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plus rapide sous ce nouveau Mécène. En 1740 avait commencé l'usage d'exposer chaque année dans la grande salle du Louvre, aux regards, aux éloges et à la critique du public, tous les ouvrages de peinture, de sculpture et de gravure, composés par les membres de l'académie, où se réunissent ces talens divers. Marigny encouragea cette exposition; mais pour la rendre plus considérable, il voulut qu'elle n'eût lieu qu'aux années impaires, afin d'exciter l'émulation des artistes qui n'auraient pas voyagé, et de leur offrir de bons modèles à imiter.

. Il fit ordonner par le roi que l'immense collection de ses tableaux serait successivement exposée dans le même emplacement.

C'est là qu'on vit en 1751 ce tableau d'André de Sarte, usé de vétusté, revivre par l'industrie du sieur Picot, inventeur du secret de transporter la

peinture, sans l'altérer d'une toile sur une autre, et de perpétuer ainsi son existence. Il tenta depuis la même opération sur le Saint-Michel peint sur bois par Raphaël, et termina si heureusement son ouvrage, qu'il causa l'admiration générale et que le roi et toute la cour en furent enchantés.

L'art d'appliquer l'émail sur l'or fut perfectionné.

La savonnerie enfanta des prodiges dans les superbes tapis que la mollesse foule aux pieds.

Les récompenses pécuniaires et honorifiques ne furent jamais tant prodiguées aux artistes. Mon frère aime les lettres et en fait preuves dans le choix de son secrétaire, M. de Marmontel (1). Avec un caractère droit,

(1) Ecoutons parler M. de Marmontel : voici comme il s'exprime sur le caractère du mar

un esprit judicieux, un amour particulier du bien public, mon frère est la gloire de son ministère, et l'on me par

quis, dont il fut long-temps l'ami et le secrétaire.

Madame de Pompadour, en me plaçant auprès de monsieur le marquis, me dit : « Les » gens de lettres ont dans la tête un systême

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d'égalité qui les fait quelquefois manquer » aux convenances; j'espère, Marmontel » qu'à l'égard de mon frère vous >> oublierez jamais.

ne les

» Je profitai de cet avis fort sage, et me con>> duisis avec le marquis de manière à ne ja>> mais mériter aucuns reproches.

» M. de Marigny était inquiet, ombrageux, » susceptible à l'excès de méfiance et de soup» çons. A un grand fond d'amour - propre il » joignait la faiblesse de craindre qu'on ne l'es» timât pas assez, et qu'on ne dît de lui mali» gnement et par ironie ce qu'il y avait à dire » de sa naissance et de sa fortune. Cette inquié»tude était telle , que si en sa présence on » se parlait à l'oreille, il en était effarouché.

donnera cette digression nécessaire à

mon cœur.

On a prétendu que j'avais donné à la France des ministres dont le génie

» Attentif à guetter l'opinion qu'on avait de » lui, il lui arrivait souvent de parler de lui» même avec une humilité feinte, pour éprou» ver si l'on se plaisait à l'entendre se dépriser ; >>et alors, au moindre sourire, au moindre mot » équivoqué, la blessure était profonde et sans » remède. Il était railleur et ne pouvait souf» frir la raillerie.

» Avec les qualités essentielles de l'honnête » homme, et quelques-unes même de » l'homme aimable, de l'esprit, assez de » culture, un goût éclairé dans les arts, dont » il avait fait une étude approfondie, et dans » les mœurs, une droiture, une franchise, une » probité rares, il pouvait être aussi intéres»sant qu'estimable, mais en lui l'humeur gà>> tait tout, et cette humeur était quelquefois >> hérissée de rudesse et de brusquerie.

» Sa sœur, elle-même, lui reprochait sou» vent sa dureté dans les réponses négatives

mince et superficiel n'était pas propre aux affaires mais où en prendre

;

d'autres en France! On dirait que l'esprit humain s'est rétréci chez nous.

» qu'il faisait aux demandes qui lui étaient >> adressées.

» Il me souvient, ajoute Marmontel, d'une >> aventure qui fit grande impression sur lui. >> Etant assis au balcon du théâtre, et ne son>> geant qu'à rire de la petite pièce qu'on repré>> sentait, il avait tout-à-coup entendu l'un des » personnages, un soldat ivre, qui disait : >> Quoi ! j'aurais une jolie sœur, et cela ne me » vaudrait rien, lorsque tant d'autres font for>> tune par leurs arrières-petites cousines? Qu'on >> se figure son embarras et sa confusion. >>

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Beaucoup de gens s'imaginaient que le marquis, ne tirant sa consistance que de sa sœur, à la mort de celle-ci il se verrait obligé de quitter le département des bâtimens ; lui-même craignait d'y être forcé; mais S. M. l'aimait personnellement, et dit, dans une occasion où des courtisans qui n'auraient pas été fàchés de s'approprier ses dépouilles, agissaient sourdement contre lui : «J'aime Marigny; » elle le

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