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500 livres en argent monnaie. Le motif d'une telle défense était la supposition de douze cent millions d'espèces dans le royaume, en stagnation par l'avidité des gens qui ayant fait de grandes fortunes accumulaient sans relâche. La peine n'était pas celle de mort, comme Law l'aurait voulu, mais outre une amende forte, la confiscation des sommes trouvées; on encourageait la délation, en promettant au dénonciateur le tiers de la confiscation; on autorisait des perquisitions odieuses, en enjoignant aux officiers de justice de faire toutes les visites qu'exigeraient d'eux les directeurs de la banque.

On voulait effrayer par ces mesures rigoureuses; afin de mieux réussir, des gens affidés et vrais compères de la banque, se laissèrent prendre dans le cas des défenses; on sévit contre eux, on les emprisonna, et en secret on les récompensa de leur connivence.

Ces exemples intimidèrent en effet les dupes; c'est ainsi qu'on les appelait. Ils se hâtèrent de porter dans les caisses désignées tout leur argent, qui fut surle-champ converti en papier. Les courtisans obéirent à cette loi et avec plus d'empressement que les autres: soit crainte, soit desir de plaire au régent, ils se soumirent à ses volontés (1).

(1) Le chancelier de Pontchartrain envoya à la Banque cinquante-sept mille louis, valant alors soixante-douze livres pièce. Cette capture divertit autant S. A. R., que la conduite d'un autre magistrat dut la chagriner.

Le président Lambert de Vermon se présente au régent, et lui dit qu'il vient nommer un homme ayant cinq cent mille livres en or. S. A. recule de surprise et d'horreur. Ah! M. le président, s'écrie-t-elle, avec son énergie ordinaire, quel f.... métier vous faites là ! Il répliqua: Mais, monseigneur, j'obéis à la loi. C'est elle que vous qualifiez de la sorte indirectement: au surplus, que V. A. R. se ras

Ce fut au milieu de ces circonstances difficiles, lorsque le gouvernement n'inspirait plus de confiance, quand le désordre et la crainte régnaient de toutes parts, quand l'État marchait à grands pas vers une ruine totale, qu'on

sure, et me rende plus de justice; c'est morméme que je viens dénoncer, dans l'espoir d'avoir la liberté de conserver au moins une partie de cette somme, que je préfère à tous les billets de banque.

On aimera sans doute mieux la conduite du premier président de la chambre des comptes, qui répondit aux inquisiteurs : Je vous déclare que j'ai cinq cent mille livres en or, qui sont pour le service du roi ; et je n'ai de comptes à rendre qu'à S. M., lorsqu'elle sera majeure.

Toutes ces précautions ne tendirent qu'à faire resserrer l'argent plus soigneusement encore; beaucoup de gens convertirent leur or en perles et en diamans. Le régent fut informé de cette nouvelle manière de se soustraire à la loi. Cette adresse fut défendue, mais inutilement. On voulut rendre aux billets leur première valeur personne ne s'y laissa plus prendre,

vit paraître un édit, réduisant les actions à moitié. Cette mesure était devenue nécessaire, parce que Law n'avait pas hésité à mettre sur la place beaucoup plus de papier que tout l'argent de la Banque n'en pouvait payer. On m'a assuré qu'il avait émis pour plus de huit milliards de papier.

Ce coup terrible et inattendu dissipa les rêves de l'illusion; les réflexions les plus douloureuses remplacèrent les espérances si long-temps caressées, et auxquelles il fallait renoncer.

Le parlement fit des remontrances; le régent parut les accueillir, et açcepta la démission des charges de Law, qui était devenu en ce moment l'objet de l'exécration publique ; mais dès le lendemain il fut rétabli à la tête des finances et de la banque (1).

(1) Villars prétend que l'exécrable Law avait répandu plus de huit milliards de papiers dans le public.

Cette démarche du parlement fit une plaie mortelle au systême. Law se servit en vain de toutes les ressources que put lui suggérer son génie ; en vain le régent employa-t-il son autorité; tant d'efforts réunis furent impuissans. En finances, une opération attaquée, soupçonnée, devint funeste à ceux qui l'entreprirent. On fit frapper de nouvelles espèces plus légères, auxquelles seules on donna cours.

Les particuliers dont la fortune dépérissait tous les jours, tous les jours faisaient entendre de nouvelles clameurs; l'illusion était dissipée ; le bandeau de l'erreur se détachait; une réalité désespérante succédait aux rêves de la cupidité; le parlement refusait d'enregistrer les édits que l'on présentait à l'appui du systême. Law, irrité de tous ces obstacles, et regardant le parlement comme son ennemi le plus

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