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de Fianarantsoa, d'Ambositra, de Mantasoa et de Tamatave, tandis qu'à Tananarive il n'était déjà plus que simplement toléré.

Le protestantisme, de son côté, bien que déclaré religion d'Etat à Tananarive en décembre 1868 (1), et malgré l'influence croissante de l'Angleterre sur la cour d'Emyrne, malgré aussi les intrigues de ses agents plus ou moins officiels, tels que les Prédicants ou Evangélistes, ne réussit pas mieux à s'implanter à Madagascar, à cause de la résistance constante des chefs du vieux parti hova, restés fidèles aux coutumes de leurs ancêtres, et surtout à cause de la diversité des sectes qui, à l'envi les unes des autres, voulurent faire des prosélytes. Aussi les Hovas, dont l'esprit se prêtait difficilement à la compréhension des subtilités dogmatiques des missionnaires anglais, se noyèrent-ils dans les doctrines dissidentes des Méthodistes ou Indépendants, des Anglicans, des Luthériens et des Quakers, et revinrent-ils peu à peu à leur idolatrie primitive, aujourd'hui mélangée de tant de croyances diverses, qu'il est bien difficile de déterminer l'essence de la religion actuellement dominante dans l'Imerina.

Quant aux autres peuples de Madagascar, demeurés en dehors de l'action civilisatrice du catholicisme ou rebelles aux tentatives de conversion des protestants anglais, ils sont restés idolâtres, fatalistes, superstitieux et croyant à la métempsycose (2). La majeure partie même du peuple

(1) Dans le courant de février 1869, pour confirmer l'établissement du protestantisme comme religion d'Etat, la reine Ranavalona II se déclara ouvertement chef suprême de la nouvelle religion et reçut le baptême des Méthodistes, en même temps que Rainilaiarivony, son premier ministre. Mais il y a beau temps que les ardeurs protestantes de ce dernier se sont calmées et que ses nouvelles croyances, si bruyamment proclamées, se sont évanouies devant les exigences de sa politique. (2) La métempsycose des Malgaches n'est qu'une métamorphose ou transformation animale, car ils sont convaincus que leurs morts revivent sous la forme de singes, de chiens, de serpents, d'oiseaux, de caïmans, de sangliers et même de moutons dont certaines tribus ont la chair en horreur, la considérant comme celle de leurs semblables.

betsileo a conservé ses coutumes païennes, malgré le voisinage de nos missions.

Mais, par tout ce qui précède, il est bien démontré que si le christianisme n'a pas pénétré plus profondément dans les masses, c'est que les Anglais, cherchant moins à faire prévaloir leur religion qu'à satisfaire leurs ambitions politiques, et ne se servant du protestantisme que comme d'un instrument de conquête dans l'intérêt de leur commerce, incitèrent continuellement la population malgache, et principalement les Hovas, à la persécution des catholiques et à l'expulsion de nos missionnaires. Ayons encore un peu de patience, l'heure de la revanche va bientôt sonner!

Les diverses peuplades de l'île auxquelles nous conserverons la qualification d'autochtones pour les distinguer du peuple envahisseur et qui obéissent à des rois ou chefs indépendants, sont :

PREMIÈREMENT, sur la côte occidentale :

1o le Mahafaly, à l'extrême sud-ouest de l'île, peuple pauvre, misérable, que le sol aride, inculte, fait à peine vivre :

2o Le Sakalava, immense territoire occupant, au nord du précédent, la région comprise entre l'Onilahy ou fleuve Saint-Augustin et la baie de Narinda, sur une étendue de 900 kilomètres environ, renfermant, sous la dénomination de Sakalaves, les tribus ou peuplades de Fiherana, de Menabé, de Mahilaka, de Milanga, d'Ambogo, de Boeni, etc., et ayant pour villes et bourgades principales: Tollia ou Tullear, Matseroka, Malaimbandy, Marovoaï, Maevatanana, près de laquelle a été fondée la colonie de SuberbieVille, Mazengai ou Majonga et Manaharana ;

3o L'Antankarana, allant de la baie de Narinda au cap d'Ambre et revenant à l'est jusqu'au 15 degré de latitude, contenant, dans sa partie septentrionale, nos possessions de Diego-Suarez et ayant pour principales localités : Narinda,

Passandava, Ambodimadiro, Diego-Suarez, Antsirana, Rodo, Loky, Faratava, Antsarabé, Manambato et Vohémar. DEUXIÈMEMENT, sur la côte orientale :

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1o Le Betsimisaraka, s'étendant sur le littoral, du 14 au 21° degré de latitude, comprenant les peuplades d'Antanala, d'Antambaohaka, d'Atsimo, de Bétanimena, d'Avaratra, et ayant pour villes principales: Isoanierana, Soavinarivo, Tintingue, Fénérive, Foulpointe ou Marafototra, Tamatave ou Taomasina, Andovoranto, Vatomandry et Mahela ;

2o Le Sihanaka, situé dans la grande vallée où s'étend le lac Alaotra, avec Ambatondrasaka pour capitale; contrée marécageuse où l'on remarque le curieux village d'Andriba, au sud du lac, dont les eaux, quand elles débordent, soulèvent librement les cases en jonc, à l'instar des villages malais et annamites;

3o Le Bezanozano ou Antankay, au sud du Sihanaka, dans la vallée du haut Mangoro; peuple de race noire, vigoureux; principales localités Mangantany et Moramanga;

4o Le Betsileo, dans la partie centrale de l'île, au sud de l'Imerina, et ayant pour capitale Fianarantsoa, l'un des sièges principaux de nos missions catholiques;

5o Au sud du Betsileo, les pays de Bara et d'Antanala, restés indépendants malgré les incursions et fréquentes tentatives de conquête des Hovas;

Puis, au sud du Betsimisaraka: 6° l'Antaïmorona, peuple d'origine maure, robuste, guerrier et de mœurs très régulières, avec Faraon et Matatane pour capitales;

7° L'Antaïsaka, ayant pour localités principales Benanoremana et Manambondro;

8° Et l'Antanossy, où se trouvent Sainte-Lucie et FortDauphin.

TROISIÈMEMENT, au sud de l'ile:

Le Masikova et l'Antandroy, pays arides, incultes sur une étendue de savanes de plus de 100 kilomètres, et

comprenant la partie la plus méridionale de l'île, jusqu'au cap Sainte-Marie.

La seule nation non réellement autochtone est celle des Hovas, peuple envahisseur, d'origine malaise, venu volontairement ou jeté par une tempête sur les côtes du Betsimisaraka, où il fonda une colonie vers la première moitié du seizième siècle.

Décimés dans leurs luttes avec la populution aborigène, les Hovas abandonnèrent le littoral, franchirent les chaînes de montagnes de l'Ankova et s'établirent, par la force des armes, sur le plateau de l'Imerina, qui fut le berceau de leur nationalité et de la dynastie des rois hovas, avec Antananarivo ou Tananarive pour capitale (1).

Puis, aidés plus tard par les Anglais, ils étendirent leurs conquêtes et soumirent peu à peu à leur domination non seulement les peuplades environnantes, mais encore la plupart de celles de l'ile entière.

C'est ainsi qu'aujourd'hui les Hovas possèdent des postes militaires isolés, répandus sur toute la surface de Madagascar et leur assurant la suprématie.

Comparé avec les autres peuples de l'île, le Hova semble plus policé, mais il ne l'est qu'à la surface et n'a pris de la civilisation qu'un léger vernis qu'il doit à un contact plus fréquent avec les Européens.

Au fond, le Hova, d'une ambition démesurée et insatiable, est despotique, fourbe, pillard et cruel; et, de même que l'on constate dans la langue malgache de nombreuses traces de l'idiome malais, de même découvre-t-on encore chez le Hova le sang du pirate malais, de cet ancien écumeur des mers de la Polynésie.

La seule qualité du Hova, indépendamment de la bravoure

(1) Tananarive, capitale des Hovas, est située au centre de l'Imerina, à 45°37' de longitude et 18°55' de latitude. (An, ici; Tanan, guerriers; Arivo, mille.)

qu'il faut lui reconnaître, est d'être laborieux et opiniâtre dans ses travaux de culture, où, à l'aide d'une patience soutenue, il obtient des résultats qui paraîtront assez satisfaisants si l'on tient compte de l'état rudimentaire de son industrie agricole.

Pour l'établissement des rizières dans les terrains de l'Imerina, où le sol silico-argileux se dessèche pendant les grandes chaleurs, se durcit et devient difficile à travailler, le Hova commence par défoncer le sol, qu'il soulève par grandes mottes afin d'y faire pénétrer l'air et le soleil. Au bout de quelque temps, quand ces mottes sont suffisamment aérées, il les brise, les émiette et les éparpille à coup de bêche, y répand du fumier quand il en possède, et, comme l'eau ne lui manque pas, il convertit le tout, au moyen d'irrigations, en une boue épaisse dans laquelle il plante son riz.

Je dis qu'il le plante, attendu que, préalablement à cette opération, il prépare avec grand soin un coin de terre où il fait des semis très drus. Quand le riz est levé et à l'état d'herbe d'une hauteur de 10 à 15 centimètres, il le retire brin à brin pour le repiquer dans les rizières qu'il a préparées; puis, toujours à l'aide des irrigations, il maintient ses plantations dans un état constant d'humidité jusqu'à entière croissance.

C'est là un vrai travail de patience.

Les Malgaches du littoral emploient, pour la culture du riz, un mode encore plus élémentaire : ils réduisent leurs terrains marécageux à l'état de terre propre à recevoir le riz par le piétinement des bœufs, qu'ils forcent de passer et de repasser dans les marécages jusqu'à ce qu'ils aient parfaitement fait disparaître les herbes dans la vase et pétri convenablement le sol.

Ils y sèment alors le riz, obligent les boeufs à fouler de nouveau le marais afin d'y enfoncer la semence, et n'ont plus qu'à récolter quand le moment est venu.

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