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de biographie du duc, publiée en 1808 (1). Or, le 28 août 1757, le commissaire du quartier recevait une plainte d'une dame Eurédie Fortaire de l'Etourneau, veuve de Pasquier de Courville, demeurante rue du Cherche-Midi, au coin de la rue du Regard. La plaignante accusait un sieur Gilbert, mercier, rue de Bussy, de l'avoir séduite et de lui avoir en outre volé une montre d'or (2). Il semble vraisemblable que cette dame Fortaire demeurant dans l'hôtel de la comtesse de Toulouse devait être la sœur du valet de chambre du duc de Penthièvre, et attachée comme lui au service de la maison.

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Quoi qu'il en soit, en 1757 ou en 1759, Me de Toulouse, âgée de soixante-dix ans environ, était installée dans son hôtel. Son bail finissait en janvier 1766, et, l'hôtel étant reloué dès le 25 janvier, elle dut alors quitter la rue du Cherche-Midi. Elle était déjà en très mauvais état de santé et mourut le 30 septembre 1766.

Les Carmes avaient tout de suite retrouvé un autre locataire de tout repos, avec une nouvelle augmentation de loyer de mille livres, en la personne de Mr PhilippeFrançois Ferrero, comte de la Marmora, ambassadeur du roi de Sardaigne. Le bail conclu le 25 janvier 1766, au prix de 10.000 livres par an, était fait pour neuf ans à partir du 1er avril (3). Le comte de la Marmora, riche par lui-même et par son traitement d'ambassadeur, tenait un grand état de maison. Bien reçu à la Cour, il y gagna une influence qui ne laissait pas d'inquiéter le comte de MercyArgenteau, l'habile représentant de l'Autriche. Il réussit à

(1) Mémoires pour servir à la vie et à l'histoire du duc de Penthièvre, par Fortaire son valet de chambre. (Paris, 1808.)

(2) Arch. nat. Y. 10.771. Papiers du commissaire Leblanc.

(3) Arch. nat. S. 37-30.

Ste que DU VI.

1913.

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négocier trois grands mariages princiers entre la maison de France et la maison de Savoie. Ce fut par ses soins d'abord, qu'en 1770, le comte de Provence épousa Marie-Joséphine-Louise de Savoie, fille de Victor-Amédée III qui succéda en 1773 à son père, Charles-Emmanuel III, roi de Sardaigne. L'acceptation officielle ayant eu lieu en novembre 1770, le comte de la Marmora fut chargé avec le duc de Saint-Mégrin, de régler le cérémonial du voyage et de l'arrivée de la jeune princesse en France (1). Ce fut naturellement l'occasion de grandes fêtes qui eurent lieu à Paris et surtout à l'ambassade de Sardaigne. Durant l'hiver de 1770. à 1771 les réceptions étaient si fréquentes chez M. de la Marmora que les voisins s'en plaignaient. Le 2 juin 1771, le duc de Croy dont l'hôtel était rue du Regard (no 5 actuel), écrivait sur son Journal :

Le 2 juin j'allai à la grand'messe à Saint-Sulpice, ensuite voir la salle de l'ambassadeur de Sardaigne qui logeait auprès de chez nous, et nous avait incommodés tout l'hiver pour le bruit. Le pauvre M. de Moras, mort il y avait un mois, en avait bien souffert !

La salle de l'ambassadeur, sans être aussi belle que celle de l'année de devant, réussit assez bien : il avait peu de terrain et avait profité de son petit jardin pour faire une salle qui, haut et bas, communiquait avec toutes les chambres, ses enfilades faisant comme la galerie de la salle. La rue était, en entier, garnie de lustres, et on dit que le coup d'oeil fut beau. J'examinai tout cela, et, le soir, c'était le jour de la fête. Mon fils s'étant réveillé à Ivry à cinq heures du matin, monta à cheval, et, ayant pris un domino chez lui, arriva que le bal masqué était encore dans son beau.

La jeune comtesse de Provence, bien accueillie par le

(1) Voir le beau livre de M. le vicomte de Reiset sur la Comtesse de Provence (Emile-Paul éd., 1913).

roi et habilement dirigée par La Marmora, entreprit bientôt de marier sa sœur avec le comte d'Artois, et son frère, le prince de Piémont, avec la princesse Clotilde. La Marmora mit tant d'ardeur à poursuivre ce dessein, et écrivit à ce sujet des lettres si pressantes que Victor-Amédée en fut froissé, et, en mars 1773, rappela le comte. Choiseul eut beau dire que Louis XV avait la plus grande estime pour M. de La Marmora et regretterait son départ le comte dut quitter l'ambassade et reçut comme consolation la charge de vice-roi de l'île de Sardaigne. Mme du Deffand écrivait à ce sujet, le 23 mai 1773, à Horace Walpole (1):

Vous savez que M. de La Marmora, qui est rappelé, est nommé vice-roi de Sardaigne; il fait semblant d'en être fort content; mais on prétend que cette place est aussi agréable que si c'était d'être vice-roi de Sibérie; il faut résider pendant trois ans; l'air y est détestable et la compagnie affreuse...

Le nouvel ambassadeur fut le comte de Viry, baron de La Perrière et de Colendier, seigneur Danguy de Sauteran. Il passa avec les Carmes un nouveau bail de neuf ans, le 3 septembre 1773 au même prix de 10.000 livres par an. Il arrivait de Madrid, précédé d'une réputation d'homme du monde aimable, brillant causeur, et non moins habile diplomate. Dès le 19 août, la marquise de Pons, dame d'honneur de la comtesse de Provence, écrivait à son mari (2):

J'ai vu le nouvel ambassadeur de Sardaigne chez M. le duc d'Aiguillon; il est grand et gros, on prétend qu'il est le vampire de son prédécesseur; j'ai causé avec lui, il cause bien, parle français à merveille, a la physionomie pleine d'esprit, et en a, à ce que le monde dit....

(1) Correspondance de Mm du Deffand, t. I, p. 321. (2) Lettre citée par M. le vicomte de Reiset.

Le comte de Viry, pour gagner la faveur du roi, ne se contenta pas de fréquenter le duc d'Aiguillon; il ne craignit pas de mener officiellement la comtesse sa femme chez Mme Du Barry, ce qui fut très remarqué à la Cour. La favorite fut touchée de cette démarche, et le crédit de l'ambassadeur de Sardaigne auprès du roi devint tel que Mercy-Argenteau en conçut une furieuse colère. En novembre 1773, eut lieu le mariage du comte d'Artois avec la princesse Marie-Thérèse de Savoie, et de grandes fêtes furent données de nouveau à cette occasion dans l'hôtel du Cherche-Midi. Le 25 novembre, le duc de Croy écrivait sur son Journal (1):

... A côté de chez moi, je vis la très belle illumination de l'ambassadeur de Sardaigne, qui devait briller, puisque c'était la deuxième princesse qu'il nous donnait.

La mort de Louis XV, et l'avènement de Louis XVI qui s'empressa de chasser Mme Du Barry et le duc d'Aiguillon, portaient un coup grave au crédit du comte de Viry. Cependant il sut manoeuvrer si habilement qu'en 1775, le mariage de Mme Clotilde avec le prince de Piémont fut décidé. En août, pour donner plus d'éclat aux fêtes qu'il voulut offrir à toute la Cour, l'ambassadeur loua et fit aménager la grande salle nouvelle du Vauxhall qu'on achevait alors de construire sur le boulevard. Malheureusement le succès ne répondit pas à ses désirs. Malgré les précautions prises par la police, il y eut une grande confusion pour l'arrivée et le départ des voitures. En outre, la pluie fit manquer le feu d'artifice. Enfin, on se plaignit de l'insuffisance des rafraîchissements (2).

(1) Journal du duc de Croy, t. I, p. 53.

(2) Mémoires de Bachaumont, t. VIII p. 149 et 159, 18 et 26 août 1775.

Peu de temps après, la visite de l'empereur Joseph II en France releva l'influence de l'Autriche, et, brusquement, le comte de Viry, disgracié, fut exilé par son souverain. Il alla se retirer dans son domaine de Viry, près de Genève, d'où il fut appelé plus tard par Napoléon pour devenir préfet, puis sénateur de l'Empire et chambellan.

Il fut remplacé à l'ambassade de Paris par le comte de Scarnafis (Dom Philippe-Marie, comte de Scarnafiggi), venant de Vienne. Son rôle politique fut effacé, mais il avait un important train de maison. En février 1779, le duc de Croy raconte être allé à un très grand diner d'ambassadeurs donné par M. de Scarnafis. Le 22 mai 1783, les Carmes renouvelèrent encore pour neuf ans, à partir du 1er avril 1784, le bail de l'ambassade de Sardaigne, en portant le loyer à 12.000 livres par an (1). Le comte de Scarnafis étant mort en 1788, fut remplacé par le marquis de Cordon. Celui-ci, fort effrayé de la Révolution, quitta la France en juillet 1790, laissant un simple chargé d'affaires nommé Porte, pour représenter la Sardaigne.

DEUXIÈME PÉRIODE.

De 1790 à 1907.

Administration du Domaine. Le Conseil de guerre. Les familles Foucher et Hugo. Procès Châteaubriand. Affaire de la reine d'Etrurie. Malet et Lahorie. Mariage de Victor Hugo. - Abel Hugo et Mãe de Montferrier. — Procès des insurgés de juin 1848. Boulevard Raspail.

Les Carmes étaient expulsés. Le 28 août 1790, deux experts nommés l'un par l'Assemblée nationale, et l'autre

(1) Arch. nat. 3-730.

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