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CHAPITRE IV

Guillaume IV, seigneur de Pesmes. Deuxième guerre de Méranie. Guillaume IV est choisi pour l'un des exécuteurs du traité de Bèze en 1227. Ce seigneur prête hommage lige à Thibaut, comte de Champagne, 1229. — Usage des armoiries et des sceaux. Guillaume IV donne à l'abbaye de Corneux l'église de Pesmes, 1230. Il prête hommage à la même abbaye, 1232. Libéralités envers les monastères. Réfection de l'église de Pesmes. Démêlés avec le comte de Champagne. Il prête hommage lige au duc de Bourgogne pour le village de Broye, 1235. — Il est désigné comme l'un des exécuteurs d'un codicille du testament d'Othon de Méranie, 1248. Enfants de Guillaume IV.

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Au moment où la seigneurie de Pesmes passait en de nouvelles mains, la branche cadette de Bourgogne, qui se composait des maisons de Vienne et de Chalon, préparait à nouveau une coalition formidable contre le duc de Méranie. La guerre éclata en décembre 1225 sur un refus d'hommage du comte Etienne pour ses châteaux d'Oiselay et de Rochefort; la situation des deux partis était franchement inégale.

Le comte Etienne possédait la plus grande partie des montagnes; il avait aussi des points d'appui solides dans le bas pays, car, sans parler du comté d'Auxonne, qui faisait partie du duché de Bourgogne, Rochefort, Gray, Oiselay et Montbarrey lui appartenaient. Dans cette même région, il comptait plusieurs hauts barons dévoués à sa cause, comme Simon de Joinville, sire de Marnay, Josserand de Brancion, son cousin, Gui de la Roche, Hugues de Fouvent. En dehors du comté, il s'était ménagé les alliances

de la noblesse du Mâconnais, et se faisait fort de l'appui du duc de Bourgogne, qui venait d'acquérir depuis peu l'importante baronnie de Salins et qui avait tout à gagner à cette guerre intestine.

Sous la baunière d'Othon marchaient aussi d'illustres chevaliers, tels que Guillaume de Pesmes, Thiébaud de Neuchâtel, Hugues de Beaujeu, etc. Othon comptait encore sur l'aide d'Henri, comte de Bar; mais ce dernier, prisonnier dès le début des hostilités, ne put être d'aucun secours. L'infériorité évidente du parti de Méranie présageait la victoire prochaine et éclatante du comte Etienne. Néanmoins la résistance fut opiniâtre, la guerre longue et sanglante; aussi est-il probable que les alternatives de succès et de revers amenèrent plus d'une fois sous les remparts de Pesmes les garnisons ennemies de Gray, d'Auxonne et de Marnay. Son territoire fut sans doute plusieurs fois dévasté. Malgré de courageux efforts, l'issue de la lutte tournait à l'avantage du comte Etienne; le comté semblait perdu pour Othon, quand ce prince fut assez heureux pour obtenir l'alliance du comte de Champagne. Pressé par les circonstances, Othon de Méranie décida cette intervention par la promesse d'un mariage entre Blanche, fille du comte de Champagne, et son fils Othon de Méranie. Ce secours imprévu décida de la victoire. Le comte Etienne, privé de plusieurs de ses forteresses, sollicita la paix; il l'obtint, grâce à l'appui du clergé, qui préparait alors la croisade des Albigeois. Le cardinal Romain de Saint-Ange, légat du pape, fixa à Bèze, le 16 juin 1227, les conditions du traité. Othon était vainqueur, mais il restait à payer le secours du comte de Champagne. Il dut se constituer son débiteur pour une somme de 15,000 livres estevenantes; c'était une victoire chèrement achetée. Pour se libérer de cette dette, présentement impossible à acquitter avec un trésor épuisé par la guerre, Othon et Béatrix abandonnèrent à leur allié, jusqu'à concur

rence de cette somme, la perception annuelle de tous les revenus du comté. Les deux villes de Vesoul et de Poligny furent seules exceptées et confiées à deux chevaliers comtois. Quatre seigneurs furent nommés fidéi-jusseurs, et s'engagèrent à surveiller l'exécution scrupuleuse de tous les articles du traité. Ces quatre chevaliers étaient Jacques de Durnes, Erard de Chacenay, Richard de Chay et Guillaume de Pesmes (1).

Cette guerre funeste accumula les ruines, épuisa les finances et profita surtout au duc de Bourgogne, dont la puissance s'accrut de l'affaiblissement des deux maisons souveraines du comté. La haine de l'étranger acheva de concilier au duc de Bourgogne la faveur des Comtois, lorsque ce prince déclara la guerre au comte de Champagne; il profita de ces dispositions favorables pour se créer de nouvelles intelligences dans le comté et y acquérir de nouveaux fiefs. Pour le duc de Bourgogne, c'était semer pour l'avenir les germes de dissensions nouvelles et créer l'occasion de prochains conflits. Pendant ces guerres, qui eurent pour théâtre le comté de Bourgogne, le sire de Pesmes paya bravement de sa personne, et les alliés aussi bien que les ennemis du comte Othon apprécient hautement sa valeur. Le comte de Champagne, qui, non moins que le duc de Bourgogne, visait à la possession future du comté de Bourgogne, veut s'assurer ses utiles services, ou tout au moins acheter sa neutralité future en se l'attachant comme vassal. A cet effet, ce prince promet de lui donner un fief de quarante livrées de terre, à prendre en la châtellenie de Troyes, à l'estimation de deux vassaux du sire de Pesmes, Jacques de Durnes et Lambert Buech, mais il réserve cette clause utile, à savoir que ce fief, situé au cœur de la Champagne, ne devra jamais passer en d'autres mains qu'en celles du chevalier

(1) Pr. no 39.

qui détiendra la seigneurie de Pesmes. C'est sous ces conditions que Guillaume IV devint, en 1229, homme lige du comte de Champagne, sauf la féauté lige qu'il avait jurée au duc de Méranie, à l'archevêque de Besançon et au duc de Bar. Il fut encore spécifié que, si ces deux derniers suzerains entraient en guerre contre le comte de Champagne, le sire de Pesmes ne serait tenu à les suivre que s'ils marchaient en personne et s'ils faisaient la guerre pour leur propre compte (1). Le fief qui paya cet hommage fut celui de la Rivière-de-Corps, à quatre kilomètres à l'ouest de Troyes. Guillaume IV usa des revenus de cette terre pour acquérir, en 1231, de concert avec Poinçard de Duesme, son frère utérin, le douaire que possédait en Bourgogne Héloïse de Bonneval; cette dame reçut en échange des redevances en blé, en seigle et en froment.

Jean de Chalon, chef de la branche cadette de Bourgogne, adopta la même conduite vis-à-vis de Guillaume IV, car, cette même année 1231, pour payer soit des services, soit un hommage, il abandonna temporairement au sire de Pesmes les revenus de la terre de Fontaine-Mascon, en Champagne; mais, comme cette terre était située en Champagne, il dut, au préalable, obtenir pour cet engagement l'agrément de Thibaut, comte de Champagne.

Depuis les vingt dernières années du XIIe siècle, l'usage des armoiries était général dans les familles chevaleresques; elles figuraient sur les bannières féodales que déployaient à la tête de leurs vassaux les plus hauts feudataires, appelés pour cette raison chevaliers bannerets. On en comptait à cette époque une vingtaine dans le comté de Bourgogne. L'emploi des sceaux, un peu moins général que celui des armoiries, ne devint ordinaire qu'à dater du XIIIe siècle; c'était pour l'authenticité des contrats et des chartes un

(1) Pr. no 40.

progrès considérable, car l'apposition d'un sceau équivalait à une signature de la part de ces seigneurs barbares et illettrés. La fabrication d'un sceau n'était confiée qu'à des artistes réputés, orfèvres ou graveurs, et souvent cette pièce est exécutée avec une grande perfection. A la mort du chevalier, son sceau était brisé afin qu'aucune autre main ne pût l'employer. Guillaume de Pesmes, légat de Frédéric Barberousse, est le premier de cette famille qui en ait adopté l'usage, et l'acte d'arbitrage de 1195 est le premier document émané de ce seigneur où nous en trouvions l'emploi. Le sceau employé par Guillaume IV nous est connu : c'était une matrice circulaire de sept centimètres environ de diamètre, au centre de laquelle figurait un bouclier ou écu, qui était traversé par une bande et dont le champ était semé de croisettes recroisetées au pied fiché. En exergue, était une inscription rappelant le nom du possesseur. Ces croisettes recroisetées ne sont-elles pas une allusion aux nombreux voyages d'outre-mer accomplis par les sires de Pesmes?

Guillaume IV est compté parmi les bienfaiteurs de l'abbaye de Citeaux, car, en avril 1226, il participa à la donation d'un sextier de blé qu'avait faite Poinçard de Duesme, seigneur de Saulon, son frère, en faveur de ce monastère.

On relève également le nom de Guillaume IV dans le cartulaire d'Acey, aux années 1226 et 1231; la premiere fois pour approuver une donation d'Hugues de Glannes et d'Odon, son frère; la seconde fois pour témoigner d'un accord entre cette abbaye et Gérard de Chaumercenne.

Vers cette époque, Guillaume IV accomplit un changement d'une grande importance pour les habitants de Pesmes, doués alors de la foi robuste des populations du moyen âge. Il méditait de confier à un ordre religieux dont le siège fût moins éloigné de Pesmes la desserte paroissiale auparavant dévolue à l'abbaye de Saint-Germain d'Auxerre. Le besoin en était assez pressant, car, à cause de la décadence bénédic

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