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l'Opéra, où j'eus un plaisir extrême. Là, le Maure et Jeliot furent divins, et Dupré et Javillier dansèrent à l'envie : il n'y eut point jusqu'aux choses de galanterie qui m'y plurent. C'est, je crois, de demain en huit Issé avec Chassé.

Pour des nouvelles de politique, il n'y en a aucune. On croit que le prince Charles a fait avancer des troupes, de Moravie pour environner Pragues par les derrières, afin de nous ôter toute subsistance.

Pour madame de Péquigni, je vous conseille de ne demander à son caractère que ce qui s'y trouve, et comme vous êtes sûre que les intentions sont bonnes, de passer l'écorce, qui ressemble assez à du marroquin du Levant.

L'abbé des Fontaines dit des merveilles de Pamela; mais il se moque fort légèrement de l'Avertissement de Maupertuis. Il y a des aventures de Boulogne que je vous enverrai. Pont de Veyle prétend que cela ressemble aux illustres Françaises. Comme vous m'assurez que ce n'est pas votre intention de me prendre comme les romans, je ne vous dirai point que je vous embrasse de tout mon cœur. Je cherche à mettre en usage toutes les invitations que vous me faites de me bien divertir; mais je

et que,

Vous avoue que cela ne me réussit pas, si je m'en croyais, je vous dirais que je m'ennuie beaucoup de ne vous pas voir; que rien ne vous remplace, parce que je ne sais ce que c'est que les remplacemens, qu'ils sont impossibles à mon caractère qui est invariable même contre le vent, en quoi je suis supérieur aux girouettes, quelque élevées qu'elles puissent être; que ce que j'aime, je l'aime pour toujours, et que c'est vous que j'aime ainsi; que si j'avais été à Forges, je n'aurais pressé ni madame Martel, ni la petite d'O, ni d'autres d'y venir; que tous mes défauts sont contre moi, et même mes bonnes qualités; que je sens profondément les torts que je puis avoir; mais que je sens avec la même vivacité les reproches mal fondés; en un mot, que, si cela se pouvait, j'aimerais encore mieux quelqu'un qui me dirait toute la journée qu'elle est sûre que je l'aime, que mon ame n'est capable de recevoir qu'une impression, et qu'il est aisé d'en juger à la vivacité dont elle en est frappée : voilà tout. Si vous voulez me faire plaisir, redites-moi tout cela, et parlez-moi beaucoup de moi par rapport à vous vous y pouvez mêler quelque chose de vous; mais prenez-y bien garde, car je crois aussi bien que je sens.

LETTRE XIV.

Mme LA MARQUISE DU DEFFAND A M. LE PRESIDENT

HÉNAULT.

11 juillet.

Me voilà à vous, dont en vérité je suis fort aise; j'ai congédié ma compagnie avec le secours de ma petite amie madame de Bancour, qui a emmené tous mes hommes en leur disant que j'avais à écrire. Cette petite Bancour est bonne femme, et dans le fond je m'en accommoderais bien mieux que de ma compagne. Celle-ci était aujourd'hui dans un accès de bavardage inoui; elle est à chevaucher dans les forêts avec une demoiselle Desmazis, de qui le sexe est mal décidé.

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Quand vous voudrez m'affranchir le port des gros paquets, vous n'aurez qu'à les envoyer à la du Châtelet, j'en ai reçu une lettre aujourd'hui avec le factum de M. de Joyeuse. Elle me mande que M. de Richelieu a suspendu l'impression de son discours, et que dès qu'il paraîtra elle me l'enverra. J'ai eu aujourd'hui une seconde lettre de madame de Rochefort et une de l'abbé de

:

Sade, de six ou sept pages, que je n'ai pas encore lue. Je me sens fatiguée aujourd'hui ; j'ai dîné avec un appétit presque semblable au vôtre, et ma digestion me pèse un peu : mes eaux passent toujours bien; mais il a fait un temps diabolique ces jours-ci. Je vais cependant à la fontaine, mais vêtue comme un oignon, et je ne sors pas du coin du feu. Il fait assez beau présentement. Je commence à être assez ennuyée ' de notre dame de Tavannes; nous l'avons eue hier et aujourd'hi à dîner en voilà pour quelque temps. Savez-vous qui est ici? Lauzillieres. Vous ne vous ressouvenez peut-être plus qui il est : c'est un homme qui était ami de madame de Prye, et qui, sauf votre respect, avait l'honneur de....... Il est vieux comme le monde, la tête lui branle : il est avec madame Harens, qui est sa femme ou sa maîtresse. Voilà une chaise à quatre chevaux qui arrive, et une dame dedans; Lafrance me dit que c'est madame de Rosambeau. Je vous plains de l'ennui de mes lettres; mais inutilement je voudrais les rendre intéressantes et amusantes ; je végète toute la journée, et bien m'en prend d'être dans cette disposition. Je vais lire la lettre de l'abbé de Sade, peut-être me fournira-t-elle matière pour celleci, que je reprendrai après.

:

Je viens de lire la lettre de l'abbé; elle est fort bien il me dit qu'il fut question de m'envoyer deux relations, l'une de ce qui se passait à Forges et l'autre à Meudon; que le Forcalquier.fut chargé de la première, et lui qu'il entreprit la seconde. Il s'en acquitte bien : il me fait des portraits de mesdames de la Vallière, de Forcalquier et de Rochefort, qui sont démêlés, fins, et d'un style noble, net et facile; mais je n'ai rien à répondre à tout cela, que de prier qu'on continue et qu'on n'exige rien de moi ; je suis hébêtée. Je ne vois rien ici qui vaille la peine d'être peint, je n'entends rien qu'on puisse répéter, et je ne pense rien par moi-même : cet état est bon à la santé ; mais il est un peu surchargeant pour ceux à qui l'on écrit il vous fera supporter patiemment les irrégularités de la poste. Adieu. Je vais écrire à madame de Luynes. Je mettrai ma lettre dans votre paquet, et vous l'y enverrez.

Je vous remercie de l'Eloge du cardinal de Polignac. J'attendrai Formont pour le lire, car notre Péquigni ne prend rien de tout cela. Envoyez-moi tous les rogatons, et informez-vous chez Prault des livres nouveaux. Me voilà sur le pied de ne point sortir et de ne voir du monde qu'à l'issue du dîner. Premièrement

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