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Tout ce que nous savons de Jehan Turpin, c'est qu'il avait épousé Roberde Martin et qu'il avait trois fils: André, tailleur de pierres, demeurant rue, chevet et paroisse Saint-Landry; Jacques, marchand mercier, demeurant au faubourg Saint-Marceau, paroisse Saint-Médard et Julien, aussi marchand mercier (1). Il semble avoir appartenu à une famille nombreuse, car nous trouvons un certain Antoine Turpin, maître des ponts et figurant dans les délibérations du Bureau de ville, de 1529 à 1553. De 1564 à 1582, nous voyons paraître dans les mêmes délibérations un Pierre Turpin également maître des ponts. Le 31 mai 1595, Guillaume Turpin, maître maçon, est assigné au Châtelet pour une question d'alignement d'une maison qu'il habite comme locataire, quai des Augustins (2), et en janvier 1603, il soumissionne pour 10.000 livres tournois à l'adjudication des travaux à faire aux maisons du Petit Pont.

Tous ces Turpin sont-ils parents de Jehan? C'est probable, mais ce n'est pas certain.

En tout cas, Jehan Turpin était mort le 13 février 1625, car ce jour-là, André, Jacques et Julien Turpin, ses fils, vendaient la maison qu'il avait bâtie au coin de la butte et de la rue de Seine, à Charles Labbé, avocat au parlement, moyennant la somme de 8.500 livres tournois; l'acte passé devant Mes Bourgeois et Boucot, notaires à Paris, était encore corroboré, le 8 novembre de la même année, par un décret d'adjudication au Châtelet (3). Cet acte de vente nous apprend que la maison avait trois corps de logis,

(1) Vente par les fils Turpin à Charles Labbé, du 13 février 1625, devant Boucot. Minute communiquée par M• Huillier.

(2) Reg. du Bureau de ville, 1595.

(3) Minute communiquée par Me Huillier.

deux montées, une cour et un puits. Un autre acte nous apprend encore que la maison était occupée par un principal locataire nommé Pierre Marson(1).

Le nouvel acquéreur se mit en devoir de réparer et d'améliorer sa maison. Dès le 25 juin suivant, il passait pour cela un contrat, devant le même notaire Boucot, avec Georges Gilles, maître couvreur, demeurant place de Grève, moyennant 39 livres tz., et signait une sorte d'abonnement d'entretien, moyenant le paiement annuel d'une somme de six livres (2).

Charles Labbé dut avoir une existence paisible: il n'a pas d'histoire. Il plaida, se maria, n'eut pas d'enfants et mourut en 1656 ou 1657; voilà ce qu'il y a de plus marquant dans sa vie. Il avait une certaine fortune et possédait quelques biens, ainsi que nous l'apprend son titre de <<< sieur de Montoiron et de Changy ». Il avait épousé, d'après son contrat de mariage du 25 novembre 1644(3), Jacqueline Tabouet à qui il laissa l'usufruit de ses biens.

Quand on procéda à l'inventaire, le 19 janvier 1657, et qu'on vendit la maison six ans après, nous ne voyons paraître que des neveux, nièces ou petits-neveux. Sa veuve continua d'habiter la maison du quai qui, d'après les désignations à cette époque, ne comportait plus que deux corps de bâtiments. Elle occupa une partie du plus grand avec toute sa famille, serviteurs et servantes, et loua le reste. L'autre corps de bâtiment était occupé moitié par un des héritiers de son mari, le sieur de Beauvoir, aumônier du

(1) Main-levée de saisie-arrêt du 3 mars 1625 (minute communiquée par Mc Huillier).

(2) Minute communiquée par Me Huillier.

(3) Devant Muret, notaire au Châtelet.

prince de Conti, moitié par un autre locataire qui payait 400 livres de loyer (1).

Les choses demeurèrent ainsi jusqu'à la mort de Mazarin. A la nouvelle de l'expropriation, la veuve de Charles Labbé et les héritiers du défunt demandèrent 48.000 livres. La maison était comme neuve, tant elle était bien entretenue! Elle représente 2.000 livres de loyer! Sa situation est unique! «< On voit le roi jusque dans sa chambre! » Mais Jacques Bornat, l'expert du roi, était moins enthousiaste et n'offrait que 30.000 livres; voyons son procèsverbal d'estimation :

<< Une maison ayant sa principale entrée sur ladicte rue de Seyne applicquée au rez de chaussée à un passage de porte cochère et cuisine à costé servant cy devant d'escurie, un escalier au derrière de ladicte cuisine hors œuvre; une court à main gauche de laquelle est un petit buscher et à l'abboutissant une remise fermée d'aix par devant, une salle qui a son entrée par la rue de Seine, un autre escallier dans œuvre et autre salle. Ensuitte, faisant l'encoignure et au dessus de la cuisine et passage de porte cochère, sont deux chambres quarrées l'une sur l'autre, deux estages de galleries au dessus dudict buscher chacun applicqué à un siège d'aisances et deux petites chambres aussy l'une sur l'autre, au dessus de la salle d'encoignure; Et au dessus de l'escallier premier nommé, ensemble des galleries et chambres d'aboutissant, est une terrasse qui se continue jusques sur la rue de Seine au derrière de la Bibliothèque, laquelle terrasse est couverte de plomb; et ladicte Bibliothèque est au dessus des deux chambres d'encoignure et se continue jusques à ladicte terrasse; sur laquelle Bibliothèque est un coullombier et petit cabinet pris dans le comble. Et en retour, au dessus dudict passage de porte cochère sont deux estages quarrez en saillie, laquelle saillie règne jusques à ladicte en

(1) Arch. nat. S. 6499.

(2) Ibid.

coignure; lesquelz estages sont applicquez chacun à une chambre et petit grenier au dessus, avec une petite montée dans œuvre qui commence au dessus de la terrasse avec plusieurs sièges d'aisance et soubz partie desdits lieux sont deux berceaux de cave, à costé l'un de l'autre vers ladicte rue de Seyne, garnis chacun d'une descente droicte; laquelle maison, ainsi qu'elle se poursuit, comporte,..... Tenant d'un costé au sieur Maurice, d'autre costé sur ladicte rue de Seyne, d'un bout au sieur Tournaire et par devant sur ledict quai..... (1) »

La superficie était de 44 toises 1/4.

Le roi accorda 34.000 livres. C'est tout ce que purent obtenir les lamentations des héritiers Labbé (2). Le 15 octobre 1663, l'acte de vente était signé en l'étude de M. Le Fouyn.

L'arrêt du Conseil fixant l'indemnité nous donne le nom d'une locataire, la veuve Royer (bail de 3 ans, du 3 janvier 1661, moyennant 150 livres); il mentionne aussi l'existence de deux autres baux de trois ans, l'un de 400 livres, l'autre de 425 livres.

(A suivre.)

(1) Arch. nat. S. 6499.

(2) Arch. nat. E. 1718, fol. 33.

Léo MOUTON.

LA COUR DU DRAGON

En écrivant cette petite monographie, j'ai eu simplement le désir d'attirer votre attention sur un fait particulier qui se produit en ce moment même, dans le VI arrondissement, et qui est pour nous surprendre, justement à une époque où le scepticisme, en matière religieuse, se manifeste le plus.

Vous connaissez tous, certainement, dans la rue de Rennes, l'entrée monumentale de ce passage, appelé Cour du Dragon, et faisant communiquer aujourd'hui la rue de Rennes, au n° 50, avec la rue du Dragon, au n° 7. Il y a là, en renfoncement, un bâtiment avec une entrée majestueuse, à double cintre. La porte est large mais peu élevée et fait partie du premier cintre, comportant une fenêtre, à l'entresol. Cette fenêtre est, pour ainsi dire, écrasée par un énorme Dragon ailé, sculpté dans la pierre même et qui, la tête fièrement relevée, semble prêt à la lutte en effet, il lutte, depuis bientôt deux siècles, contre les intempéries qui n'ont eu, heureusement, aucune prise sur lui, car il nous est très bien conservé.

Cet animal fabuleux sert de support à une deuxième fenêtre, située au premier étage de l'immeuble et comprise dans le cintre supérieur. Ajoutons que ce cintre est surmonté d'un motif sculpté Louis XV, avec coquille cenSté Hu® DU VI®. — 1913.

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