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par la Commune, les sieurs Pécoul et Coqueau, visitaient l'immeuble désigné encore sous le nom d'hôtel de Toulouse et occupé par l'ambassade de Sardaigne, pour en faire l'estimation. Ils concluaient que cette maison valait 196.218 livres.

En 1791, le Domaine annonça la mise en vente de cette propriété avec ses dépendances, ce qui provoqua une longue protestation du sieur Porte remplaçant l'ambassadeur (1). Il faisait observer qu'une partie des glaces garnissant l'hôtel avaient été achetées soit par le comte de Scarnafis, soit par le marquis de Cordon, et devaient être distraites de la vente. Mais la vente n'eut pas lieu, faute d'amateurs probablement, et le sieur Porte quitta Paris à son tour, laissant l'hôtel entièrement vacant. Cependant, en novembre 1792, il écrivait de Chambéry pour protester encore contre la saisie d'un vieux carrosse armorié qui avait paru suspect au Comité du Luxembourg, et que Porte disait avoir été acheté d'occasion d'un ci-devant évêque pour le service de l'ambassade (2). Faute de mieux, le Domaine donna l'hôtel en principale location à un sieur Maintier, maître-menuisier demeurant rue Tireboudin (actuellement rue Marie-Stuart donnant dans la rue Montorgueil). Celui-ci s'associa avec un sieur Angar, et tous deux exploitèrent cette grande maison portant alors le n° 804 en y logeant de petits artisans. On en trouve l'indice dans plusieurs mentions du Registre du commissaire du quartier en 1793, relatant les menues réclamations de ces modestes locataires. En juillet 1794, un des appartements fut occupé par l'Administration même du Domaine qui y déposa plusieurs caisses remplies d'objets précieux provenant de la malheureuse Du Barry, guil

(1) Bibliothèque de la ville, ms. N. A. 30 f 196. (2) Arch. de la Seine, Série L. Carton K. L. M.

lotinée en décembre précédent. Angar et Maintier, privés ainsi de la jouissance d'un de leurs locaux, réclamèrent une indemnité de cent francs par mois, et, après neuf mois de cette occupation, ils n'avaient pas encore reçu satisfaction (1).

A la fin de 1795, Angar et Maintier ont disparu. Le Domaine loue la maison au citoyen Gaston Rosnay pour entrer en jouissance le 1er germinal an IV (21 mars 1796), moyennant un loyer de 151.000 francs- payable en assignats évidemment! Puis six mois après, le 3 vendémiaire an V (24 septembre 1796), ce même Gaston Rosnay achète la propriété pour le prix de 270.528 francs, mais il ne paye rien, et ses créanciers font saisir l'immeuble. Ici, l'Administration s'embrouille de singulière façon. Le receveur du Domaine, sans s'inquiéter des droits de Rosnay et de ses créanciers, avait, dès le 29 prairial an IV (17 juin 1796), consenti un autre bail, à un sieur Tapie, moyennant un loyer annuel de 25.100 francs, dont six mois avaient été payés d'avance. De leur côté, les créanciers de Rosnay, sans tenir compte du bail Tapie, mettent en adjudication judiciaire la location de la propriété saisie par eux sur leur débiteur, et, le 22 germinal an VI (11 avril 1798), un bail en est adjugé judiciairement, moyennant 2.550 francs par an, à une dame Sicaut, laquelle cède à son tour ses droits à un sieur Fabre. L'imbroglio est alors complet, et il devient difficile de reconnaître quel est le propriétaire ou le locataire véritable de l'immeuble. Cependant tout s'éclaircit par ce fait que ces divers ayantsdroit disparaissent sans payer, et qu'il ne reste dans la maison que trois ou quatre petits locataires occupant cha

(1) Arch. de la Seine. Hôtel de Toulouse, VII, 3.899.

cun une ou deux chambres. Le 27 pluviôse an VII (15 fé-vrier 1799), un sieur Thibaudin écrit au citoyen Girard, directeur du Domaine national pour lui proposer de prendre en location cette maison du no 804, qu'il déclare être inhabitée (1). Le Directeur s'adresse naturellement pour se renseigner, au Receveur chargé de l'administration des biens nationaux du quartier, et celui-ci, assez naïvement, lui raconte la série des baux Rosnay, Tapie, Sicaut, Fabre se superposant comme on l'a vu. En outre, pour montrer son zèle, il ajoute que le 11 ventôse, il vient de faire commandement à Rosnay de payer son prix d'acquisition, et à la dame Sicaut de payer 1.913 fr. 50 de loyer. Le Directeur, plus clairvoyant, s'étonne avec raison du bail fait à Tapie deux mois après celui fait à Rosnay, et des poursuites exercées contre la dame Sicaut qui tient sa location non pas du Domaine mais des créanciers de Rosnay. Le Receveur, un peu confus, avoue n'avoir pas connu exactement la situation. Enfin, le 6 floréal an VII, le contrat d'acquisition de Rosnay est annulé, ses créanciers n'ont plus aucun droit sur l'immeuble, le Domaine va pouvoir en prendre possession et le réaliser. Mais alors nouveau coup de théâtre! L'hôtel de Toulouse est attribué au Ministère de la Guerre qui va y installer le Conseil de guerre le directeur du Domaine inscrit en travers du dossier du n° 804: Affaire finie.

Alors va commencer, pour durer plus d'un siècle, la dernière période de l'histoire de cette grande propriété.

C'était une loi du 13 brumaire an V (3 novembre 1796) qui avait institué les Conseils de guerre en France. Il devait y en avoir un par chaque division territoriale. Puis une

(1) Arch. de la Seine. 54-3.360.

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