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pourrai vous donner le bonsoir. J'écrivis hier à Formont. Je suis fâché de ne vous avoir donné les lettres de Bayle à emporter, cela vous aurait amusée, quoique je croie que vous les avez lues; mais cela souffre une seconde lecture, et vous pourriez charger Formont de vous les apporter. Je lui ai mandé toutes vos aventures. Pour les miennes, elles se réduisent à un souper à Meudon, où nous allâmes hier, d'Ussé et moi j'avais vu la maréchale de Noailles qui était venue chez moi; elle est fort aise du brevet et fort contente de la petite femme qui l'était venue consulter pour savoir si elle prierait madame d'Antin de venir à la présentation.

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La maréchale n'en a point été d'avis; mais elle lui a su gré de sa confiance. Nous partîmes donc d'Ussé et moi, sur les six heures : je m'imaginai être à l'année 1698, et que m'en allais en vendange. D'abord, nous parlâmes de vous et nous n'en dîmes pas à beaucoup près autant de mal que vous en dites vous-même. Nous trouvâmes, en arrivant, cour plénière : madame de Maurepas, madame de la Vallière, madame de Brancas, Cereste, l'abbé de Sades, la Boissière, l'évêque de Saint-Brieux, l'intendant de Rennes, M. de Menou, etc.;

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mais tout cela ne resta pas, et les quatre derniers s'en allèrent. Les dames étaient à la promenade. Le maréchal me reçut assez bien, pas trop pourtant; je le trouvai fort appésanti, quoi qu'ils en puissent dire. Le Forcalquier me fit beaucoup d'amitié et me raconta comment tout cela s'était passé. Quelque juste que fût cette grace, cependant il m'avoua qu'il avait eu une sorte d'inquiétude, mais qui fut bientôt calmée. Pour madame de Brancas, c'est un personnage essentiel dans toute relation : elle avait été à Versailles, elle avait vu madame de Mailly qui ne savait rien (et effectivement elle n'avait rien dit au maréchal, ni au Forcalquier, quï l'avaient vue auparavant, et elle ne l'apprit que par les complimens qu'elle vit que l'on faisait devant elle à sa toilette). Madame de Brancas la vit donc. Vous comprenez qu'elle rassembla toute la politique, dont elle avait besoin dans de pareilles circonstances. Madame de Mailly lui demanda si on ne verrait pas souvent madame de Forcalquier à la cour : elle éloigna ecla avec une circonspection.... que madame de Forcalquier était encore bien jeune (dụ ton de Duchâtel), qu'elle faisait compagnie au maréchal, qu'elle vivait beaucoup dans sa famille ; enfin il n'y a rien de si beau que tout ce qu'elle.

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dit, et elle ne nous en cacha pas la moindre circonstance. Les dames arrivèrent de la promenade, et à l'instant commença la fête des chapeaux c'est-à-dire que madame de Forcalquier nous les prit tous, et les fit voler de la terrasse en bas, d'environ cinq cents toises. Jè m'approchai de madame de Rochefort, à qui je fis de grands reproches de ne m'avoir rien fait dire par vous grandes amitiés de sa part, et puis ensuite grandes confidences. Je lui dis que d'Ussé commençait à prendre quelque ombrage de l'abbé de Sades. Je demandai où en était l'italien : il ne me parut pas que le précepteur ni la langue eussent fait de grands progrès. L'abbé relaie un peu le chevalier, et, excepté qu'il n'a point d'habit d'ordonnance, cela est assez du même ton. Nous jouâmes, madame de Maurepas, l'abbé de Sades, le Forcalquier et moi. Il me parut que madame de Maurepas et moi n'étions pas les plus forts; cependant il n'y eut que moi qui perdis : arriva enfin un homme extrêmement triste et qui ressemble à la crécelle qui annonce ténèbres : c'était le maître d'hôtel, qui, en effet, nous assembla autour d'une table où était servi le souper de Job. Le souper n'en fut pas moins gai; mais la pauvre Brancas tomba dans un aban

don dont on ne s'aperçut que parce qu'elle avait mis sur son assiette toute une planche de salade pour lui servir de contenance. L'abbé de Sades lui demanda pourquoi elle mangeait sa salade si tristement : elle n'en put donner de bonnes raisons, et on se contenta de celles qu'elle donna. On parla du souper de M. de Rieux, on dit qu'il avait été détestable, et que c'était le cuisinier que venait de prendre madame d'Aiguillon, qui l'avait fait; madame de Rochefort dit qu'elle en était surprise, parce que vous lui aviez assuré qu'il était beaucoup meilleur le mien. On répondit par rire, en disant que depuis huit jours il avait fait à souper chez madame d'Aiguillon à empoisonner le diable, et qu'il était auparavant chez M. de Livri, où l'on ne pouvait manger de rien. Le souper fini, nous achevâmes notre quadrille, et puis nous allâmes nous promener. Nous chantâmes beaucoup d'Ussé, Cereste et moi; et nous repartimes avec promesse de ma part d'y revenir une fois cette semaine, et d'y aller coucher de jeudi en huit, qui sera à leur retour de Versailles.

que

Vous conviendrez qu'on ne peut pas tirer un meilleur parti d'un souper, ni en parler plus longuement. Je compte que vous aurez

fait comme quand vous lisez les romans, que vous en aurez passé les trois quarts pour voir vite si nous serons sortis de table.

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Madame de Maurepas va mardi à Atis, je compte y aller souper mercredi, lui donner à souper vendredi, aller aujourd'hui à Orli, et le reste à la providence. Madame de la Vallière était assez triste, peu fêtée bon procédé de l'avoir; son mari est à Choisi. Pour moi, je l'ai priée pour vendredi; elle me fait amitié, et et j'aime cela. On parla beaucoup à table de la harangue de M. de Richelieu, dont l'abbé de Sades nous dit des morceaux par cœur.

Pour de la politique, je ne vous en dirai rien; car je n'ai vu personne. D'Ussé causa un moment avec madame de Maurepas, mais on vint les interrompre : ainsi il n'en put rien savoir. Cereste avait aussi long-temps causé avec elle.

Je ne vous parlais pas du voyage de Bretagne. Le maréchal dit qu'il n'a jamais compté y mener sa petite femme, et que c'était seulement pour l'amuser qu'il lui avait laissé espérer; au moyen de quoi, cela fait un effet diabolique dans la maison, parce qu'elle s'en prend à son mari de ce qu'elle n'y va point. D'ailleurs tout est dans l'accord le plus parfait. La nou

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