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de ville en 1544; un autre est capitaine de la milice en décembre 1562 et enfin un Rebours, président de la Cour des aides, manifeste sa présence dans les actes de la municipalité pendant les dernières années du xvi° siècle et les premières du xvII. Enfin nous trouvons, le 4 janvier 1591, une Jeanne Rebourt, veuve d'Étienne Leroy, qui réclame à un certain Robert Rouilland, tapissier, une somme de 100 écus pour le paiement desquels ce dernier obtient une remise d'un an, à cause des troubles récents, c'est-à-dire le siège de Paris par Henri IV.

Quant à Girardin de Vauconseil, le dernier mari de Jeanne Rebours, c'est un modeste personnage, voiturier par eau demeurant à Saint-Germain-des-Prez, que nous voyons convoqué le 12 juillet 1561 par le Bureau de ville, avec quelques-uns de ses confrères, pour donner son avis sur la reconstruction du quai Saint-Michel, au point de vue de la commodité de la navigation (1).

Mais ce n'est pas tout, et à ce deuxième lopin de terre s'étendant jusqu'à la petite rue de Nesle, devait certainement s'en joindre un troisième, en façade sur le quai et formant le coin nord-est de l'îlot. Nous n'avons point retrouvé dans quelles circonstances Saint-Aubin l'acheta, mais dans l'acte du 4 novembre 1604, précité (vente par Julien Deschamps à François de Saint-Aubin), il faut relever le passage suivant: « ... tenant d'une part la totalité desdits lieux à Dimanche Joullin, d'autre part audit achepteur, abboutissant d'un bout à Nicolas Longuemare et d'aultre bout par-devant sur la rue ». D'autre part, audit achepteur, c'est-à-dire à Saint-Aubin; il bordait donc déjà d'un côté le morceau de terrain qu'il achetait et cet emplace

(1) Voir le Registre des délibérations du Bureau de ville, aux dates précitées.

ment qu'il possédait déjà et qu'il avait peut-être acquis directement de Marcoureau ou de ses descendants, ne pouvait être que le coin nord-est de l'îlot.

Ce fut François de Saint-Aubin, le chapelier, qui fit construire une maison à la place des masures demi-ruinées et des gravats qui encombraient le sol. Nous avons une idée de cette construction par une gravure de Callot qui représente la Tour de Nesle: tout à fait à droite, en premier plan, contre la marge de la gravure, on aperçoit l'angle de la maison, une porte et la fenêtre de chacun des deux étages, ainsi que la lucarne du toit. La construction a l'air en briques recouvertes d'un crépissage, avec angles et encadrements en pierre de taille. Quand la maison fut prête, SaintAubin fit peindre une enseigne qui représentait la sainte Vierge et dénomma sa maison « L'Image Notre-Dame ».

Saint-Aubin avait pour femme Marguerite Galinier et avait marié, en 1631, une de ses filles, Marie, à Robert Le Gallois, écuyer, conseiller du roi, receveur ancien et alternatif du duché d'Alençon, commissaire ordinaire des guerres et valet de chambre ordinaire de la reine mère; ce jeune homme, d'une situation supérieure à son beaupère, était fils d'un bourgeois de Caen; c'était un beau mariage; aussi les Saint-Aubin donnèrent-ils une jolie dot : elle consistait en la maison du quai Malaquais évaluée 12.000 livres tournois.

Une partie de la maison était alors louée pour 600 livres par an à un marchand de vin nommé Dupré. Le jeune ménage devait en occuper une autre partie. Quant aux SaintAubin, ils habitaient rue Saint-Denis. Le contrat fut passé le 13 février devant Haguenier et Huart, notaires (1).

(1) Arch. nat. S. 6499.

Mais quelques années après, Robert Le Gallois mourut laissant à sa femme deux enfants, François-Tanneguy et Marie-Élisabeth. Le 1er juillet 1639, Marie de SaintAubin passait devant Morel Guerreau, le contrat d'un second mariage avec Jean Onfray, secrétaire du roi, demeurant rue des Vaches. Parmi les parents et amis de bonne bourgeoisie qui servent de témoins au futur, figure un homme de cour, haut et puissant seigneur, Gabriel de Vassy, chevalier des ordres du roi et marquis de Bressé. C'est dans sa maison que se signe le contrat, rue de la Foire « à la Pomme d'orange » (1).

Quelque temps après, Jean Onfray quittait Paris avec sa femme et allait s'installer à Caen. Donc, pendant de nombreuses années la maison du quai Malaquais fut occupée par des locataires.

Quant Mazarin mourut à Vincennes, le 9 mars 1661, les époux Onfray ne virent pas tout de suite en quoi cela pouvait les toucher; mais on ouvrit le testament du grand ministre, on y trouva la clause qui instituait le Collège des Quatre Nations, on chercha un emplacement, on choisit la tour de Nesle et ses alentours : l'îlot de la butte était condamné; la maison de Jean Onfray, ainsi que les autres du reste, allait disparaître.

Lorsque l'expropriation fut décidée, Jacques Bornat, expert du roi, fut chargé de faire une visite minutieuse de chaque immeuble et de donner une estimation.

La visite eut lieu le 7 septembre 1662, avec Nicolas Masse, me sculpteur, expert pour Jean Onfray; mais le procès-verbal ne fut rédigé et daté que le 9 décembre suivant. Voici la description exacte de l'immeuble au

(1) Arch. nat. S. 6469.

moment où il allait tomber sous la pioche des démolis

seurs :

...

Une maison faisant l'encoignure sur le port du quay Malaquais, de trois travées de face, couvert de thuilles en comble, appliquée au rez de chaussée à une cuisine dans laquelle est un puis, sallette, passage et autre sallette à costé et au dessus à trois estages dont deux quarrez et l'autre en galtas, chacun estage appliqué à trois chambres et grenier au dessus; trois montées dans œuvre, dont une ne sert qu'au premier estage et cinq sièges d'aisances avec deux berceaux de cave garnis d'une descente droite et d'un postoyer (1),... tenant d'un costé aux héritiers Cruchet, d'autre costé sur la rue qui a face sur l'abbreuvoir de la porte de Nesle, abboutissant par derrière à la vefve Le Comte et par devant sur la rue dudit quay Mallaquais.

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La superficie était de 34 toises. Notons aussi qu'à cette époque la maison avait changé d'enseigne et s'appelait «< La Croix de Lorraine ».

L'expert Masse attribue à la toise une valeur de 400 livres, soit pour 34 toises. 13.600 liv. tz.

Il évalue les bâtiments à raison de 1.500 liv. tz la toise courante; le bâtiment a 6 toises 1/2 de façade, soit, en égard à la profondeur des constructions. .

Ensemble :

9.750 liv. tz. 23.350 liv. tz.

Bornat, de son côté, n'attribue au terrain qu'une valeur de 280 liv. tz. la toise, et aux constructions que 1.200 liv. à la toise courante, ce qui donne 17.320 liv. tz. (2).

(1) Ce terme, qui ne se trouve dans aucun lexique, à notre connaissance, signifie escalier en vis. C'est à l'érudition et à la complaisance de M. A. Thomas, de l'Académie des inscriptions, que nous devons l'indication du terme « Vis potoyère » dans le Dictionnaire d'architecture de Daviler, au mot « Vis ».

(2) Arch. nat. S. 6499.

L'affaire vint au Conseil du roi, le 29 janvier 1663. Onfray fit valoir qu'il avait un bail en cours de six ans et montant à 750 liv. avec son locataire Simon Massiat, marchand de vin, qui faisait les protestations les plus vives et réclamait de gros dommages et intérêts pour interruption de son bail et son déménagement qui allait gâter tout son vin. Le Conseil coupa la poire en deux et accorda à Onfray 20.000 liv. (1). Moins d'un mois après, le 23 février 1663, en l'étude de M Le Fouyn, était signé l'acte de vente de « la Croix de Lorraine » aux exécuteurs du testament de Mazarin, Guillaume de Lamoignon, Michel Le Tellier et Jean-Baptiste Colbert (2). Les démolisseurs pouvaient venir.

« Le Mortier d'or. »

Passons à la maison suivante, celle qui aurait porté le numéro deux, si on les eût numérotées en suivant le fil de l'eau.

Le titre le plus ancien dont nous ayons connaissance relativement à cet immeuble est un décret d'adjudication au Châtelet du 14 juin 1561. Nous ne l'avons point eu en mains; il est seulement mentionné dans des ventes postérieures, notamment celles du 19 août 1599 et du dernier juillet 1658. Le premier de ces actes est la vente du terrain en question par Catherine Sénéchal à Nicolas de Longuemare (3); nous y voyons que la propriété appartenait à

(1) Arch. nat. E. 1718, fol. 9.

(2) Arch. nat. S. 6499.

(3) Minutes de Me Moisy, notaire à Paris.

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