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Sainte Famille de Jésus ». En 1665, une procession solennelle expiatoire, suivie par le roi en personne, partant de Saint-Sulpice et parcourant le quartier, se rend pour sa première station à l'église des Pères Prémontrés (1). En 1666, à l'occasion de la mort de la reinemère, un grand concours de monde se presse dans cette chapelle déjà trop exiguë, pour assister au service qui y est célébré, et entendre l'oraison funèbre qui y est prononcée par le R. P. Cuissy (2). Le supérieur général de l'ordre était alors l'abbé Michel Colbert, aumônier du roi, dont les hautes relations ne devaient pas être inutiles à la communauté. Enfin, en 1676, les Prémontrés complètent leur propriété en payant la somme de 4.375 livres aux enfants Chartier ou à leurs représentants pour l'acquisi tion du dernier huitième dont ceux-ci étaient restés possesseurs. A partir de 1670, de riches bourgeois du voisinage, à l'exemple de ce que faisaient ailleurs les grandes familles, sollicitent, moyennant des fondations pieuses, la concession, dans l'église des Prémontrés, de caveaux funéraires sur lesquels ils font étalage de leurs écussons armoriés (3). En 1671, c'est « l'honorable Germain Bolomet, marchand épicier », qui fait inhumer sa femme dans la chapelle de la Vierge et fait sculpter et colorier, sur la pierre tombale, les armoiries de la défunte et les siennes propres sur fond d'azur avec croissants d'argent et coquilles d'or. En 1672, Jacques Chevillard, aussi marchand épicier et Anne Bruslé son épouse, se font, de leur vivant, concéder, au milieu de la nef, un caveau sur

(1) HAMEL, Histoire de l'église Saint-Sulpice, p. 120; et Extrait du bureau d'adresses, 166.

(2) Continuateurs de Loret, t. I, p. 965, lettre du 12 juin 1666.

(3) Bibl. de l'Arsenal, 5403, p. 445 et suiv. Recueil des épitaphes des personnes illustres, etc., inhumées en l'église des Prémontrés.

St Hue DU VI. 1910.

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lequel sont gravés en or leurs épitaphes et leurs écussons, l'un sur fond d'azur au croissant d'argent surmonté d'un cœur d'or, l'autre sur fond d'argent au chêne de sinople, le tout moyennant donation d'une rente perpétuelle en bonne et due forme. Les dons et fondations se multiplient si bien qu'en 1677 les bons Pères achètent deux maisons sises au coin des rues Taranne et du Sépulcre (1).

Au commencement du xvir° siècle, la Communauté des Chanoines réguliers Prémontrés du Saint-Sacrement était nombreuse et riche. Les locaux conventuels devenaient insuffisants et la chapelle trop petite. Les religieux entreprirent alors une double opération profitable. D'une part, ils résolurent de démolir la jolie église construite par Dorbay et de la remplacer par un édifice beaucoup plus vaste, en agrandissant aussi le monastère. D'autre part, ils imaginèrent en même temps une excellente spéculation consistant à bâtir, en bordure sur les rues de Sèvres et du Cherche-Midi et même sur la place de la Croix-Rouge une série de maisons d'habitation dont la location leur assurerait de larges revenus. Plus préoccupés d'économie que d'esthétique, ils ne s'adressèrent pas, comme leurs anciens en 1662, à un architecte du roi, mais ils traitèrent directement avec des entrepreneurs de leur choix, notamment avec un sieur Didier Simonet, « maître charpentier », qui, en 1718 et 1719, s'engagea successivement par quatre marchés à forfait à exécuter tous les travaux prévus. La première pierre de l'église fut posée le 20 juin 1719 par Mr François-Armand de Lorraine d'Armagnac, évêque de Bayeux, au nom du roi, et l'édifice était achevé en 1721. Les autres constructions, commencées en 1718 et vivement

(1) Arch. nat. L. 766. Prémontrés.

conduites sous la surveillance d'un des religieux, le Père Collart, étaient terminées aussi vers la même époque. Malheureusement les Prémontrés de l'étroite observance avaient sans doute fort peu le culte du beau. Leur nou velle église, beaucoup plus grande que l'ancienne, était dénuée d'élégance et d'une architecture de mauvais goût (1). Elle était, en outre, complètement entourée de maisons. de rapport très vulgaires qui la masquaient tristement (2). Un détail curieux montre d'ailleurs avec quelle rigoureuse économie les Prémontrés agissaient pour leurs travaux. Dans le marché spécial passé avec Simonet pour la construction de l'église le 14 mars 1719, moyennant un prix à forfait de 30.000 livres, il avait été stipulé que l'entrepreneur utiliserait le vieux petit clocher de l'ancienne; chapelle en le transportant sur l'édifice nouveau. Il était facile de prévoir que ce serait disproportionné et d'un fâcheux effet, mais n'importe ! Cependant Simonet fut forcé de remplacer par des bois neufs une partie de la charpente et réclama pour cela un supplément de prix de 7.017 livres 10 sols. Les Prémontrés payèrent sans rien dire; puis, après le travail fini, en 1721, ils assignèrent Simonet en restitution des 7.017 livres 10 sols, en vertu de leur marché à forfait, et en arguant que l'entrepreneur n'avait pas été autorisé à faire cette fourniture supplémentaire «< par un billet signé du Père Collart » conformément à la convention (3).

On peut juger par ce détail que les Pères y regardaient

(1) Piganiol de la Force, t. VII, p. 364.

(2) Voir le plan de Turgot, reproduit au début de cette notice (Bulletin de l'année 1908, t. XI, p. 223).

(3) Mémoire sur procès pour les Prémontrés contre Didier Simonet. (Coll. pers.)

de près, et que leurs nouvelles constructions étaient faites aussi économiquement que possible sans grande recherche artistique. Quant aux maisons de rapport édifiées en bordure, l'entrepreneur Simonet était de même obligé, par son marché, de se servir des vieux bois de l'ancienne tuilerie moyennant un prix fixé d'avance pour leur mise en œuvre, et l'on en verra les conséquences.

On devine aisément que ces maisons neuves n'étaient pas destinées à devenir des hôtels somptueux, et l'on ne doit pas s'étonner d'y rencontrer des locataires fort modestes qui se font remarquer bientôt par de nombreux incidents de police dont est saisi le commissaire du quartier.

En mai 1722 Jacques Rambour, tailleur d'habits, est principal locataire d'une des maisons appartenant aux Prémontrés, rue du Cherche Midi. Il se plaint, ainsi que Jean Gruet, marchand grainetier, sous-locataire de la boutique, de ce que, depuis six mois, une fille Toussaint fait, de jour et de nuit, scandale dans l'escalier (1). Un peu plus tard, en 1726, le même Rambour, toujours principal locataire, poursuit en paiement de loyer un ébéniste qui occupe une boutique du prix de 300 livres par an (2). Dans la maison à côté, c'est un maître maçon, nommé Dourdy, qui est principal locataire. Il a, en 1723 et 1726, pour sous-locataires : Jean Piérard, « soldat aux gardes, et faiseur de bracelets », deux compagnons charpentiers, un marchand vinaigrier, une blanchisseuse, un frotteur, un ouvrier sculpteur, et autres. Tous se plaignent de leur voisin, le nommé Mabille, autre soldat aux gardes, logé là aussi avec sa femme, et qui reçoit chez lui des filles prostituées et des laquais (3); ils accusent ensuite les époux

(1-2) Arch. nat. Y. 10.743. Papiers du commissaire Charles.

(3) Arch. nat. Y. 10.744 à 10.746. Papiers du commissaire Charles.

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