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tine, il y avait eu de la part des religieux ralentissement ou même cessation complète dans l'exercice des fonctions paroissiales; la défaveur correspondante des seigneurs de Pesmes pouvait bien y avoir quelque part. Quoi qu'il en soit, après 1198, le cartulaire de Saint-Germain d'Auxerre cesse de compter l'église de Pesmes au nombre des bénéfices de cette abbaye. Cependant, à ce moment même, l'exercice du culte ne cessa pas d'être assuré; car, dès cette époque, à l'ombre de l'église de Pesmes, s'était formée une réunion de prêtres ayant pour but, suivant l'usage, de renforcer et d'embellir en ce lieu même les cérémonies du culte, et aussi de desservir les églises voisines. Cette réunion, qui dans la suite constitua une familiarité, avait à sa tête un chef, curé véritable, qui prenait le titre de doyen et dont la juridiction s'exerçait aux environs, dans un rayon assez étendu (1). Les choses ainsi établies auraient pu subsister longtemps sans grand inconvénient; mais, comme les congré gations monastiques paraissaient alors plus capables d'assurer la durée et la perpétuité d'un aussi important service, Guillaume IV voulut remettre à un autre ordre religieux le fardeau qui avait semblé trop pesant aux Bénédictins d'Auxerre. Parmi les monastères les plus voisins, il pouvait hésiter entre Acey et Corneux; mais cette dernière abbaye était plus florissante, ses domaines s'étendaient jusque près de Chaumercenne, et elle jouissait en ce moment de toute la faveur du seigneur de Pesmes; bientôt même celui-ci allait s'engager envers elle par des liens de dépendance féodale; aussi l'abbaye de Corneux eut-elle la préférence. Pour compenser l'aliénation d'une grande partie des dîmes de Pesmes détournées de leur but primitif par la décadence bénédictine, Guillaume IV voulut doter cette abbaye de grands avantages matériels et religieux. Il le fit solennelle

(1) Pr. n° 26.

ment par un acte de l'année 1230 (1), passé devant tous ses parents et en présence de l'archevêque de Besançon ; cet acte avait pour objet de donner à l'abbaye de Corneux tous les droits que possédaient avant lui Aimon, son père, et Guillaume III, son oncle, archidiacre, dans les églises de Pesmes, Sauvigney, Vadans, Sornay et Bay. A ces cinq églises ajoutons encore celle de Battrans, qui fut cédée en 1240. Par le même acte de l'an 1230, Guillaume IV donna encore un logement aux moines de Corneux, par l'abandon d'un meix franc et libre de toute servitude sous la forteresse de Pesmes. De plus, un tiers des dimes du vignoble de Pesmes fut attribué au service curial, mais la charte de 1230 reste muette à cet égard. Nous ne savons ni la date ni l'origine de ce rattachement, et nous ignorons si cette part des dîmes fut cédée par le seigneur lui-même ou par les Bénédictins d'Auxerre. Les relations entre Guillaume IV et l'abbaye de Corneux devinrent encore plus étroites quand ce seigneur lui prêta hommage, en 1232, pour son fief de Valay (2).

Un des caractères spéciaux du moyen âge est l'amour de la lutte, un besoin inné de discussion et de chicane. Les monastères, qui trouvaient dans des donations litigieuses. ample matière à conflits et ne pouvaient confier leur bon droit au sort des armes, se trouvaient par là dans un état d'infériorité évidente. Après avoir subi les violences de leurs adversaires, ils pouvaient recourir au souverain, quand il

(1) Cet acte se trouve rappelé dans un inventaire de pièces fournies au Parlement de Dole lors d'un procès concernant la cure de Pesmes, au XVIIe siècle : <«< Deux titres en parchemin, l'un, de 1230, scellé d'un sceau de cire jaune, contenant la donation de la cure de Pesmes à l'abbé de Corneux par les lors seigneur et dame de Pesmes, l'autre, de de la Haute-Saône, G. 172. ment à feu M. l'abbé Morey, geamment cette donation de l'église de Pesmes. (2) Pr. no 46.

1232, contenant la ratification du premier... » Arch. Voir Pr. nos 47 et 48. Nous devons ce renseignecuré de Baudoncourt, qui nous a indiqué fort obli

se trouvait dans la province et à leur portée, et lui demander ses bons offices pour obtenir justice; mais la plupart du temps ils s'adressaient à l'archevêque de Besançon ou au pape lui-même, pour qu'une enquête soit ordonnée et des arbitres constitués. Quand les deux parties tombaient d'accord pour remettre leur cause à des tiers, le différend était bien près d'être tranché, mais quelquefois l'une des parties s'y refusait, et alors les choses traînaient en longueur indéfiniment. Cela n'alla pas aussi loin dans les difficultés qui s'élevèrent entre l'abbaye de Corneux et Guillaume IV, le plus insigne de ses bienfaiteurs. La cure de Sornay avait fourni l'objet d'un litige, mais une enquête, acceptée par Guillaume IV, termina la querelle à la satisfaction des religieux; ceux-ci rentrèrent bientôt en faveur près du sire de Pesmes.

Pour prévenir sur un autre théâtre des difficultés nouvelles, l'abbé de Corneux prit soin de faire définir les parts respectives qui devaient être dévolues au curé et aux prêtres familiers dans les revenus de toute sorte de l'église de Pesmes. Cette charte de 1236, que nous donnons in extenso (1), est intéressante par la nomenclature des droits variés que percevaient dans les diverses cérémonies les curés du XIIIe siècle.

L'abbaye de Corneux, dotée par le seigneur de Pesmes du patronage de plusieurs églises, entreprit la restauration de quelques-uns de ces édifices, la plupart fort anciens. L'ordre des Prémontrés lui fournit des maîtres d'œuvre compétents, et les paroisses lui donnèrent des auxiliaires empressés pour les charrois et les gros travaux. C'était l'époque où un art nouveau dans l'architecture se répandait partout, donnant

(1) Pr. no 54. La mention des oblations pour les confessions de Noël et de Pâques nous a semblé particulièrement intéressante. Les autres droits de chapellenie rappelés dans la charte ont été déjà indiqués et étudiés par l'abbé Richard. Cf. Histoire des diocèses de Besançon et de Saint-Claude, t. I, p. 265 à 266.

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aux cathédrales des villes une hardiesse et une légèreté merveilleuses, et aux églises plus humbles des bourgs et des campagnes le cachet moins brillant, quoique bien marqué, de la méthode gothique. Pour l'église de Sornay, qui avait été cédée à Corneux en 1230, nous avons la date certaine de la fin des travaux : ils étaient terminés en 1249, comme l'indique l'acte de consécration du maître-autel (1) retrouvé dans la réparation récente de cet édifice. L'église de Pesmes exigea un plus long effort elle ne fut terminée qu'au début du XIV siècle. Si la porte d'entrée a conservé encore le cintre roman, la forme étroite et allongée des fenêtres hautes coiffées de l'arc en tiers point, comme aussi les feuillages des chapiteaux de la grande nef accusent tous les caractères du style gothique à sa première période. Au niveau du clocher et sur le flanc sud de l'édifice, les seigneurs érigèrent une chapelle, qui fut réservée spécialement à leur usage, qui prit le nom de chapelle seigneuriale; à partir du XIVe siècle, ils y fixèrent leur sépulture (2).

Guillaume IV, si généreux envers l'abbaye de Corneux, n'oublia pas dans ses libéralités l'abbaye de Cherlieu, fondée et enrichie par ses ancêtres. En 1235, il fondait un anniversaire dans le sanctuaire de Cherlicu pour le repos de son âme, de celle de ses prédécesseurs et d'Elisabeth, son épouse. L'année suivante, il abandonnait à ce monastère tout ce qu'il possédait à Bougey et à Agnaucourt, ainsi que tous les droits qu'il pouvait prétendre sur plusieurs héritages

(1) « Anno ab incarnatione Domini Mo CC® XLo octavo, III Kal. februarii, consecratum est hoc altare a domino Willermo Bisuntino archiepiscopo in honore sancti Germani episcopi et confessoris, Antissiodorensis episcopi, et in honore sancte Katherine virginis et martyris. » Le patronage des seigneurs de Pesmes et le vocable de Saint-Germain permettent de supposer que cet édifice, restauré en 1249, avait été fondé dans le siècle précédent par les seigneurs de Pesmes au temps de l'influence des Bénédictins d'Auxerre.

(2) Cf. L'église paroissiale de Pesmes et ses monuments, par J. GAUTHIER et G. DE BEAUSÉJOUR.

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