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(ou rue des Portes); à l'est, le chemin bordant le fossé des remparts et, à l'ouest, la rue de la Seine.

Tisserand nous apprend encore que Nicolas Canivet étant mort, sa veuve se remaria et épousa Guillaume Mercureau ou plutôt Marcoureau, tonnelier, dont les héritiers morcelèrent l'îlot en quatre parties, sur lesquelles furent construites quatre maisons : la Croix de Lorraine, le Mortier d'or, le Petit Louvre et une quatrième maison sans désignation. Ce sont bien là les quatre maisons en façade sur le quai que nous retrouverons en 1663, au moment de l'expropriation; mais, pour constituer l'îlot entier, il faut y ajouter cinq autres maisons qui vinrent s'adosser aux premières et qui eurent leurs façades au midi, sur la petite rue de Nesle. Il faut encore noter que ce lotissement ne se fit point d'un seul coup, mais bien par aliénations successives.

Prenons les maisons une à une et voyons jusqu'où les titres de propriété nous permettent de remonter.

Commençons par la première, en amont, la plus près de la Tour de Nesle, celle qui eût véritablement porté le n° 1 du quai Malaquais si on eût alors numéroté les maisons.

Cet emplacement appartenait, d'après Tisserand, à Nicolas Canivet dès 1532. Un peu avant 1542, il est aux mains du tonnelier Marcoureau, qui a épousé la veuve Canivet. Certes ce Marcoureau, n'est pas un personnage important, mais il n'est tout de même pas le premier il remplissait les modestes fonctions municipales de ‹ dixinyer » de son quartier. C'était déjà une petite distinction; le dizainier était sous les ordres du quartenier; il participait au recouvrement des taxes, tenait la municipalité au courant du mouvement de la population, faisait de petites enquêtes sanitaires en temps d'épidémie, conduisait

venu;

aux portes de la ville les bourgeois chargés de monter la garde pour empêcher l'entrée des mendiants valides; il visitait les maisons pour établir la taxe des boues et, en échange, était, dans les faubourgs, exempt du logement des gens de guerre, prérogative de la plus haute importance en un temps où tout soldat était doublé d'un brigand.

Nous voyons Marcoureau convoqué à l'Hôtel de Ville, le 25 mai 1545, pour assister au serment prêté par les députés que le Bureau de ville envoie au roi à propos d'un subside de 120.000 livres tz. demandé à la ville (1).

En 1560, le coin de sol qui nous occupe est revenu aux héritiers ou ayant cause de Canivet, car le 14 octobre de cette année, devant Pierre Thibaut et Antoine Fortin, notaires, intervient un acte par lequel Rollin Canivet, voiturier par eau, et sa femme, vendaient à Anne Canivet l'immeuble qui sera plus tard la Croix de Lorraine. Cette Anne Canivet, qui semble être la sœur du vendeur, était alors veuve de Martin Brethon (ou Le Brethon), charpentier de bateaux. Sa maison était même alors désignée « Le Chantier », du fait de son métier, et semble avoir eu son entrée principale sur la rue du Fossé, c'est-à-dire en face la tour de Nesle. A une date que nous n'avons pu préciser, la maison passa à Guillaume Le Brethon, aussi charpentier de bateaux (2), sans doute le fils du précédent, et qui en était, en tout cas, propriétaire dès 1571, car à cette date nous le voyons figurer pour une quote-part de 40 sols dans le « Compte du don de trois cens mil livres tz. octroyé par la ville de Paris au feu roy Charles dernier décédé, en

(1) Registre des délibérations du Bureau de Ville.

(2) D'après le Cucilleret de l'Abbaye de Saint-Germain-des-Prés de 1595. Arch. nat. S. 3058.

l'année M. V soixante unze » (1). Le 21 septembre 1579, il passe devant Denetz et Lecamus, notaires, un contrat pour assurer la célébration d'une messe basse de requiem, tous les jeudis de l'année, « pour le salut et remède de son âme », moyennant une rente gagée sur la maison qui nous occupe (2).

Après Guillaume Le Brethon, nous trouvons comme propriétaire une Jeanne Le Brethon qui doit être sa fille et qui semble avoir eu une vocation déterminée pour le mariage, car nous la voyons successivement mariée à Claude Bailesme, tailleur, à Loys Dalbet et à François Le Tourneur, écuyer de cuisine de Mg le duc de Nevers. De son second mariage avec Loys Dalbet, Jeanne Le Brethon eut un fils, Guillaume Dalbet, maître apothicaire, qu par acte du 29 mai 1601, devant Mancheville et Desquatrevaulx, revendit à son beau-père, François Le Tourneur, la maison qui lui venait de sa mère.

Le Tourneur la garda à peine quelques mois et, le 25 août 1601, par acte passé devant Desmarquets et de Troyes, la céda à Julien Deschamps, juré porteur de grains, et à Georgette Guérard, sa femme. Ce dernier exerçait depuis plusieurs années sa profession au port Malacquest, car nous le voyons, dès le 20 octobre 1595, prendre à bail de la ville, moyennant 12 écus par an, le corps de garde désaffecté de la porte de Nesle et le jardin y attenant (3). Ce ne fut que six ans après qu'il acheta la petite maison de l'îlot de la butte. Les nouveaux acquéreurs ne conservèrent pas non plus bien longtemps un immeuble de petite dimension et en fort mauvais état : le 4 novem

(1) Bibliothèque nat. Mss. Fr. 11692, fo 309.

(2) Arch. nat. S. 6499.

(3) Registre des délibérations du Bureau de ville, t. IX, p. 34.

Ste Hue DU VI. - 1913.

bre 1604, ils le vendaient par devant de Troyes, notaire, à François de Sainct-Aulbin, marchand, maître chapelier. Ce qu'ils vendaient était peu de chose : ce n'était qu' «une masure assise au port Malacquest, hors et près la porte de Nesle, contenant une travée avec cour, contenant six toises attenant à ladite masure ». Le prix était peu élevé et ne se montait qu'à 300 livres tz. pour le principal et à 60 livres tz. pour les « épingles » de Georgette Guérard, la femme du vendeur (1).

En achetant cette bicoque, François de Saint-Aubin avait l'intention de la démolir et de reconstruire une véritable maison. Presque toutes les ventes qui eurent lieu dans ce coin de faubourg vers cette époque avaient le même but, car les maisons avaient extrêmement souffert de la longue et terrible période des guerres de religion et surtout, en dernier lieu, du siège de Paris. L'Estoile rapporte, le 11 septembre 1590, que les lansquenets commencèrent à démolir les maisons qui se trouvaient sur les fossés, vis-à-vis la porte de Nesle, prétendant qu'on leur avait alloué les démolitions en paiement de leur solde. Il fallut que le duc de Nemours vînt en personne pour y mettre ordre et empêcher un tel pillage.

Mais le terrain dont nous venons de parler était trop petit et Saint-Aubin en acheta notablement davantage à des époques certainement voisines, mais que nous ne saurions préciser, car les titres de propriété ne figurent pas dans ceux qui furent livrés au collège Mazarin lors de sa fondation en 1663. Nous en constatons seulement l'existence par les tenants et aboutissants des titres de propriété des immeubles voisins et par la liste des titres de propriété

(1) Arch. nat. S. 6499.

transmis et que malheureusement nous ne retrouvons pas tous. Ainsi nous avons la preuve que Saint-Aubin acquit aussi une autre portion de terrain qui faisait suite à celui dont nous venons de parler et qui formait hache avec lui, s'étendant en retour jusqu'à la petite rue de Nesle et laissant aux mains d'un autre propriétaire le coin sud-est de l'îlot. Saint-Aubin se voyait adjuger pour 100 livres tournois cette bande de terrain par décret d'adjudication au Châtelet du 7 août 1604. L'immeuble y est ainsi désigné:

« Une masure lieu et place en laquelle n'y a aucun édiffice sinon que de gravois, sur laquelle masure souloit cy devant avoir une maison assise audict faulxbourg Sainct-Germain des Prez, vis-à-vis la porte de Nesle, en une petite rue qui aboutit à la rue de Seyne d'un bout et de l'autre sur la porte de Nesle, apelée la rue de Nesle, paroisse Saint-Sulpice; tenant ladite place et masure d'une part à Guillaume Marye, menuisier d'autre à Dimanche Jullier (lire Joullain) gaignedeniers, abboutissant d'un bout sur ladite rue de Nesle et d'autre bout par derrière à Madame Deschamps ».

Le décret du Châtelet nous apprend que Saint-Aubin en était propriétaire moitié du chef de sa femme, moitié par acquisition à Jeanne Rebours, femme de François Le Saige; laquelle Rebours l'avait reçue en héritage de sa mère Marion Marye qui le possédait elle-même en don de son dernier mari, Girardin de Vauconseil, maître passeur d'eau. Là se bornent nos renseignements, car le décret d'adjudication n'indique point les notaires qui rédigèrent ces diverses mutations.

Le nom de Rebours se rencontre plusieurs fois dans les délibérations du bureau de ville: un Jean et un Jacques Rebours sont procureurs de la ville en 1499; un autre Rebours, marchand. figure dans une assemblée du bureau

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