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puissante volonté de l'Angleterre, déclaré souverain de l'île entière.

Radama Ier, mort en 1828, eut pour successeurs : 1° l'une de ses onze femmes, appelée au trône par une révolution du palais, sous le nom de Ranavalona Ier; princesse tyrannique, cruelle, surnommée le Caligula femelle, qui rendit des édits draconiens contre tous les Européens, même contre les Anglais, et mourut en 1861; 2° le prince Rakoto, fils de la feue reine, qui régna deux ans sous le nom de Radama II, et fut étranglé le 12 mai 1863; 3° la princesse Rabodo, sa veuve, couronnée sous le nom de Rasoaherina (1863-1868); 4o la princesse Ramona, cousine de la feue reine, qui régna sous le nom de Ranavalona II (1868-1883); 5o et enfin la princesse Razafindrahéty, veuve du prince Ratrimo, qui monta sur le trône en 1883, sous le nom de Ranavalona III, actuellement régnante, et ayant pour époux et premier ministre Rainilaiarivony.

Cet époux-ministre occupe les mêmes fonctions depuis le règne de la reine Rasoaherina (1863), et vient de rejeter l'ultimatum présenté au nom de la France par M. Le Myre de Vilers.

Pour faire consacrer leurs droits à la conquête de l'île entière, les souverains Radama Ier, Ranavalona II et Ranavalona III réclamèrent l'investiture, qui leur fut octroyée par l'Angleterre le 30 mai 1814, et par la France les 7 août 1868 et 17 décembre 1885; faute lourde, dont les plénipotentiaires français, qui ne crurent concéder ainsi qu'un simple titre honorifique, ne comprirent pas l'immense portée ni les funestes conséquences!

Nous sommes restés au traité du 30 mai 1814.

Nos droits sur Madagascar, bien que formellement reconnus par cette convention, furent bientôt contestés par sir Robert Farquhar, gouverneur anglais de Maurice, lequel, s'inspirant de certaines clauses ambiguës du traité qu'il sut interpréter

en faveur de l'Angleterre, prétendit que la cession de l'fle Maurice avec ses dépendances entraînait avec elle la livraison des établissements de la grande terre de Madagascar, et se mit à l'œuvre dès 1815, par la prise de possession de Port-Louquez.

Ce ne fut qu'après une nouvelle convention, signée le 17 octobre 1816, que ce trop entreprenant gouverneur, désapprouvé d'ailleurs par le cabinet de Londres, finit par renoncer ouvertement à ses injustes prétentions, mais tout en continuant à nous faire une sourde et déloyale opposition.

Pendant la période de paix apparente qui suivit, l'influence française, sans cesse combattue et par les Hovas et par les Anglais, subit des alternatives diverses et resta dans une situation éphémère, que les deux traités nouveaux des 12 septembre 1862 et 7 août 1868 ne modifièrent que peu sensiblement.

Les gouvernements de Louis-Philippe et de Napoléon III, bien que convaincus de la légitimité des droits de la France. sur Madagascar, n'ont jamais eu l'énergie de les faire respecter, dans la crainte de porter atteinte à l'alliance anglaise; ainsi s'explique, sans la justifier, leur coupable inaction.

Nous voici parvenus à l'époque actuelle.

Les derniers événements sont trop rapprochés de nous pour ne pas être encore présents à votre mémoire.

Je n'insisterai donc pas sur leur importance, et me bornerai à vous rappeler qu'à la suite de permanentes attaques contre nos droits et notre autorité, de conflits incessants suscités par les Méthodistes anglais et par l'Angleterre elle-même, qui prit part à la lutte en la personne du colonel anglais Digby-Willoughby, chef ostensible et avéré de l'armée hova, et enfin après un dernier et infructueux effort tenté par l'amiral Miot le 10 septembre 1885, a été conclu le

néfaste traité du 17 décembre suivant qui, en nous créant d'insurmontables difficultés, nous place aujourd'hui dans la nécessité de rétablir par les armes notre influence méconnue.

CHEVASSU.

APPENDICE

Extrait du traité signé à bord de la « Naïade, » le 17 décembre 1885, pour le gouvernement français, par l'amiral Miot et le ministre plénipotentiaire Patrimonio, et, pour le gouvernement de la reine de Madagascar, par le colonel anglais Digby-Villoughby, officier général, commandant les troupes malgaches et ministre plénipotentiaire.

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ART. 2. Un résident représentant le gouvernement de la république présidera aux relations extérieures de Madagascar.

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ART. 3. Il résidera à Tananarive avec une escorte militaire, et aura droit d'audience privée et personnelle auprès de la reine.

ART. 4. - Les autorités dépendant de la reine n'interviendront pas dans les contestations entre Français ou entre Français et étrangers. Les litiges entre Français et Malgaches seront jugés par le résident, assisté d'un juge malgache.

ART. 6. Les citoyens français pourront résider, circuler et faire le commerce librement dans toute l'étendue des Etats de la reine. Ils auront la faculté de louer par bail emphyteotique, renouvelable au gré des parties, toute propriété immobilière, avec le droit, pour les héritiers du locataire, de continuer le bail et la faculté de renouvellement, sans être soumis à d'autres taxes foncières que celles qui sont acquittées par les Malgaches.

ART. 7. Confirmation des garanties stipulées par les précédents traités en faveur de la liberté de conscience et de la tolérance religieuse. (Garanties illusoires.)

ART. 8 et 9. Le gouvernement de la reine s'engage à payer la somme de 10 millions, applicable tant aux réclamations françaises antérieurement liquidées qu'à la réparation de tous dommages causés aux particuliers étrangers; et, jusqu'à parfait paiement de ladite somme, Tamatave sera occupée par les troupes françaises. (Les récla

mations anglaises devant absorber, à elles seules, le montant de l'indemnité stipulée par cette étrange clause, on comprend aisément pourquoi elle n'a pas encore été payée et pourquoi la France n'a pas insisté pour en obtenir le paiement.)

ART. 11. Le gouvernement de la république s'engage à prêter assistance à la reine pour la défense de ses Etats. (C'est là une bien grosse responsabilité.)

ᎪᎡᎢ. 12.

Sa Majesté la reine continuera, comme par le passé, de présider à l'administration intérieure de l'île. (Nouvelle investiture comme reine de Madagascar.)

ART. 13.

par

Renonciation la France à toute indemnité de guerre. ART. 14. Le gouvernement de la république s'engage à mettre à la disposition de la reine les instructeurs militaires, ingénieurs, professeurs, etc. qui lui seront demandés.

ART. 15. Droit réservé par la France d'occuper la baie de DiegoSuarez et d'y faire des installations à sa convenance; puis engagement par la reine de traiter avec bienveillance les Sakalaves et Antankares. (C'est pour cela que ces peuples sont continuellement tyrannisés par les Hovas.)

ART. 16. Amnistie générale pour tous les Français et Malgaches précédemment compromis pour le service de l'une des parties contrac

tantes.

ART. 18. Les deux textes du présent traité, publié en français et en malgache, seront officiels et feront foi sous tous les rapports.

(C'est en vain qu'on chercherait dans ce factum le mot « protectorat, »> dont l'insertion a été soigneusement évitée. On a dit que c'était une « cote mal taillée; » elle l'est, en effet, bien mal en ce qui concerne la France.)

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