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l'affreuse nouvelle me fut confirmée. Le dimanche soir, 8 mars 1914, à l'issue d'un dîner de famille, quelques instants après le départ de ses enfants, le cœur de notre vieil ami s'était subitement arrêté; la vie l'avait quitté simplement, sans souffrances et il s'était endormi dans la paix d'une conscience tranquille.

Pour celui que la mort frappe ainsi, debout, en pleine santé, en pleine possession de sa vigueur et de son intelligence, le coup n'est point cruel, puisqu'il faut mourir et que les affres de la maladie lui sont épargnées. Mais pour tous les siens, pour tous ses amis, quel déchirement! quelle douleur! Nous résistons si fort à l'idée du trépas qu'il nous faut du temps pour nous y préparer; quand il se produit avec cette brutalité, nous restons stupéfaits. Aussi je renonce à exprimer les sentiments d'angoisse et de tristesse qui nous ont saisis, nous, les confrères, nous, les collègues de Fromageot dans les nombreuses sociétés dont il faisait partie, à l'annonce de ce fatal événement.

La notre, la Société historique du sixième arrondissement est des plus durement atteintes. Nous étions habitués à le voir, presque chaque vendredi soir, nous apporter une pièce, une estampe, un document inédit, qu'il expliquait et commentait avec sa spirituelle bonhomie, sans préjudice de ses travaux plus importants, modèles de monographies urbaines, sur la rue de Buci ou la rue du Cherche-Midi. Sa générosité était inépuisable, sa complaisance était sans bornes. Nous l'avions nommé président de l'un des comités, et vice-président général de la Société; mais ces titres ne disent pas la grande place qu'il occupait parmi nous; il était notre ressource; il était notre gloire. Hélas! nous ne l'entendrons plus, et il ne me reste que la stérile consolation de lui rendre les derniers devoirs de ma vieille amitié.

Paul-Hector Fromageot était né à Paris le 13 août 1837. A l'âge où il faut faire choix d'une carrière, il voulut être avocat et rien qu'avocat. Inscrit au barreau de Paris le 20 novembre 1858, Secrétaire de la Conférence des avocats, sous le bâtonnât de Jules Favre, en 1861-62, avec Pouillet, Léon Renault, Camescasse, il travailla d'abord dans le cabinet

de Landrin, l'ancien représentant du peuple, dont il écrivit plus tard l'intéressante biographie; il devint ensuite le secrétaire de Nicolet, l'illustre avocat, alors à l'apogée de son talent, à côté de notre éminent bâtonnier M. Ernest Cartier. En 1889, il était nommé membre du Conseil de l'Ordre, et pendant quatre années, ses confrères lui continuaient ce témoignage d'estime et d'affection. Puis, après avoir exercé sa profession pendant quarante années, avec un talent, un succès, une dignité que nul n'a dépassé, après avoir recueilli les honneurs que le Barreau décerne à la jeunesse et à l'âge mûr, après s'être assuré dans ses enfants de dignes continuateurs de sa personne dans les diverses carrières de l'ordre judiciaire, Fromageot s'éloigna des affaires, sans se séparer du Palais, où le retenaient tant de profondes affections, où le rappelaient ses fonctions à la Commission du Musée et de la Bibliothèque. Et alors commence pour lui une nouvelle vie, dans laquelle il déploie le même talent et la même activité.

Le voici fréquentant assidûment les Bibliothèques et les Archives, courant les boutiques des libraires, des marchands d'autographes et d'estampes à la réception de leurs catalogues, accumulant les notes, les documents rares ou inédits, constituant des dossiers, dédaignant la pièce rare et chère mais connue, recueillant les comptes, les correspondances, les papiers les plus insignifiants en apparence, butinant ainsi de toutes parts comme l'abeille, tout cela pour lui permettre de présenter sous un jour nouveau tel fait historique ou tel personnage, de premier ou de second plan. Fromageot est affilié à tous les groupements qui s'occupent d'histoire, à la Société de l'histoire de l'art français, à la Société de l'histoire de Paris et de l'Ile de France, à la revue des Sciences historiques, et à bien d'autres. Il en est deux surtout, qui trouvent en lui le plus assidu des collaborateurs : la Société de l'histoire de Versailles et de Seine-et-Oise, et la Société historique du VI arrondissement. L'été, il travaille pour la première; l'hiver, il travaille pour la seconde; mais en tout temps et sans cesse, il réunit des documents pour l'une et l'autre. Et c'est ainsi qu'en quelques années il a pu mettre au jour une

œuvre considérable, dont M. Foiret, notre collègue, vient de dresser la bibliographie.

Le souvenir de l'historien est donc assuré de vivre. On aimera toujours à relire ces agréables monographies où le talent de l'exposition, la clarté du style, le disputent à la sureté de l'information et donnent à la vérité un cadre pittoresque, qui la fait mieux valoir. Ici, à notre Société, nous avons eu davantage; nous n'oublierons pas qu'avant d'être imprimées, nous avons eu la primeur des publications qui nous concernent; nous avons assisté aux conférences, plus causeries que conférences, où l'orateur, avec ses notes préparées comme pour une plaidoierie, avec ses documents bien ordonnés, nous charmait de sa parole élégante et sincère et nous initiait aux détails de notre histoire locale. Voilà ce que nous avons perdu.

Il y a souvent dans les regrets qu'on exprime sur un cercueil, tout un côté égoïste. Les collectivités surtout éprouvent ce sentiment, et la Société historique du VI" arrondissement a bien conscience de la diminution qu'elle subit par la disparition d'un collaborateur aussi éminent. A coté de ces regrets que j'avais mission de traduire, au nom de la Société, qu'on me permette d'exprimer un sentiment plus personnel, plus simple, plus profond. Fromageot était pour moi un ami très ancien, très cher. J'associe ma douleur à celle de tous les siens et de tous ceux qui l'aimaient.

Félix HERBET.

BIBLIOGRAPHIE DES TRAVAUX

DE M. PAUL FROMAGEOT

I. Laurent Le Cointre, député de Seine-et-Oise à la Légis lative et la Convention (1742-1805).

(Revue de l'histoire de Versailles et de Seine-et-Oise, 1899, portr., et tir. à part, Versailles, L. Bernard, 1899, in-8°, 64 pp.)

II. Une Expédition de police à Versailles en 1525.

(Même revue, et tir. à part, Versailles, L. Bernard, 1899, in 8°, 7 pp.)

III. La Maison des Orphelines de la rue du Vieux-Colombier. (Bulletin de la Société historique du VI arrondissement de Paris, 1899, pages 53 à 61).

IV. Écoles gratuites et institutions charitables de la paroisse de Saint-Sulpice aux xvi et xv siècles.

(Même bulletin, 1899, pages 118 à 134).

V. L'Odéon.

(Même bulletin, 1900, illustr., pages 47 à 68); tir. à part sous le titre de L'Ouverture de l'Odéon en 1797 », Le Mesnil, Firmin-Didot, in-8°, 22 pp.

VI. Les Propriétaires versaillais sous l'Ancien régime.

(Revue de l'histoire de Versailles et de Seine-et-Oise, 3 articles parus en 1900, sous les titres de : Les Propriétaires versaillais sous Louis XIV... sous Louis XV... sous Louis XVI. Tir. à part, Versailles, L. Bernard, 1900, in-8°, 75 pp.)

VII. Les Voitures publiques à Versailles sous l'Ancien régime. (Revue Versailles illustré, et tir. à part, Versailles, imp. de Aubert, 1900, in-8°, 48 pp., fig. et plan).

VIII. La Chevalière d'Eon à Versailles de 1777 à 1779.

(Paris, E. Paul, 1901, in-8°, 44 pp., portr.)

IX. La Foire Saint-Germain-des-Prés.

(Bulletin de la Société historique du VI arrondissement de Paris, 1901-1902, et tir. à part, Paris, imp. de Firmin-Didot, s. d. in-8°, 159 pp., illust.)

X. L'Opéra à Versailles en 1770 pour les fêtes du mariage de Marie-Antoinette.

(Revue Versailles illustré, et tir. à part, Versailles, imp. de Aubert, 1902, gr. in-4o, 33 pp., illustr.)

XI. Versaillais d'autrefois : Un fils de Louis XV. Le jardin du Marquis de Cubières. L'enfance de madame de Pompadour. La mort et les obsèques de madame de Pompadour.

(Le Carnet et Revue de l'Histoire de Versailles. Tir. à part, Versailles, imp. de Aubert, 1902, in-8°, 69 pp.)

XII. Les Monographies communales [des villes et communes du département de Seine-et-Oise]. Rapport lu à la Conférence des sociétés savantes du département en 1902.

(Publié avec d'autres rapports extraits du Compte rendu officiel des Travaux de la Conférence, sous le titre général de Les sources de l'histoire de Seine-et-Oise. Versailles, imp. de Aubert, 1903, in 8).

XIII. Pierre François Tissot (1768-1854).

(Revue de l'histoire de Versailles et de Seine-et-Oise, et tir. à part, Versailles, L. Bernard, 1902, in-8°, 42 pp., portr.)

XIV. La rue de Buci, ses maisons et ses habitants.

(Bulletin de la Société historique du VI arrondissement de Paris, 1903-1906, illustr. et tir. à part, Paris, Firmin-Didot, 1907, in-8°, 323 pp., ill.)

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