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trale et deux cornes d'abondance du plus bel effet. A la fenêtre existe un balcon en fer forgé.

Notre curiosité, excitée par la vue de ce singulier animal, placé là comme une enseigne, nous fit rechercher quelle en était l'origine; et il nous fut donné de connaître non seulement cette origine ainsi que celle de ladite cour, mais, également, de surprendre, au moment opportun, le fait dont je crois devoir vous entretenir ci-après, et qui est sans nul doute ignoré de la plupart des habitants de l'arrondissement.

Disons qu'au xve siècle, les chanoines de l'hôpital du Saint-Sépulcre, sis rue Saint-Denis, à Paris, et connu sous le nom du Grand Sépulcre, possédait par suite d'un legs de Pierre Boullard, une propriété, appelée Petit Sépulcre, à proximité de l'Abbaye de Saint-Germain-des-Prés, où vivaient quelques-uns de ces religieux aussi, la voie où était installée cette annexe prit-elle aussitôt le nom de rue du Sépulcre. Tenant alors, d'un côté, à la rue Taranne et, de l'autre, à la rue du Four (carrefour de la Croix Rouge), elle devint plus tard la rue du Dragon en raison du voisinage de la cour du même nom (1).

Sur les terrains, appartenant aux chanoines du SaintSépulchre, ainsi que sur les dépendances de l'hôtel de Taranne (2), on construisit, en 1652, un grand manège ou Académie, sorte de caravansérail où venaient demeurer et

(1) Dans le plan de Pierre Bullet et Nicolas Blondel, de 1676, revu et augmenté par Jaillot fils, en 1710, cette voie portait encore l'appellation de rue du Sépulchre (sic).

(2) Les Taranne, qui furent argentiers des Valois depuis Charles VI.

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Entrée de la Cour du Dragon du côté de la rue de Rennes.

s'instruire sur l'art de l'équitation et des armes les jeunes gentilshommes de France et principalement de l'étranger. Ces sortes d'académies, très nombreuses, à cette époque, sur la rive gauche de la Seine la plupart dans le nouveau et aristocratique faubourg Saint-Germain - furent très fréquentées. Les noms de quelques-uns des directeurs, de ces académies sont parvenus jusqu'à nous ce sont les Pluvinel, Longpré, Bernardy, et autres.

Mais elles n'eurent qu'un temps. L'esprit de spéculation commençant à naître, et Paris s'étendant vers l'Ouest, on vit s'élever, de ce côté de la rive gauche, un grand nombre de ces splendides hôtels particuliers que l'on admire encore de nos jours, dans les rues de Grenelle, de Bellechasse et de Varenne. Il en fut de même des maisons pour y abriter de modestes habitants et dont les rezde-chaussées devaient servir au commerce et à l'industrie. C'est ainsi que, vers 1730, l'Académie dirigée par de Longpré, disparut et que l'emplacement qu'elle occupait près de la rue de l'Egout fut acquis par un riche Parisien, Antoine Crozat, le père de la Duchesse de Choiseul et de Crozat, président au Parlement.

Le nouveau propriétaire s'empressa d'y faire élever les constructions actuelles de la Cour du Dragon, et l'architecte, Jacques Cartaut - apparemment le même que celui qui avait édifié précédemment, par ordre du président Crozat, le fastueux hôtel situé à l'extrémité de la rue de Richelieu, sur l'emplacement actuel du Passage des Princes sut tirer avantageusement parti de ce grand rectangle qui partait de la rue de l'Esgoust (1) et se ter

(1) Comme on le voit, dans le plan de Jean de La Caille (1744), la rue de l'Esgoust commençait rue Sainte-Marguerite, près la rue Taranne, et aboutissait à la rue du Four.

minait rue du Sépulchre. Laissant, au centre, un espace libre d'environ 7 mètres de largeur, sur un longueur de 100 mètres, Jacques Cartaut construisit, de chaque côté, six corps de bâtiments sur un plan uniforme et simple, ayant chacun leur entrée spéciale, et élevés de trois étages avec mansardes, à deux logements par étage. Ces logements étaient séparés par un escalier en pierre avec rampe de bois. Les fenêtres d'entresol étaient placées au milieu d'un cintre: au rez-de-chaussée, avaient été aménagés de profonds magasins ou atteliers aux larges portes.

L'espace libre, réservé ainsi, permit de desservir ces habitations et magasins. Une rigole, destinée à recevoir les eaux pluviales ou autres, existe toujours au milieu et tout le long de ce passage, où les grès carrés, dont il est pavé, pourraient bien être les mêmes que ceux qui y furent placés à cette époque.

Deux autres bâtiments furent également construits, en même temps, aux deux extrémités, l'un face à la rue de l'Esgout (rue de Rennes, 50, aujourd'hui) et l'autre rue du Sépulchre (rue du Dragon, 7). Ce dernier corps de logis offre une certaine originalité et tranche sur le reste des constructions: sa façade, sur la cour, qui comporte ici cinq étages, à deux fenêtres seulement par étage, est flanquée de deux lourdes tourelles d'un effet moyenageux, mais moins élevées que le bâtiment.

La porte voûtée conduisant à la rue du Dragon n'a aucune ornementation entre les deux tourelles : elle a plus belle apparence du côté de la rue, mais ne peut être comparée à la porte opposée, celle au Dragon, qui fut ouverte juste en face la rue Sainte-Marguerite, très ancienne voie partant alors du carrefour formé par les rues des Bou

cheries et de Bussy et s'arrêtant à la rue de l'Esgoust, proche la rue Taranne : ces deux dernières voies ont disparu

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Quartier Saint-Germain-des-Prés (plan de Jaillot fils), 1707-1713.
La Cour du Dragon a été percée sur l'emplacement de l'Académie royale
afin de relier la rue de l'Esgoust à la rue du Sépulchre.

lors du percement de la rue de Rennes (1867-68) et du boulevard Saint-Germain. Quant à la rue Sainte-Marguerite, ses deux extrémités furent supprimées également

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