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1818 et 1819, y demeura avec son propre fils, Auguste Jullien, sous-inspecteur aux revues, dont le domicile est mentionné à cette adresse en 1820 et 1821.

A cette époque, nous retrouvons l'indication d'un certain nombre de locataires de 1819 à 1821, M. de Latena, conseiller référendaire à la Cour des comptes; pu les sieurs Barouillet, Campy, Dognol, Duchâtel employé au ministère de la justice.

Le 2 août 1822, les héritiers Jullien vendirent la maison moyennant 146.000 francs à M. Louis-Antoine Buffaut qui y demeurait déjà. Celui-ci mourut en 1836, laissant deux filles mariées dont l'une habitait, avec son mari, M. Saillet, sous-chef à l'administration des contributions indirectes, la propriété de son père. Ce fut à elle que fut attribuée cette propriété par un acte de partage du 4 novembre 1840, moyennant 175.800 francs.

En 1850 surgit, pour M. et Mme Saillet, une difficulté aussi grave qu'imprévue. Depuis l'adjudication de l'an VIII, personne n'avait songé que la propriété était grevée d'une clause domaniale. Or, à l'occasion de travaux exécutés dans l'immeuble, le Préfet de la Seine prit un arrêté ordonnant, en vertu de cette clause, le reculement de la façade conformément à l'alignement prescrit en 1845, et prononçant en conséquence la dépossession d'une large bande de terrain, sans aucune indemnité. M. et Me Saillet, évincés ainsi, actionnèrent en résolution de contrat les héritiers Jullien qui, à leur tour, firent de même contre leurs vendeurs, les héritiers Caron. Le procès dura quatre ans, alla jusque devant la Cour de cassation et se termina par un arrêt définitif de la Cour de Rouen du 25 mars 1854, qui prononça la résolution de toutes les ventes et condamna en conséquence les héritiers Caron à rembourser le prix par

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1910.

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eux reçu, puis les héritiers Jullien à faire de même, et M. et Mme Saillet à restituer les revenus encaissés par eux.. L'immeuble rentrait donc, singulièrement déprécié et amoindri, aux mains des représentants du sieur Caron, non sans difficultés, à raison des remboursements successifs à opérer. Alors se présenta un acquéreur qui, moyennant 120.000 francs, consentit à reprendre la propriété telle quelle. Ce fut M. Alexis Granger, avocat à la Cour d'appel, agissant de compte à demi avec son fils M. Alfred Granger. Par contrat du 26 juin 1856, MM. Granger père et fils furent mis en possession du no 4 de la rue du Cherche-Midi; puis, l'année suivante, en 1857, ils agrandirent considérablement leur propriété par l'acquisition d'un vaste terrain de fond dépendant jusqu'alors du n° 11 de la rue de Sèvres, et provenant des anciens bâtiments conventuels des Prémontrés. Ils firent alors construire les trois maisons portant les nos 4, 4 bis et 4 ter, qui ne furent entièrement achevées qu'après 1870, et furent partagées entre les deux enfants de M. Alfred Granger. Le propriétaire actuel des n° 4 et 4 bis est M. Albert Granger, chef des laboratoires d'essai de la Manufacture de Sèvres, professeur de chimie et technologie céramique. Il ne figure pas, malheureusement, parmi les habitants de la maison.

Durant cette longue période, de 1822 jusqu'à nos jours, nous avons peu de renseignements intéressants sur les habitants de cette propriété. Ce sont des locataires tranquilles, rentiers, employés de ministères ou d'administrations publiques, qui ne font guère parler d'eux et n'aiment pas le changement

Ainsi M. Renard, sous-chef au ministère des finances, conserve son appartement de 1827 à 1851; son voisin, M. Langlois, fait de même; le docteur Brisset demeure à

côté d'eux de 1827 à 1844, etc... En 1837, deux lettres autographes d'un historien peu célèbre, Faubert de Vitry, adressées à M. le chevalier Artaud de l'Institut, nous apprennent qu'il demeurait aussi rue du Cherche-Midi, no 4. Enfin M. Saillet, employé supérieur de l'Octroi de la navigation, père de M. Saillet-Buffault dont la femme était devenue propriétaire en 1840, s'y était installé aussi à côté de son fils.

A une époque tout à fait récente, c'était au no 4 ter que demeurait notre excellent collègue et précieux collaborateur, M. Henri Masson. Enfin, depuis plusieurs années, et encore actuellement, un artiste de grand talent doit y charmer ses voisins, au no 4 bis, discrètement et sans tapage, c'est M. Zurfluh, guitariste de la Comédie française. Avec une virtuosité merveilleuse, il sait tirer de ce vieil instrument si goûté jadis, si oublié maintenant, des effets charmants qui auraient enchanté la marquise de Saint-Simon.

Quant aux boutiques, elles sont maintenant occupées par un marchand de vin et bière, un fruitier, un libraire, un horloger et un teinturier.

N° 6 (anciennement n° 85 et 86, puis 303 et 304). Jean Duchesne. Les bénédictins Chevreux et Barreau. --Claude-Pascal Corot et ses héritiers.

C'est la première des quatre maisons louées en bloc par les Prémontrés à Jean Duchesne, maître menuisier. En 1790, cet immeuble, évalué seulement 32.000 livres à cause de sa petite superficie, tenta tout de suite plusieurs amateurs. Le procès-verbal d'adjudication du 24 novembre (1)

(1) Arch. de la Seine, Ventes des biens nationaux.

mentionne comme enchérisseur le sieur Provost serrurier, que nous connaissons, le sieur Radu maître carrier, que nous avons aussi rencontré déjà acquéreur fictif du n° 2, Duchesne lui-même locataire principal, habitant la maison, puis les sieurs Amory marchand de toile, et Lebarre. Après plusieurs enchères, l'immeuble est adjugé moyennant 38.100 livres, au sieur Amory qui déclare immédiatement que l'adjudication est pour le compte de Jean Duchesne. Celui-ci, craignant sans doute que sa présence fît monter les enchères, avait feint de se retirer, en chargeant le sieur Amory de le remplacer.

Dans un des logements très modestes de la maison, parmi les simples artisans qui les occupaient, arrivèrent en décembre 1790, deux bénédictins expulsés de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés. L'un était Dom AmbroiseAugustin Chevreux, dernier supérieur général de la Communauté de Saint-Germain. Né en 1728, il avait été, en 1757, à vingt-neuf ans, nommé professeur de théologie à la maison de Paris, en 1762, Prieur de Saint-Pierre de Bourgueil, enfin, en 1783, Supérieur général. Il avait été élu par le clergé parisien député aux États généraux (1). Puis, en décembre 1790, ayant déclaré vouloir continuer sa vie religieuse, il avait été, à soixante-deux ans, avec ses confrères, expulsé de la vieille abbaye. Accompagné de son neveu Dom Louis Barreau, il vint provisoirement se loger dans la maison de Jean Duchesne. En 1792, tous deux dénoncés comme prêtres réfractaires, furent emprisonnés aux Carmes. Ils y furent massacrés le 2 septembre (2). Le surlendemain, 4 septembre, le com

(1) VANEL, Les bénédictins de Saint-Maur, p. 343 et suiv.

(2) SOREL, Le couvent des Carmes. Liste des prêtres massacrés le 2 septembre, p. 138.

missaire de la section du Luxembourg était requis d'apposer les scellés sur leur chétif mobilier dans la maison du citoyen Duchesne, rue du Cherche-Midi (1).

Durant la période révolutionnaire, et jusqu'à la fin de l'Empire, aucun habitant notable ne nous est signalé. Au rez-de-chaussée, divisé en deux parties par l'étroit couloir qui forme l'entrée de la maison, il y avait, d'un côté, un boulanger, nommé Berger, qui y resta jusqu'à la mort de sa femme en 1805, et, de l'autre côté, un fruitier nommé Dupont qui mourut en 1802, puis une blanchisseuse.

En 1824, Jean Duchesne, devenu vieux, vendit sa propriété, par acte notarié du 19 octobre, moyennant 66.520 francs, à Claude-Pascal Corot et Marie-Marguerite Rollin sa femme, demeurant rue du Four.

Ce nouvel acquéreur mourut en 1829, et sa veuve, remariée avec un sieur Chanial décéda en 1847. Après eux, leur fille Louise Corot, femme de M. Teston, devint propriétaire de la maison qui passa, lors de son décès, en 1850, à ses quatre enfants (2). Ceux-ci, en 1877, la vendirent à M. Victor Sarlit. Ce dernier étant décédé en 1885, la propriété fut adjugée par jugement du 30 mars 1892 à Mme Bricon née Clotilde Sarlit qui la possède actuelle

ment.

De 1824 jusqu'à nos jours, les deux petites boutiques furent occupées, encore en 1827 par un boulanger, puis par un tailleur, un vitrier, un ébéniste ayant aujourd'hui pour enseigne : Au chêne antique, et un charbonnier. Dans un des logements au-dessus, demeura, en 1827, un peintre nommé Niquevert, élève de David, médaillé en 1819, qui, après avoir eu une certaine notoriété de 1810 à 1824, n'a plus

(1) Registres du commissaire (Coll. pers.).

(2) Arch. de la Seine, Sommier de l'Enregistrement.

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