissées la conduite du maréchal, et, le 21 juin 1681, elle eut la joie de le voir rentrer à la Cour. Il semble que ce fut en témoignage de sa gratitude pour le Saint-Sacrement à l'occasion de cet heureux événement, que, quelques jours après le 5 juillet 1681 (2), elle fit don au couvent d'une somme de 11.100 livres formant le prix d'achat d'une petite maison avec jardin, située rue Cassette, à côté du monastère, acquise par les Religieuses pour s'agrandir. En échange de cette libéralité, la Mère Mectilde concédait à Mme de Mecklembourg l'autorisation «< quand la dévotion le lui suggérerait », d'entrer librement dans le monastère, accompagnée de deux femmes à son service, et d'y coucher. Mme de Bouteville, mère de la princesse, était aussi autorisée à pénétrer dans le couvent, mais seule, et sans pouvoir y coucher.

En février 1682 Mme de Mecklembourg fut atteinte très gravement de la petite vérole au point qu'un jour elle fut considérée par les médecins comme perdue et reçut les derniers sacrements. Tout à coup une crise inattendue se produisit; elle guérit, resta défigurée, mais prit gaîment son parti de la perte de sa beauté. Plus que jamais elle fréquenta la chapelle des Bénédictines, si bien

(1) Arch. de Chantilly. Papiers de Condé, Série O, t. II, fo 538. (2) Arch. nat. K. 972, et S. 4755.

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